Message du Président de la République à l'occasion de la remise du Grand prix annuel de l'Académie universelle des cultures à Mme Arundhati ROY. (La Sorbonne)

MESSAGE

DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

À L'OCCASION DE LA REMISE DU GRAND PRIX ANNUEL DE L'ACADÉMIE UNIVERSELLE DES CULTURES À MADAME ARUNDHATI ROY

LU PAR ÉLIE WIESEL, PRIX NOBEL DE LA PAIX

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LA SORBONNE - PARIS

LUNDI 12 NOVEMBRE 2001 Il y a quelques jours, lors de l'ouverture de la 31e Conférence générale de l'Unesco, j'ai souhaité réaffirmer l'attachement de la France au dialogue des cultures.

Alors que la tragédie du 11 septembre venait d'ébranler l'espoir et la confiance nés du siècle qui s'ouvrait, à ceux qui prophétisent ou prônent le choc des civilisations j'ai voulu opposer l'égale dignité des cultures du monde, leur vocation à s'enrichir les unes des autres, la quête inlassable d'un humanisme partagé.

Face aux fanatiques, aux partisans de l'affrontement, la France, fidèle à son message historique, entend défendre une vision du monde où la vérité s'exprime en une infinité de langues, où le respect de la diversité des cultures permet l'émergence d'une éthique universelle, où la nécessaire collaboration des civilisations est source de progrès et de paix.

Telle est bien d'ailleurs l'ambition que proclame en quelques mots superbement choisis le nom même de votre institution : Académie universelle des Cultures.

Vous comprendrez dès lors, Cher Élie WIESEL, vous dont la vie témoigne qu'il n'est d'avenir pour l'Homme sans tolérance et liberté, combien j'aurais aimé être à vos côtés aujourd'hui. La remise du prix annuel de votre Académie à Mme Arundhati ROY est en effet un magnifique symbole, un juste témoignage de reconnaissance et un superbe message d'espoir. Les éminentes personnalités ici rassemblées confirment, si besoin en était, l'importance du moment.

Choisir Arundhati ROY symbolise votre volonté de dialogue. C'est porter loin vos regards, en Asie, vers cet Orient où l'Occident depuis Alexandre puise tant de sagesse et d'imagination. C'est rappeler qu'au voisinage de l'Afghanistan s'épanouit un immense pays de liberté, un pays qui revendique sa diversité et réinvente chaque jour le dialogue des cultures, condition même de son unité.

Nous savons trop, lourd tribut d'une histoire douloureuse, que les progrès de la conscience humaine ne peuvent naître de l'uniformité. Seule la reconnaissance de la diversité et l'organisation d'un dialogue fructueux entre les cultures permettent d'avancer. En distinguant une figure éminente de l'Inde d'aujourd'hui, dont l'oeuvre est précisément au service d'un universalisme, l'Académie ne pouvait mieux illustrer ce principe essentiel.

Mais au-delà du symbole, ce prix est une reconnaissance. Reconnaissance d'une forme de génie aussi simple que brillante qui exprime l'essence de la condition humaine. Fidèle à ses racines, fille du Kérala, indienne ô combien, Arundhati ROY a su trouver des mots que chacun peut comprendre, toucher tous ceux qui, à travers le monde, sont confrontés aux épreuves de la vie.

Reconnaissance d'un engagement aussi, celui du courage, de la fidélité à ses idées, de la force de ses convictions. Devant les contradictions du monde, l'oeuvre d'Arundhati ROY résonne comme une quête emblématique de notre temps, la recherche difficile mais indispensable de l'équilibre toujours fragile entre tradition et modernité, développement et écologie, non-violence et combat pour la liberté.

Reconnaissance enfin d'une femme exceptionnelle à un moment où le sort réservé aux femmes, trop souvent privées des droits les plus élémentaires, nous mobilise dans une lutte essentielle contre l'obscurantisme.

Symbole, reconnaissance mais plus encore espérance. Car au-delà de son oeuvre ample et puissante, Arundhati ROY est un sourire où je lis une confiance inébranlable et sereine dans l'avenir, dans l'homme.

Aussi, fort des liens anciens et étroits qui unissent l'Inde et la France, je suis heureux d'exprimer à Arundhati ROY notre admiration, notre gratitude et notre amitié.

Je vous remercie.

Jacques CHIRAC




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