Interview du Président de la République par Mme Arlette CHABOT - journal de 20 h - France 2

Interview de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, par Mme Arlette CHABOT - journal de 20 h - France 2

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Palais de l'Elysée - lundi 26 juin 2006

ARLETTE CHABOT - Monsieur le Président, bonsoir.

LE PRESIDENT - Bonsoir.

ARLETTE CHABOT - Merci de nous recevoir à l'Elysée, ce soir, avec beaucoup de questions, évidemment. Les Français, je dirai, s'interrogent un peu sur leur équipe de France de football, mais ce n'est rien à côté des questions qu'ils se posent sur la manière dont ils sont gouvernés, aujourd'hui, avec un Premier ministre qui a perdu la confiance d'une grande partie de l'opinion, une majorité qui se rebelle, une rivalité entre le numéro un et le numéro deux du gouvernement. Bref, c'est un grand désordre. Qui est responsable de ce désordre ?

LE PRESIDENT - C'est une vision un peu apocalyptique de la situation···

ARLETTE CHABOT - ···Réaliste, peut-être.

LE PRESIDENT - Vous me permettrez de ne pas y souscrire. Le gouvernement et la majorité ont obtenu des résultats indiscutables -nous y reviendrons-, pour les Françaises et pour les Français. Alors, il y a, c'est vrai, de façon plus modérée que ce que vous dites, des inquiétudes, des interrogations. Je les entends···

ARLETTE CHABOT - ··· C'est pour cela que vous intervenez ce soir, sinon on ne serait pas ensemble.

LE PRESIDENT - Bien entendu, et c'est un plaisir pour moi. Il y a des inquiétudes. Il y a des interrogations. Et j'entends y répondre. Il y a surtout, je crois, une ébullition politique et médiatique qui est liée, naturellement, aux prochaines perspectives électorales. Alors, j'ai estimé, ce soir, qu'il était de ma responsabilité de dire aux Français quels étaient les repères qui devaient être affirmés et, notamment, que l'action devait se poursuivre, que l'on ne pouvait pas interrompre l'action car le temps perdu ne se rattrape pas. Et deuxièmement, dans cet esprit, quelle était la feuille de route que je fixais au gouvernement pour l'année qui vient.

ARLETTE CHABOT - Alors, soyons précis. Certains disent : quand un Premier ministre a, aujourd'hui, une cote de popularité aussi basse, il n'a pas d'autorité, il ne peut pas continuer à gouverner. Est-ce que vous souhaitez changer de Premier ministre ou changer de gouvernement ?

LE PRESIDENT - Le Premier ministre, lorsque je l'ai nommé avec le gouvernement, je lui ai donné une feuille de route : essentiellement quatre missions : lutter contre le chômage, pour l'emploi, faire un effort particulier sur la sécurité qui reste une préoccupation majeure des Français, assurer la croissance, aussi bien que possible, dans le contexte international et préparer l'avenir par les réformes et les adaptations nécessaires. Sur l'ensemble de ces points, le chômage a très sensiblement diminué et va poursuivre sa diminution ; la croissance a été reprise, réaffirmée et repartie ; l'insécurité, nous avons connu, certes, des problèmes mais l'amélioration est extrêmement sensible. Les réformes se font. Donc, le contrat du gouvernement a été rempli. Alors, je ne vois pas, au nom de quoi, aujourd'hui, je changerai un gouvernement qui a rempli parfaitement son contrat.

ARLETTE CHABOT - Mais on sent bien que, depuis la crise du CPE, Monsieur le président, et vous êtes intervenu vous-même à plusieurs reprises, il y a quelque chose qui s'est déréglé, cela ne marche plus. Donc, en d'autres temps, je dirai, François MITTERRAND avait su se séparer d'Edith CRESSON, parce qu'elle avait perdu à la fois la confiance populaire et aussi la confiance de sa majorité. C'est peut-être le cas aujourd'hui ?

LE PRESIDENT - Je ne le crois pas. Madame CHABOT, permettez-moi de vous dire que depuis le CPE, c'est-Albumà-dire depuis trois mois -pour prendre simplement l'action du gouvernement depuis trois mois-, qu'est-ce que j'observe ? Que le gouvernement a lancé le plan emploi senior et c'est un problème majeur, compte tenu de la démographie dans notre pays. Qu'il a signé, et c'était un gros, gros problème, l'accord et la convention entre l'Etat, l'ANPE et l'UNEDIC qui va améliorer sensiblement la situation des chômeurs. Qu'il a adopté la loi sur l'actionnariat salarié qui est un élément très important de réformes. Qu'il a fait adopté la loi par le Parlement sur l'immigration. Que nous avons pris beaucoup d'initiatives internationales, notamment sur le problème de la lutte contre le sida dans les pays pauvres. Et, enfin, que le gouvernement a présenté un projet de budget qui, pour la première fois, répond à une exigence fondamentale qui est celle de la diminution de la dette que nous allons laisser à la charge de nos enfants. En trois mois ! Alors, vous dites que c'est un gouvernement qui n'agit pas.

ARLETTE CHABOT - Non, je dis que c'est impopulaire. Avec un Premier ministre qui est impopulaire. C'est injuste, peut-être, mais c'est comme cela.

LE PRESIDENT - Moi, je ne suis pas là pour recueillir des sentiments que vous-même vous qualifiez, à juste titre, d'injustes. Je suis là pour constater une situation. J'ai donné une feuille de route au gouvernement. Le gouvernement a assumé cette feuille de route et l'a assumé avec sérénité et avec succès. Je n'ai aucune espèce de raison de l'empêcher de continuer avec détermination son action. L'action, Madame CHABOT, c'est déterminant. Nous n'avons pas les moyens de perdre du temps, notamment par des querelles de procédures. Nous ne pouvons pas, dans un système de quinquennat, perdre une année sur cinq sous prétexte qu'il y a des élections présidentielles.

ARLETTE CHABOT - Vous renouvelez votre confiance au Premier ministre.

LE PRESIDENT - Oui. En tous les cas, ce n'est pas l'idée que je me fais de la responsabilité du chef de l'Etat lorsque, notamment dans le quinquennat, nous devons poursuivre notre action jusqu'à son terme. Ensuite, les Français jugeront au terme de la campagne électorale.

ARLETTE CHABOT - Donc, vous pensez qu'un Premier ministre, même avec une opinion publique qui ne reconnaît pas son action, peut continuer à gouverner ?

LE PRESIDENT - C'est vous qui l'affirmez···

ARLETTE CHABOT - ··· Même la majorité aussi le conteste, Monsieur le Président, aujourd'hui. Qu'est-ce que vous dites aux députés qui disent, Monsieur le Président, écoutez nous, il faut que le Premier ministre s'en aille ? Qu'est-ce que vous leur dites à ces députés ?

LE PRESIDENT - Madame CHABOT, vous savez parfaitement que j'ai le plus profond respect pour le Parlement en général, pour la majorité en particulier. D'ailleurs, je tiens à souligner que ces résultats positifs que j'évoquais, tout à l'heure, ils ont été obtenus comment ? Tout simplement, parce que la majorité, par ses votes, a toujours soutenu le gouvernement et elle le soutient. Donc, vous exprimez un certain nombre de propos que je lis par ailleurs, ici ou là, mais qui ne correspondent pas à une réalité. La majorité, aujourd'hui, soutient le gouvernement, et, je vous le dis, le soutiendra. Ne serait-ce que pour une raison simple, c'est qu'elle a parfaitement conscience d'une réalité. Tout gouvernement et toute majorité, l'expérience passée le prouve, qui s'est arrêté d'agir un an avant des élections a toujours payé cet arrêt très cher dans les urnes. La majorité le sait très bien, elle est déterminée à poursuivre. Alors, qu'elle doive être mieux écoutée, mieux entendue par le Gouvernement, c'est une question que vous auriez pu me poser···

ARLETTE CHABOT - ···Je vais vous la poser···

LE PRESIDENT - ···Oui, vous avez raison. Il y a sans aucun doute, dans la majorité, un sentiment d'insatisfaction à l'égard de la coopération indispensable et nécessaire le lien qui s'impose, entre un gouvernement et sa majorité. J'ai, à plusieurs reprises, appelé l'attention du gouvernement, du Premier ministre, des ministres. Et je ne doute pas qu'ils en tiennent le plus grand compte. Mais la majorité soutient l'action du gouvernement, et c'est pour cela que le gouvernement a pu obtenir un certain nombre de résultats positifs.

ARLETTE CHABOT - Et si je prends l'exemple de GDF, de la privatisation de Gaz de France. On entend bien dans la majorité, même le Président du groupe UMP dit : "Il n'y a pas de majorité pour voter ce texte". Certains disent : "On n'a pas confiance dans l'action que va mener le gouvernement sur ce sujet". Alors, ce projet par exemple, sera-t-il adopté comme vous le souhaitez ?

LE PRESIDENT - Il sera adopté à l'occasion d'une session extraordinaire, début septembre. Tout simplement parce que c'est un projet qui s'impose. Et, nous avons, en France, une entreprise majeure dans l'électricité, majeure dans le nucléaire, majeure dans le pétrole, mineure dans le gaz. Et, d'autre part, nous devons avoir une grande ambition, car nous devons assurer nos approvisionnements en matière de gaz. D'où, l'idée d'une fusion entre Gaz de France et Suez, qui d'une part, respecte naturellement l'intérêt des consommateurs, ceux des travailleurs de Gaz de France -le principe même du service publique- mais aussi qui respecte Suez et les 60 000 emplois qui sont menacés et que Suez représente dans notre pays, dans un secteur stratégique, celui de l'eau et de l'assainissement. Naturellement cette fusion n'allait pas de soi. C'est une adaptation au monde moderne qui s'impose selon moi, et selon le Gouvernement. Mais il fallait le temps nécessaire pour discuter. Savez-vous qu'il y a eu 37 réunions entre le ministre chargé de ce problème, c'est-à-dire M. Thierry BRETON, et les organisations représentatives des travailleurs de ces secteurs ? 37 et cela continue. Il faut le temps nécessaire pour s'expliquer, pour convaincre, pour se justifier.

ARLETTE CHABOT - Alors vous donner, de temps en temps, des conseils au Premier ministre si j'ai bien compris. Vous lui dites qu'il commet, quand même, des erreurs. Quelles erreurs a t-il commises à votre avis ?

LE PRESIDENT - Je ne suis pas là pour donner des notes aux uns ou aux autres. Simplement ce que je dis c'est que nous avons un Premier ministre, qui s'est totalement consacré à son action avec détermination et avec dynamisme. Vous me demandez ce que je lui conseille de temps en temps : d'être plus à l'écoute de sa majorité et d'avoir plus de contacts avec sa majorité. Car la majorité parlementaire exprime, d'une part, largement l'opinion publique, mais je dirais plus encore, la sagesse de l'opinion publique. Il faut en tenir le plus grand compte.

ARLETTE CHABOT - Il y a une affaire qui empoisonne aussi la vie politique depuis quelques mois, c'est l'affaire Clearstream. Vous êtes intervenu à plusieurs reprises pour dire que vous n'aviez jamais demandé d'enquête sur qui que ce soit, notamment sur des personnalités politiques. Je pense que vous le confirmez ce soir ?

LE PRESIDENT - Vous n'en doutez pas ?

ARLETTE CHABOT - En même temps, est-ce que vous avez le sentiment que derrière tout cela il y a peut-être une manipulation, une déstabilisation de Nicolas SARKOZY qui a été tentée ?

LE PRESIDENT - J'ai lu tout et son contraire sur cette affaire. Alors je vous dirais simplement une chose : la justice est saisie, je lui fais toute confiance. Laissez lui le temps et la possibilité de se prononcer, elle dira la vérité et ce qu'il faut en conclure.

ARLETTE CHABOT - Il peut y avoir eu manipulation, vous ne l'excluez pas ?

LE PRESIDENT - J'exclus, tout à fait, toutes les hypothèses que j'ai pu entendre et dont aucune ne m'a parue fondée.

ARLETTE CHABOT - Donc, si je vous comprends bien, le Gouvernement va pouvoir continuer à gouverner véritablement dans les mois qui viennent -la même équipe-. Parce que l'on dit : "Après tout, il suffit de gérer pendant quelques mois qui viennent et puis, enfin attendre tranquillement la campagne". Ce n'est pas la bonne méthode ?

LE PRESIDENT - Chère Madame CHABOT, prenons les principaux aspects des choses. Regardez la situation dans le domaine de la sécurité. Nous y reviendrons probablement, sécurité sur laquelle il reste encore beaucoup à faire et je fais toute confiance, vous le savez, au ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, pour assumer cette responsabilité. Il a prouvé, dans le passé récent, qu'il était tout à fait en mesure de répondre aux exigences de la morale et des Français dans ce domaine. Prenez le problème social, prenez le plan de cohésion sociale. Cette année nous allons construire 410 000 logements. Jamais un tel chiffre n'a été atteint; cela est dû, entre autre, à l'action de M. BORLOO dans le domaine du plan de cohésion sociale, pour ne prendre que cet exemple. Prenez l'action des forces françaises à l'intérieur de l'armée, ou à l'étranger. Chaque fois que je suis à l'étranger, je suis frappé, notamment en Afrique ou en Amérique, par les compliments qui sont faits à l'armée française. L'armée française est gérée avec une qualité exceptionnelle. Et, de surcroît, participe au problème général de la société. Prenez les initiatives "Défense Deuxième chance", qui ont été lancées par Mme ALLIOT-MARIE dans le cadre de la prise en charge ou prise en compte d'un certain nombre de jeunes qui ont besoin, je dirais, d'une aide psychologique. C'est une réussite. Alors, pourquoi voulez-vous que je change aujourd'hui, sous prétexte de cette ébullition médiatique, politique que j'évoquais tout à l'heure, un gouvernement qui, dans tous les domaines aujourd'hui, peut estimer qu'il a rempli son contrat, en tous les cas, conformément à la feuille de route que je lui avais donnée.

ARLETTE CHABOT - Vous dites qu'il y a des réformes dans les mois qui viennent. Le Premier ministre pourra tenter mettre en place des réformes, peut-être un peu difficiles ?

LE PRESIDENT - Je ne sais pas si elles seront difficiles. Les réformes ne sont jamais faciles ; vous le savez bien. Mais, cela me permet de vous dire quelle est la feuille de route que j'entends donner au gouvernement pour l'année qui vient. Je le répète, on ne peut pas s'arrêter. On ne peut pas, dans un système de quinquennat, rester un an sur cinq à ne rien faire sous prétexte qu'il y a de l'agitation ou de l'ébullition politique.

ARLETTE CHABOT - C'est-à-dire que ça va se terminer après vous ce soir. Vous dites un peu "on se calme" et vous pensez que la parole présidentielle, parce qu'elle est importante, va calmer les choses ?

LE PRESIDENT - J'espère, en tous les cas, qu'un certain nombre de Français qui nous écoutent comprendront quel est le sens des repères que j'essaie de leur donner.

ARLETTE CHABOT - Changer d'équipe, ce serait pire que tout. Ce serait perdre un an.

LE PRESIDENT - Cela imposerait, d'abord, de perdre trois ou quatre mois. Et donc, en réalité, de ne plus rien faire jusqu'à l'élection présidentielle. Le temps perdu, je vous le dis, ne se rattrape pas, notamment, en Europe ou dans le monde. Quelle est la feuille de route que je donne au gouvernement ? D'abord, bien entendu, la politique de l'emploi, poursuite de cette politique et notamment, tout ce qui concerne la baisse des charges nécessaires pour l'emploi. Et, en même temps, je demande au Premier ministre de créer, avant la fin de l'année, un service public de l'orientation car on ne peut pas, indéfiniment, laisser un grand nombre de jeunes choisir des orientations alors qu'on sait parfaitement qu'il n'y a pas d'emploi à la clé. Deuxième point qui préoccupe les Français, c'est le pouvoir d'achat. C'est un problème pour les Français.

ARLETTE CHABOT - Le Smic augmente aujourd'hui de plus 3%.

LE PRESIDENT - Le SMIC augmente un peu plus de 3%. La décision a été prise aujourd'hui. C'est important parce que, je vous le signale, que 3%, ça veut dire que si on le fait sur les cinq ans qui viennent, on arrive très exactement à l'objectif qui avait été proposé par le Parti socialiste, c'est-à-dire d'arriver aux 1 500 euros au terme du mandat suivant. De même, la prime pour l'emploi va connaître une augmentation importante de l'ordre de 15%. La décision sera prise très prochainement, c'est-à-dire qu'en deux ans, elle aura été augmentée de façon telle qu'elle représente, pour quelqu'un qui est au SMIC, un treizième mois. C'est tout à fait considérable. Point suivant, c'est les problèmes de la justice. On sait bien que les Français s'interrogent sur les dysfonctionnements qu'il y a eu dans leur justice, notamment après l'affaire d'Outreau. Le moment n'est pas venu, sans aucun doute, de faire une grande réforme de la justice qui exige un grand débat national.

ARLETTE CHABOT - Dans le cadre de la campagne présidentielle ?

LE PRESIDENT - Dans le cadre de la campagne présidentielle. Mais en attendant, il y a des mesures qui doivent être prises, notamment, pour ce qui concerne les droits de la défense et la responsabilité des magistrats. J'ai demandé au gouvernement de l'assurer avant la fin de l'année. Il y a, ensuite, les problèmes de l'insécurité. Nous avons fait des progrès considérables sous l'impulsion du ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, à qui j'exprime, à cet égard, ma reconnaissance. Il y a encore à faire. Nous aurons peut-être l'occasion d'en discuter. Il y a à faire notamment dans plusieurs domaines : les criminels sexuels qui doivent, impérativement, faire l'objet de suivi médical pendant et après leur incarcération. Il y a le problème de la délinquance des jeunes. Nous voyons que cette délinquance des jeunes s'est Album - 2considérablement développée, 80% depuis dix ans, et implique des jeunes de plus en plus jeunes et des actes de plus en plus violents. Il y a donc un vrai problème et je souhaite que le gouvernement et le ministre de l'Intérieur puissent prendre les dispositions nécessaires pour permettre l'action de prévention, d'accompagnement, notamment grâce à l'action admirable de tous les éducateurs sociaux que nous avons et, de sanctions qui soient réellement dissuasives à l'égard de ces jeunes, lorsqu'il y a acte de violence extrême ou récidive.

ARLETTE CHABOT - Question d'aujourd'hui. Fusion finalement MITTAL-ARCELOR. On vous avait entendu, on l'a entendu encore dans le journal toute à l'heure, vous étiez réticent il y a quelques mois. On disait, MITTAL on ne voit pas où est le projet industriel. Alors, ça veut dire quoi ? Que le patriotisme économique, la volonté des politiques, ne résistent pas aux intérêts des actionnaires ?

LE PRESIDENT - Nous avons, au départ, été confrontés à une offre inamicale, qui ne nous donnait aucune garantie dans aucun domaine. Et, qui a justifié la réaction négative, à la fois, du gouvernement luxembourgeois et du gouvernement français, d'autres aussi. Grâce à cette réaction, les choses ont considérablement évolué. Aujourd'hui, la décision qu'ont prise les actionnaires d'ARCELOR est une décision fondée d'une part, sur une garantie en ce qui concerne l'emploi notamment en Europe, une garantie en ce qui concerne le maintien des centres de recherche là où ils sont. Et, par conséquent, une offre qui, d'inamicale est devenue amicale.

ARLETTE CHABOT - Donc acceptable.

LE PRESIDENT - Donc acceptable. Grâce à la réaction des gouvernements français et luxembourgeois. Sans cela, il ne se serait rien passé. Il ne faut pas sous-estimer l'action des gouvernements français et luxembourgeois dans ce domaine.

ARLETTE CHABOT - Autre question, EADS : beaucoup ont été choqués parce que le co-président d'EADS a vendu des stock-options quelques semaines, avant qu'on annonce les difficultés d'Airbus. Est-ce que vous êtes choqué par ce genre d'opération même si elle est légale ?

LE PRESIDENT - Si elle est avérée je suis choqué.

ARLETTE CHABOT - Il n'y a pas de délit d'initié pour l'instant. On enquête.

LE PRESIDENT - Dans l'état actuel des choses, l'Autorité des Marchés Financiers, vous le savez, a été saisie. Elle enquête. Je ne préjugerai certainement pas de sa décision et de ce qu'elle dira. En revanche, il y a un problème qui est celui des difficultés de gestion que connaît EADS avec ses deux présidents et ses deux directeurs généraux. Il y a un problème. On l'a vu avec l'affaire de l'A380, des délais supplémentaires pour la mise en œuvre de l'A380, pour l'affaire de l'A370, enfin, bref, il y a des problèmes. Le gouvernement français, notamment M. BRETON pour ce qui concerne l'actionnaire français, nos partenaires allemands et les autres actionnaires, sont actuellement en train de discuter pour voir quels sont les remèdes qui doivent être apportés à la gestion d'ensemble de EADS. Je ne veux pas préjuger de ce que décideront les actionnaires, y compris naturellement le gouvernement français, par la voix de M. BRETON, mais il est probable qu'il faut faire quelque chose et que quelque chose sera fait.

ARLETTE CHABOT - Par exemple, le départ de Noël FORGEARD ?

LE PRESIDENT - Je ne veux préjuger de rien. Ce n'est pas à moi de juger. C'est un dossier qui est suivi personnellement par le ministre des Finances, je lui fais toute confiance.

ARLETTE CHABOT - On parlait tout à l'heure du ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, Nicolas SARKOZY. Vous ne regrettez pas d'avoir, j'allais dire, installé ce duo à la tête du gouvernement, Dominique de VILLEPIN, Nicolas SARKOZY, il y a un an ?

LE PRESIDENT - Madame CHABOT, au lendemain du référendum, il y a eu une sorte de traumatisme dû au rejet par la France et par la Hollande, du projet de constitution nouvelle. J'ai estimé, à l'époque, qu'il était indispensable de rassembler les meilleures compétences au sein du gouvernement pour conduire la politique nécessaire, que j'ai évoqué tout à l'heure dans la feuille de route. C'est la raison pour laquelle, j'ai demandé, contrairement au principe que j'avais préalablement évoqué, au Président de l'UMP, de reprendre le ministère de l'Intérieur comme ministre d'Etat, parce que j'avais besoin de sa compétence et de son expérience dans ce domaine essentiel, qui est celui de la sécurité. Et je le remercie d'avoir accepté et de ce qu'il a fait.

ARLETTE CHABOT - Mais les Français sentent une espèce de rivalité qui s'exprime tous les jours entre les deux et qui participe un peu au malaise dont on parlait tout à l'heure.

LE PRESIDENT - Mais, Madame CHABOT, il est tout à fait naturel qu'il y ait des chocs de personnalité. Non seulement c'est naturel, mais je dirais que c'est souhaitable. On ne peut pas être toujours dans un ronron···

ARLETTE CHABOT - ···on n'est pas dans le ronron là···

LE PRESIDENT - Non, mais je n'ai jamais..Je le lis surtout dans les commentaires des uns ou des autres···

ARLETTE CHABOT - Mais ils disent des choses pas très agréables···

LE PRESIDENT - Ils disent des choses. C'est très bien de dire des choses, mais encore faut-il que ce soit fondé. Moi, je ne vois rien dans le fonctionnement du gouvernement qui me conduise à considérer qu'il y a une rivalité insupportable entre le ministre d'Etat et le Premier ministre. Entre Dominique de VILLEPIN et Nicolas SARKOZY.

ARLETTE CHABOT - Oui, c'est-à-dire que Nicolas SARKOZY quittera le gouvernement quand il le souhaitera, quand il sera désigné candidat par l'UMP. A votre avis, quel est le bon moment ?

LE PRESIDENT - Madame CHABOT, nous ne sommes pas à la désignation des candidats. Je vous l'ai dit tout à l'heure. Mon obsession, c'est de poursuivre l'action. C'est de ne pas débrayer, car je sais que nous n'avons pas les moyens d'abandonner le terrain. Je sais qu'une majorité qui ne poursuit pas son action jusqu'à son terme est une majorité qui sera sanctionnée. Je sais parfaitement les problèmes qui peuvent se poser. Je considère que chaque chose en son temps. Dans le premier trimestre de l'année prochaine, il y aura la désignation des candidats. Ces candidats feront connaître leur point de vue et leur sentiment. Ce n'est pas le problème d'aujourd'hui. Et je n'ai pas du tout l'intention de me laisser distraire de l'action nécessaire pour la France, par des considérations de cette nature. Je laisse aux commentateurs de toutes natures le soin de le faire, cela c'est la démocratie.

ARLETTE CHABOT - Quand même, pour assurer la tranquillité et l'action du gouvernement, si les choses étaient dites simplement, ce serait plus facile. Exemple : "que Nicolas SARKOZY est le candidat naturel de l'UMP, et que Dominique de VILLEPIN est le Premier ministre qui gouvernera jusqu'au dernier jour". Si on disait ça ce soir, peut-être que ça simplifierait les choses.

LE PRESIDENT - Mais, Madame CHABOT, je vous laisse le soin···

ARLETTE CHABOT - Mais je vous pose une question. Je vous demande, si c'était ça ?

LE PRESIDENT - Mais je vous laisse le soin de faire toutes sortes de prévisions ou d'exprimer toutes sortes de fantasmes, que je lis ici, à droite et à gauche. Je vous dis clairement que ce n'est pas mon problème. J'ai fixé une ligne, j'ai fixé une feuille de route au gouvernement, nous en avons parlé, nous aurions pu entrer plus dans le détail. Je n'ai pas l'intention de me laisser distraire. Par rien. Et le gouvernement, dans l'état actuel des choses, assume convenablement ses responsabilités avec un succès indiscutable, que j'ai évoqué, notamment dans le domaine de la croissance, notamment dans le domaine de la sécurité. C'est ce que je lui demande, et je souhaite qu'il poursuive avec ténacité cette action jusqu'à son terme.

ARLETTE CHABOT - Avec cette cohabitation entre les deux, qui doivent arriver à vivre ensemble ?

LE PRESIDENT - Mais ça aussi, ça relève en partie et même très largement du mythe. Il suffit que quelqu'un lance ce type de réflexion pour que tout le monde, les choses étant ce qu'elles sont aujourd'hui, répète la même chose. Mais moi, ce n'est pas ce que j'observe. Ce que j'observe, ce sont les résultats. Ce que j'observe, ce sont les résultats dans le domaine de l'emploi, dans le domaine de la sécurité, etc···Et c'est cela qui m'intéresse. Et vous savez, ne vous y trompez pas, c'est ça qui intéresse les Français. Les Français ne sont pas fascinés ou passionnés par les débats pseudo intellectuels d'un certain nombre de commentateurs. Ils constatent les résultats, le SMIC, le pouvoir d'achat, la prime pour l'emploi, l'emploi, l'orientation de leurs enfants. C'est ça qui les intéresse.

ARLETTE CHABOT - Alors, au risque de vous agacer encore, deux petites questions. Simplement, certains disent···

LE PRESIDENT - Vous ne m'agacez pas···

ARLETTE CHABOT - Je pose les questions. Certains disent : c'est quand même incroyable, c'est la première fois dans la Ve République qu'un Président de la République est obligé de monter au front pour défendre son Premier ministre, d'habitude, c'est le Premier ministre qui sert de fusible au Président. Est-ce que l'on n'est pas dans une situation inversée, là ?

LE PRESIDENT - Je ne ferai pas de commentaires sur l'histoire de la Ve République et les relations entre les hommes. Au cours de la Ve République, beaucoup de commentaires pourraient être faits, à côté desquels ceux que vous évoquez aujourd'hui semblent vraiment peu de chose. Mais, ce n'est pas là le problème. Je le répète, le problème, c'est que nous continuons à agir parce que c'est l'intérêt de la France, et l'intérêt des Français. Et parce que la France est un pays qui compte dans le monde. Vous savez, j'entends tous les commentaires qui sont faits sur la situation de la France. Je voudrais tout de même vous rappeler une ou deux choses. Nous pouvons être fiers de ce que nous sommes et de ce que nous faisons. Et si nous pouvons être fiers, c'est simplement parce que ce sont des Français qui le font. La France aujourd'hui est la cinquième puissance du monde en terme de Produit Intérieur Brut. La France, aujourd'hui, est le troisième exportateur mondial de services. La France aujourd'hui est le deuxième exportateur mondial de produits agricoles. La France aujourd'hui est le deuxième investisseur dans le monde, derrière les Etats-Unis. Et la France est la première terre d'accueil des investissements étrangers, avant les Etats-Unis et juste en même temps que la Chine. Ce sont des résultats concrets. C'est cela la France, c'est cela la France que je vois lorsque je vais défendre ses intérêts à l'étranger. Ce n'est pas "la petite France" que certains traitent avec dénigrement et incompétence ou mauvaise foi. Ce que je vois, c'est une France qui existe, qui a une influence et les quelques références que je viens de vous donner sont suffisamment parlantes. Nous sommes le premier pays pour recevoir les investissements dans le monde, à égalité avec la Chine et avant les Etats-Unis : ce n'est pas rien. Nous avons décidé, il y a cinq ans, de créer un million d'entreprises nouvelles dans un délai de cinq ans. Quand je l'ai annoncé, il y a eu scepticisme et critiques. Nous avons, aujourd'hui, dépassé légèrement le million d'entreprises, ce qui montre bien que les Français sont des gens dynamiques et qui méritent d'être respectés. Parce que tout cela, ce n'est pas le résultat du gouvernement, du Président de la République, qui accompagnent les choses nécessairement, c'est bien le travail, l'intelligence, le talent des Français. Et je voudrais que l'on y pense un peu, aussi, et qu'on les respecte.

ARLETTE CHABOT - D'un mot, dernière question qui vous agace avant de parler un peu de football : quand direz-vous si oui, vous aussi, vous êtes candidat à l'élection présidentielle ?

LE PRESIDENT - Cela, c'est une question qui se pose : eh bien, vous le saurez normalement, dans le courant du premier trimestre de l'année prochaine, lorsque j'aurai pris ma décision et que je déciderai de l'annoncer.

ARLETTE CHABOT - L'équipe de France de football -match demain soir- qualifiée : elle ira jusqu'où, cette équipe de France, à votre avis ?

LE PRESIDENT - Je voudrais simplement dire une chose. D'abord, je respecte et j'admire l'équipe de France et, je n'ai pas besoin de le dire : je la soutiens sans réserve.

ARLETTE CHABOT - C'est vrai que vous appelez DOMENECH de temps en temps pour le coacher ?

LE PRESIDENT - Pas pour le coacher, naturellement ! J'appelle DOMEMECH chaque fois qu'il y a un résultat, pour lui dire mes encouragements. Je suis choqué, parfois, par certains commentaires que j'entends sur cette équipe, qui est une superbe équipe, et puis, qui nous représente et qui doit, à ce titre, inspirer à tous les commentateurs et à tous les Français le respect et un soutien sans faille. Et moi j'apporte à l'équipe de France un soutien sans faille et je la respecte. Je l'admire et j'espère qu'elle va gagner jusqu'au bout. Je souhaite pouvoir aller en finale avec l'équipe de France, contre le Brésil ou contre quelqu'un d'autre ! Je considère que tous les Français aujourd'hui doivent, non pas s'associer à des critiques stériles, mais soutenir sans réserve une équipe qui les représente et qui le fait bien.

ARLETTE CHABOT - Merci, Monsieur le Président.





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