Xème anniversaire de la mort de M. Itzhak Rabin : tribune du Président de la République publiée dans le quotidien "Yedioth Aharonoth"

Xème anniversaire de la mort de M. Itzhak Rabin : tribune de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, publiée dans le quotidien "Yedioth Aharonoth"

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Paris, le 3 novembre 2005.

Itzhak Rabin est entré dans l'histoire comme un grand homme d'État, un grand soldat devenu combattant de la paix. Je garderai toujours le souvenir de cet homme hors du commun, patriote intransigeant, leader déterminé qui sut refuser les fausses fatalités de l'affrontement et ouvrir avec courage un chemin d'espoir.

J'étais là le 6 novembre 1995, sur le Mont Hertzl, pour les funérailles d'État en présence de 80 chefs d'État et de gouvernement, en présence de tous les siens et avec toutes celles et tous ceux qui, à travers le monde, voulaient exprimer leur douleur, leur conviction aussi que son œuvre devait être poursuivie. Ce fut un moment d'intense émotion. Aujourd'hui, ma pensée va à Léa Rabin, femme admirable qui l'accompagna dans tous ses combats et incarna après lui son engagement, à ses enfants et ses petits-enfants, à tous ceux qui ont lutté aux côtés de ce grand homme, et au peuple d'Israël.

Itzhak Rabin était d'abord un héros de la grande aventure israélienne. Sur tous les fronts, de l'Indépendance à la guerre des Six Jours, il imposait le respect à tous, amis et ennemis. Il incarnait cette génération qui fit fleurir le désert et créa une démocratie vivante, accomplissant le rêve millénaire : offrir une patrie au peuple juif, accueillir tous les Juifs victimes de persécution à travers le monde.

Itzhak Rabin fut un grand homme d'État car il sut se montrer visionnaire. Rien, dans son parcours de soldat, ne semblait le destiner à tendre la main à l'adversaire. Rien ne rendait facile ce choix : un demi-siècle de guerres, de souffrances, de peurs et de haines se dressait sur sa route. Pourtant, il a brisé les tabous en choisissant de négocier directement avec Yasser Arafat et l'OLP. Mahmoud Abbas et Shimon Peres, qui l'ont accompagné sur cette voie, peuvent en témoigner. Itzhak Rabin avait compris, avant d'autres, qu'en acceptant de parler avec son voisin, en le respectant, on pouvait, sans transiger sur la sécurité d'Israël, progresser dans la voie de la paix. Il l'a montré à l'égard du peuple palestinien comme du royaume de Jordanie. Il l'a payé de sa vie.

L'assassin d'Itzhak Rabin voulait tuer la paix dont sa victime était le meilleur espoir. Nous devons tous proclamer, en ce jour anniversaire, qu'il a échoué. Échoué parce que malgré le déchaînement du terrorisme, ce terrorisme que rien ne justifie, les acquis d'Oslo sont toujours vivants : droit à l'existence et à la sécurité d'Israël, autodétermination du peuple palestinien sur la base des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité des Nations Unies, paix fondée sur la négociation. Échoué parce qu'Israël et l'Autorité palestinienne, avec le soutien de l'ensemble de la communauté internationale, se retrouvent sur la nécessité de mettre en œuvre la ''feuille de route'' dont l'objectif est une solution fondée sur deux États vivant, en paix et en sécurité, côte à côte. Échoué parce que nous nous souvenons tous, avec émotion, de l'exemple de courage que représente, dans l'histoire, Itzhak Rabin.

La France s'incline, avec moi, devant ce grand Israélien, ce grand soldat de la paix. Que son souvenir ne s'efface jamais de nos mémoires.


Jacques CHIRAC





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