Sommet de la Francophonie : interview du Président de la République à TV5 monde et RFI

Sommet de la Francophonie : Interview accordée par M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à TV5 monde et RFI

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Bucarest - Roumanie, jeudi 28 septembre 2006

QUESTION - Heureux de vous accueillir pour cet entretien exclusif que nous accorde le Président de la République, Monsieur Jacques CHIRAC. Monsieur le Président, merci d'avoir bien voulu répondre aux questions de nos confrères de Radio France internationale, avec Geneviève GOETZINGER, et aux questions de TV 5 monde.

LE PRÉSIDENT - Je vous remercie de votre accueil.

QUESTION - Monsieur le Président, nous sommes donc ici à ce XIe Sommet de la Francophonie. La famille francophone réunie, d'une certaine façon, avec quelques cas particuliers, dont nous allons parler. Tout d'abord le Liban : le Liban qui n'est pas invité officiellement, et vous l'avez vu, il y a une querelle, une polémique, puisque le Président du Liban, le président LAHOUD, vous accuse, vous, Jacques CHIRAC, personnellement, de vous être opposé à sa venue. Alors nous avons envie de vous demander : comment répondez-vous à cette question ?

LE PRÉSIDENT - Le Liban, vous le savez, est très proche de notre cœur, à toutes et à tous ici. Nous avons évoqué avec émotion le Sommet que nous avons eu à Beyrouth en 2002. Depuis, les événements que vous savez, hélas, ont terriblement endeuillé cette terre amie. Je regrette beaucoup que cela provoque une polémique qui n'a pas lieu d'être et à laquelle je n'entends pas participer. Les invitations, pour ce qui concerne un Sommet francophone, sont de la compétence exclusive, il l'a d'ailleurs dit expressément, du Président du pays qui reçoit. Donc, c'est le Président de la République de Roumanie qui a décidé ce qu'il convenait de faire en ce qui concerne les invitations. J'ajoute qu'il a, sans aucun doute, consulté, j'imagine, le Secrétaire général de la Francophonie. Mais il ne m'a pas consulté. Je tiens à vous le dire. Qu'il n'y ait aucune ambigüité sur ce point. Le Président roumain s'est référé non pas à des questions de personne, ou à des questions de politique, mais tout simplement aux déclarations et aux résolutions de l'Organisation des Nations Unies. Cela ne mérite pas de polémique.

QUESTION - C'est ce que vous avez fait vous-même en vous référant aux délibérations des Nations Unies. Or, en même temps, Emil LAHOUD représentait son pays à l'Assemblée générale des Nations Unies. N'y a-t-il pas un paradoxe ?

LE PRÉSIDENT - Je n'ai pas très bien compris···

QUESTION - N'y a t-il pas un paradoxe à ce qu'il puisse aller à New York et qu'il soit refusé dans la famille francophone ?

LE PRÉSIDENT - Je me permets de vous dire que je ne suis pas mêlé à cette décision. C'est une décision du Président de la République de Roumanie. Je la comprends parfaitement mais je n'ai pas à intervenir sur ce sujet. J'ajoute qu'il y a ici le ministre des Affaires culturelles du Liban qui représente pour moi, et pour nous tous en réalité, le Liban, même s'il est supposé représenter le Premier ministre du Liban. Ce sont des querelles qui n'ont pas lieu d'être.

QUESTION - Alors peut-être sur le Liban, le Liban qui vient de connaître une phase difficile, une phase de guerre, la France a été présente. Vous avez décidé l'envoi de 2 000 militaires dans le cadre de la FINUL. Pensez-vous que cette paix est stabilisée, durable ou redoutez-vous, chaque jour, un nouvel engrenage de la violence ?

LE PRÉSIDENT - Je pense qu'il y a toujours un risque mais aujourd'hui la situation me parait relativement stabilisée. Je souhaite que tous les Libanais, quelque soit leur engagement personnel, comprennent qu'il est essentiel pour l'avenir de leur pays, pour la démocratie, qu'ils soient réunis et rassemblés, réunis et rassemblés autour d'un Etat. Or, il n'y a pas d'Etat s'il n'y a pas une autorité de l'Etat sur l'ensemble du territoire. Il est donc très important de faire en sorte que le Liban, par sa propre initiative, rétablisse l'autorité de l'Etat, et notamment que les milices n'aient plus cours. Il n'y a pas d'Etat avec des milices sur une partie de son territoire. En revanche, s'agissant du Hezbollah, qui représente beaucoup au Liban : il a une vocation légitime à être un parti légitime, associé normalement à la vie politique et démocratique du Liban. Je le souhaite et c'est un peu l'orientation qui est prise en ce moment.

QUESTION - Il y a quelques jours, Hassan NASRALLAH a dit qu'il était hors de questions de désarmer la milice du Hezbollah. Comment peut-on les contraindre ?

LE PRÉSIDENT - Je crois que ce qu'a dit M. NASRALLAH était qu'il était hors de question de désarmer la milice. Il faisait allusion à l'ONU. Il n'est pas question que l'ONU, ce n'est pas dans sa vocation ni dans sa mission, désarme. Ce qui est essentiel, c'est que ce désarmement soit fait au terme d'une discussion interne, entre Libanais eux-mêmes, c'est-à-dire entre le gouvernement et le reste de la population du Liban. C'est un processus de politique interne. Ce n'est pas un processus imposé de l'extérieur et par la voie des armes.

QUESTION - Vous vous dites relativement optimiste aujourd'hui, vous semblez optimiste sur le long terme. On vous a entendu, dans un entretien "volé" avec M. ZAPATERO, faire état de craintes à moyen terme sur le Liban. On sait également que les renseignements militaires français ont des réflexions assez précises et ont identifié des menaces potentielles.

LE PRÉSIDENT - Il y a aujourd'hui une FINUL réorganisée avec une mission nouvelle et clairement définie. On a polémiqué un peu sur le fait que j'avais attendu quelques jours avant de prendre ma décision et d'officialiser la décision d'envoyer les soldats français au Liban. C'était simplement parce qu'il fallait que j'aie la certitude, de la part du Département des Opérations de maintien de la paix de l'ONU, que ces soldats ne seraient pas déployés dans le cadre de l'ancienne mission de la FINUL, mais dans le cadre d'une FINUL renforcée, c'est-à-dire avec une capacité, notamment, à se défendre s'ils étaient attaqués. C'est quand j'ai eu les engagements formels de la part de l'ONU, de la part du Secrétaire général et du Directeur des Opérations de maintien de la paix que j'ai décidé d'envoyer les soldats. Il n'était pas question pour moi d'envoyer des soldats sans avoir un minimum de garanties sur leur capacité à assurer leurs missions et leur sécurité. Je crois que cette garantie est donnée. Il y a toujours un risque dès qu'il y a une action militaire, même celle de l'ONU. Mais je ne suis pas du tout pessimiste.

QUESTION - Monsieur le Président, vous êtes aujourd'hui en Roumanie. La Roumanie qui, on le sait, va entrer dans l'Union européenne. Est-ce que cela ne fragilise pas finalement une unité diplomatique de l'Europe, le fait d'avoir l'Europe fondatrice d'un côté, qui est par exemple dans le camp de la paix, alors que l'Europe centrale et orientale, peut-être, se situe davantage auprès de Washington ?

LE PRÉSIDENT - Vous savez, ce n'est pas du tout le sentiment que j'ai ressenti, depuis déjà un certain temps, dans le comportement des autorités roumaines, à l'égard de l'Europe ; pas plus que bulgares d'ailleurs. Vous savez, la France, qui a un lien profond, qui tient à la langue, un lien historique avec la Roumanie, a toujours été favorable à l'entrée de la Roumanie, et de la Bulgarie d'ailleurs, dans l'Union européenne.

Je me permets de vous signaler que lorsque ce sujet a été soumis à l'appréciation du Parlement, plus exactement de l'Assemblée nationale, puisque le Sénat va voter dans quelques jours, il y a eu unanimité. Ce qui, la France étant ce qu'elle est, n'st pas si fréquent. Il y eu unanimité pour approuver l'entrée de la Roumanie. Je suis heureux que ce pays, qui est un vieux pays, une vieille terre de tradition francophone, soit dorénavant au sein de l'Union européenne. J'ai félicité le Président, vraiment de tout cœur, et sans arrière pensée.

QUESTION - Est-ce qu'il vous semble que, justement, on arrive maintenant aux frontières naturelles de cette Europe ou est-ce que l'élargissement peut aller plus loin, la Moldavie, peut-être l'Ukraine un jour, compte tenu de la polémique qu'il y a eu lors de l'élargissement à 25 ?

LE PRÉSIDENT - Vous savez, l'élargissement, il y a le principe et la pratique. Le principe, c'est que l'élargissement est, par définition, souhaitable. Parce que l'élargissement, c'est l'enracinement de la paix et de la démocratie. La paix et la démocratie n'ont pas de frontière. Nous devons avoir tout naturellement l'ambition de développer la paix et la démocratie, partout. Donc, théoriquement, l'élargissement est souhaitable.

Et puis il y a la pratique. La pratique, c'est qu'on ne peut pas s'organiser à beaucoup, sans qu'il y ait des conséquences. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à l'Union européenne, lors des derniers Conseils, que la Commission nous fasse un rapport sur les conditions d'éventuels élargissements ultérieurs. Ces conditions, quelles sont-elles ? Pour s'élargir, il faut d'abord qu'il y ait un minimum de consensus politique. Nous sommes dans des démocraties. Il faut que cela soit accepté par les peuples. Ceci implique donc qu'il y ait un accord de la part de ces peuples. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé, qu'à partir des élargissements suivants, il y aurait forcément un référendum en France pour accepter ou refuser un élargissement.

La deuxième raison, c'est que l'élargissement, cela comporte des conséquences institutionnelles. Nous voyons bien que les institutions aujourd'hui ne sont pas adaptées au fonctionnement de l'Union européenne. Nous sommes trop nombreux. Ce qui fonctionnait à six, à dix, à quinze ne fonctionne pas bien à 25. Donc, il y a un problème de réforme des institutions.

QUESTION - Constitution ?

LE PRÉSIDENT - Nouvelle Constitution si vous voulez. Ne faisons pas de polémique sur les mots. Mais enfin, le problème se pose réellement. Donc, il faut qu'on réfléchisse à cette réforme institutionnelle.

Et troisièmement, Il faut savoir que tout élargissement à des conséquences financières. Donc, il faut en être informé et les assumer. Si c'est pour retirer d'une main ce que l'on donne de l'autre, c'est-à-dire faire financer, par exemple, par la politique agricole commune, l'élargissement pour d'autres pays, cela ne va pas. Donc, il y a ces trois problèmes qui doivent être examinés.

Je pense donc qu'il nous faut un vrai débat sur l'élargissement, sur les principes mêmes de l'élargissement au sein de l'Union européenne. Il faut, pour ce qui concerne la France, qu'elle reste maîtresse de sa décision, par la voie du référendum, pour tout élargissement nouveau.

QUESTION - La Roumanie ne répond pas à toutes les conditions pour rentrer dans l'Union européenne, on le sait. Est-ce que cela peut être compris par les autres peuples européens ? On sait que le 29 mai, les Français, quand ils ont dit non à la Constitution, ont aussi, peut-être, dit non, à un élargissement mal compris ?

LE PRÉSIDENT - Vous ne pouvez pas···

QUESTION - ··· lire dans la boule de cristal.

LE PRÉSIDENT - Je ne voudrais pas interpréter la volonté exprimée par les Français en ce qui concerne le refus, par voie de référendum, de la Constitution. Mais je ne crois pas que cela soit le problème de référence. Il y a d'autres raisons qui peuvent expliquer cette réaction de l'opinion française, du peuple français. Mais je pense, qu'en réalité, la Roumanie, comme la Bulgarie, ont fait des efforts considérables pour adopter l'acquis communautaire, c'est-à-dire nos règles de vie. Et que cela ne se fait pas instantanément. Alors, comme dans les élargissements précédents, la Commission, à juste titre, a remarqué qu'il y avait des faiblesses dans leurs dispositifs, et que par conséquent, elle disait "oui, mais", oui à l'entrée, mais vous devez impérativement corriger un certain nombre de faiblesses, notamment dans le domaine agricole, dans le domaine financier, dans le domaine de la corruption, dans quelques domaines de cette nature.

QUESTION - Monsieur le Président, nous allons parler de l'Afrique. Beaucoup de pays de la Francophonie sont de ce continent africain. Nous vous rencontrons depuis quelques années. Vous êtes toujours très optimiste sur l'avenir. Vous dites, c'est un continent qui va s'en sortir. Vous voyez, de Sommet en Sommet, les crises qui s'y développent. Vous n'êtes pas tenté de dire : j'ai peut-être été trop optimiste, ou je me suis trompé ?

LE PRÉSIDENT - D'abord, il ne faut jamais être pessimiste. C'est vrai qu'il y a des crises. Mais il y a quelque chose de beaucoup plus essentiel, un problème beaucoup plus fondamental. L'Afrique aujourd'hui, c'est neuf cent millions d'habitants. Mais en 2040-2045, ce sera un milliard huit cent millions d'habitants, en 2050, un milliard neuf cent millions d'habitants.

QUESTION - Cela c'est un motif d'espoir ?

LE PRÉSIDENT - La vie est toujours un motif d'espoir, mais c'est aussi un motif de réflexion sérieuse, avec ce que nous voyons aujourd'hui, avec les problèmes que nous voyons aux Canaries ou ailleurs, avec ces problèmes de migration issue d'une Afrique qui, de surcroît, est victime d'une désertification croissante en raison de l'évolution du climat et du réchauffement du climat. Donc, nous avons une Afrique où la population augmente considérablement et où les conditions de vie ne sont pas bonnes et se dégradent sur le plan climatique. Alors, certes, grâce aux efforts qui ont été faits par les Africains et aussi par les Européens et d'autres, l'Afrique a renoué pour la première fois depuis longtemps avec la croissance. L'Afrique aura cette année entre 5 et 6% de croissance de son produit intérieur brut. Mais ce n'est pas évidemment suffisant pour assumer l'augmentation de la population. Par conséquent, il n'y a pas trente six solutions. Les gens ne quittent pas leur village, ou leur pays, ou leur terre, par goût. Ils les quittent par nécessité. Donc, il n'y a pas d'autre solution qu'une augmentation importante de l'aide publique au développement si l'on veut faire évoluer normalement l'Afrique.

QUESTION - Monsieur le Président, c'est ce que votre ministre de l'Intérieur a conclu en signant avec le Sénégal un accord d'immigration concerté. Vous vous reconnaissez dans ce terme d'immigration concertée ?

LE PRÉSIDENT - Je me reconnais tout à fait dans tout ce qui concerne la concertation. Je suis pour une concertation dans tous les domaines, dans celui-ci en particulier. Et donc, je l'approuve tout à fait. Je voudrais vous dire simplement, que cette immigration ne sera réellement maîtrisée que s'il y a un développement, et si on donne aux gens sur place la possibilité d'être instruit, éduqué, du travail, de la santé, le minimum d'équipement pour vivre. Ceci impose une augmentation importante de la solidarité internationale. On considère qu'il faut, en gros, cent milliards de dollars de plus par an pour l'aide publique au développement si l'on veut éviter les drames que l'on peut envisager. Cette aide, nous ne la sortirons pas des budgets des Etats. Ce n'est pas la peine de le penser. Nous avons pris des engagements en 2000, les engagements du Millénaire, pour le développement. Nous ne les avons absolument pas tenus. Je dis nous, la communauté internationale. La France a fait un effort, d'autres pays aussi. Mais nous ne les avons pas tenus. Nous ne réussirons pas par le simple biais des budgets à régler ce problème. Donc, il faut d'autres financements.

QUESTION - Comme les taxes sur les billets d'avions ?

LE PRÉSIDENT - Les taxes sur les billets d'avions ont un avantage. D'abord, cela va permettre de faire en sorte que l'on ne soit plus dans une situation où les médicaments sont au Nord et les malades au Sud et que l'on puisse donner pour le sida, pour la malaria, pour le paludisme, pour la tuberculose, les moyens nécessaires pour lutter efficacement contre ces maladies dans les pays du sud. Mais, l'autre avantage de cette décision, qu'on appelle "UNITAID", et que j'ai lancée avec le ministre français des Affaires étrangères à New York, c'est que c'est une expérimentation d'un système plus global qui est celui des financements innovants. Autrement dit, ce que je veux, c'est que l'on mette en place des financements qui permettent de prendre une petite partie de l'augmentation annuelle de la richesse mondiale, et de l'augmentation annuelle du commerce international, pour le distraire au profit de l'aide au développement. Ce que nous ne ferons pas par le biais budgétaire.

QUESTION - L'un des gros points d'inquiétude en Afrique, Monsieur le Président, c'est bien entendu la situation en Côte d'Ivoire où les élections ont été une nouvelle fois différées. On vous a entendu ce matin appeler à la réconciliation en Côte d'Ivoire. En revanche, on n'a pas entendu votre réponse à Laurent GBAGBO lorsqu'il a dit il y a quelques jours dans un journal français : "si les militaires français veulent partir, qu'ils partent". Quelle est votre opinion là-dessus ? Est-ce qu'ils doivent partir, est-ce qu'ils doivent rester ?

LE PRÉSIDENT - Chacun voit quelle est la situation en Côte d'Ivoire. Ce pays qui est à la fois riche potentiellement et que le Président Houphouët-BOIGNY avait géré de façon admirable, comme un grand sage africain qu'il était, et qui a été mis dans la situation que nous voyons aujourd'hui, qui est désastreuse à tous égards.

QUESTION - Depuis quatre ans ?

LE PRÉSIDENT - Oui, notamment au regard des règles de la démocratie, puisque on est incapable d'organiser normalement, faute de liste électorale crédible, des élections. Je suis tout à fait désespéré de cette situation. Je pense qu'il n'y a pas d'autres solutions que la prise en main de cette situation par les Africains. Et quand je dis les Africains, cela veut dire l'Union africaine, et notamment la CEDEAO, c'est-à-dire les gens de la région. Ce n'est pas à des étrangers d'imposer leur point de vue. C'est un problème général qui doit être géré par l'Union africaine, c'est-à-dire aujourd'hui par le Président Denis SASSOU N'GUESSO et qui doit être géré directement par la CEDEAO.

Il y a ici un certain nombre de Présidents qui représentent la CEDEAO, je sais qu'ils ont des contacts aujourd'hui ; ils se réunissent pour essayer de voir ce qu'il faut faire. Il y a en particulier le Premier ministre···

QUESTION - ···Alors, justement, à New York, on a évoqué comme moyen de sortir de la crise, le renforcement des pouvoirs du Premier ministre, M. Konan BANNY, et notamment la possibilité de l'autoriser à disposer lui-même des forces armées. Est-ce que vous êtes favorable à cela ?

LE PRÉSIDENT - On ne peut pas avoir un gouvernement qui n'a pas d'autorité. Je considère que M. Konan BANNY est un homme de sagesse, qui n'est pas impliqué dans la défense d'intérêts particuliers en Côte d'Ivoire, qui incarne donc autant que faire se peut l'intérêt général. Je serais donc pour ma part, tout à fait favorable à ce qu'une disposition constitutionnelle lui permette d'avoir les pouvoirs les plus larges possibles.

QUESTION - On dit que les ponts sont entièrement coupés entre vous-même et Laurent GBAGBO. Est-ce que c'est vrai que vous ne vous êtes pas parlé depuis 2004 ?

LE PRÉSIDENT - Je ne me souviens pas exactement de quand date notre dernier coup de téléphone mais je crois que j'ai eu un coup de téléphone avec lui en 2005 et probablement en 2006.

QUESTION - Monsieur le Président, un autre drame de l'Afrique sur lequel vous avez appelé l'attention de la communauté internationale, c'est le Darfour. Y a-t-il aujourd'hui pour la communauté internationale, au-delà de l'Afrique, un devoir d'ingérence dans ce pays où meurt des dizaines de milliers de personnes···

LE PRÉSIDENT - ···où sont mortes.

QUESTION - ···où sont mortes bien sûr - On parle de 300 000···

LE PRÉSIDENT - ···des centaines de milliers, sans compter quelque deux millions de déplacés dans des conditions dramatiques. Nous sommes aujourd'hui à la fin de la saison des pluies, c'est-à-dire que les gens du Darfour vont pouvoir recirculer. D'autre part, il semble que le Président du Soudan ait repris les actions de force et les bombardements sur un certain nombre de villages du Darfour. En clair, on peut très bien considérer que nous sommes à la veille d'une nouvelle crise humanitaire grave, très grave, et qui ne manquera pas, à juste titre, d'émouvoir le monde entier. A juste titre. J'ajoute que la conséquence est directement perceptible sur les pays voisins, le Tchad, la République centrafricaine. J'ai des contacts permanents avec ces pays qui sont extraordinairement inquiets. Il y a déjà beaucoup de réfugiés chez eux, ils sont incapables de les gérer. Nous les aidons naturellement mais ce phénomène risque de se développer considérablement.

Je ne crois pas qu'il faut agir dans cette affaire en menaçant. Je crois qu'il faut convaincre et je pense qu'il faut faire prendre conscience, notamment aux pays arabes qui ont été tentés de soutenir la position du Président BECHIR, qu'il y a des conséquences. Qu'il faut tout faire pour trouver une solution politique qui permette, en clair, au Président soudanais, d'accepter les troupes de l'ONU. Il n'y a pas d'alternative à cela.

QUESTION - Le film "Indigènes" est sorti hier sur les écrans français. Vous avez dit vous-même que vous avez été très ému par ce film et qu'il a, en quelque sorte, servi de détonateur, même si depuis 2002 vous aviez demandé, à votre Premier ministre de l'époque, de régler le problème de ces anciens combattants des colonies. Là, leurs pensions vont être alignées sur celles des Français. C'est bien, c'est forcément une bonne chose, mais en même temps, est-ce que ce n'est pas quelque part une démocratie de l'opinion. Est-ce qu'il faut vraiment attendre un film pour prendre une mesure qui est nécessaire et juste.

LE PRÉSIDENT - Je ne crois pas que l'on puisse dire que c'est une démocratie de l'opinion. Ce pourrait être une démocratie du cœur. Mais ce que je veux vous dire c'est qu'il y a longtemps que je suis sensible à ce problème et que j'encourage le gouvernement à essayer de trouver des solutions. Je l'ai fait de façon claire en 2002 quand j'ai demandé au gouvernement de M. Jean-Pierre RAFFARIN de prendre des dispositions de nature à combler une partie au moins de la différence qui existait dans le sort des anciens combattants français et des anciens combattants de l'ex-Empire français. J'ai depuis longtemps décidé de faire en sorte qu'on ait un rétablissement, sur le plan moral, d'une situation qui ne me paraissait pas soutenable. Le film, que j'ai beaucoup apprécié, pour ma part, puisque j'ai été le voir en avant première, n'a fait que me conforter, me confirmer dans cette impression, et dans cette décision que j'avais prise.

QUESTION - Au-delà du règlement de cette question des pensions, est-ce que ce film peut avoir à votre avis une portée, est-ce qu'il peut aider à l'intégration ? On voit Djamel DEBBOUZE dire à la une d'un grand hebdomadaire français cette semaine "pourquoi j'aime la France", cela peut avoir un impact positif, ça ?

LE PRÉSIDENT - Oui parfaitement, c'est un élément qui peut participer, sur le plan de l'opinion publique, à la meilleure intégration de l'histoire de France, de notre histoire, dans la France.

QUESTION - Monsieur le Président, merci d'avoir accordé cet entretien aux auditeurs de RFI et aux téléspectateurs de TV5 Monde.

LE PRÉSIDENT - C'est moi qui vous remercie, tous les deux.

QUESTION - Peut-être une question encore. Vous nous accordez un entretien à l'occasion du Sommet de la Francophonie ici même à Bucarest, alors : est-ce que vos collègues vous demandent : est-ce qu'on vous verra Monsieur le Président dans deux ans au Sommet de la Francophonie, cette fois à Québec ? Est-ce que vous serez encore en fonction, est-ce qu'on vous accueillera, vous demandent-ils. Je sais qu'ils se posent la question ?

LE PRÉSIDENT - Bien··· écoutez ···ce sont des questions auxquelles il sera répondu en temps voulu.

QUESTION - Merci, Monsieur le Président. Merci.

LE PRÉSIDENT - Merci beaucoup.





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