Interview du Président de la République au quotidien japonais "Chunichi Shimbun"

Interview accordée par M. Jacques CHIRAC, Président de la République, au quotidien japonais "Chunichi Shimbun"

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Tokyo, Japon, le lundi 28 mars 2005

QUESTION - Quelles sont vos impressions après la visite du site de l'EXPO AICHI 2005 dont le thème est "la sagesse de la nature" ?

LE PRÉSIDENT - Je suis très heureux d'être un des premiers chefs d'Etat à visiter l'exposition d'Aïchi quelques jours seulement après son inauguration officielle.

Comme vous le savez, c'est avec enthousiasme que la France a soutenu, l'organisation à Aïchi de l'exposition universelle de 2005. Nous y avons vu une occasion unique de faire partager notre vision d'une mondialisation plus solidaire et plus responsable, et de développer la prise de conscience des enjeux environnementaux.

Car les modes de vie actuels créent une pression sur la nature qui excède ses capacités de régénération. Ils menacent les générations futures. Il est urgent de la modifier en profondeur et de redécouvrir cette "sagesse de la Nature" qui est la clef de l'avenir de l'Humanité.

Le pavillon français, relié de manière très symbolique à celui de l'Allemagne par une "maison commune", reflète admirablement notre engagement en faveur du développement durable, que ce soit par l'image, par l'exemple, ou par la culture

J'ai également beaucoup apprécié l'exceptionnel pavillon japonais. Tout ce que j'ai vu ce matin me confirme que l'Exposition universelle d'Aïchi tient son pari. Son harmonie avec la nature est totale. Ce sera un succès mondial, qui fera progresser la prise de conscience de tous ceux qui le visiteront.

Parce qu'ils partagent une même conscience des défis globaux, Japonais et Français ont tous les atouts pour forger une Alliance politique et technologique au service du développement durable

QUESTION - Le gouvernement français soutient la candidature du Japon à un siège de membre permanent au conseil de Sécurité. Quelle aide concrète le Japon peut-il attendre de la France ?

LE PRÉSIDENT - La France soutient sans réserve la candidature du Japon à un siège permanent au Conseil de sécurité. Nous considérons cette candidature comme particulièrement légitime, en raison de l'engagement du Japon, au service du développement, notamment avec la TICAD. Sa participation croissante à des misions de paix est à cet égard un élément très important.

La réforme du Conseil de sécurité est discutée par les Etats membres de l'ONU dans la perspective du sommet de septembre, qui doit prendre une décision capitale à cet égard. La France qui dispose d'un réseau diplomatique mondial ne ménagera pas ses efforts pour convaincre chacun de l'importance de cette réforme.

QUESTION - Les Etats-Unis réclament des garanties en cas de levée de l'embargo sur les ventes d'armes à la Chine, notamment une plus grande transparence au niveau des transactions. Jusqu'où la France est-elle prête à communiquer avant la réalisation des ventes ?

LE PRÉSIDENT - Il ne doit pas y avoir de malentendus. La levée de l'embargo est avant tout un geste politique symbolique. Elle ne veut pas dire politique de ventes d'armes ou même disparition des contrôles sur les exportations sensibles. Nous sommes dans ce domaine un pays responsable, sensible à la préoccupation de nos Alliés. L'Union européenne a déclaré que cette levée de l'embargo quand elle interviendra n'aura pas d'incidence qualitative ou quantitative sur ses exportations dans ce domaine. C'est une garantie forte.

L'Union européenne est prête en outre à avoir un dialogue approfondi avec chacun de ses partenaires que cette mesure inquiète. L'Union européenne est par ailleurs particulièrement transparente en matière d'exportations sensibles, notamment à travers son code de conduite.

QUESTION - En février dernier, lors du sommet à Bruxelles, Monsieur Bush a rappelé les "200 ans d'amitié" qui lient la France et les Etats-Unis pour promouvoir la réconciliation après le désaccord sur l'Irak. Ce réchauffement n'est-il pas fragile au vu des divergences qui existent, par exemple concernant la nécessité d'une réforme de l'OTAN ?

LE PRÉSIDENT - Les Européens ont tous été sensibles à la venue à Bruxelles du Président des Etats-Unis qui a souhaité manifester ainsi, au début de son second mandat, son attachement à l'Alliance Atlantique et sa volonté de travailler davantage avec l'Union européenne.

Les entretiens que j'ai eus en bilatéral avec le Président Bush ont confirmé la volonté des Etats-Unis de travailler avec la France sur les grandes questions internationales.

Concernant l'OTAN, il n'y a pas de désaccord. Plus de 4000 de nos soldats sont engagés sur le terrain en Afghanistan et au Kosovo. Elle est également l'un des tout premiers contributeurs à la NRF, instrument primordial de la réforme de l'OTAN.

En Irak, la France veut contribuer à la stabilité et à la poursuite du processus politique fixé par la résolution 1546. Par ses propositions, elle est aujourd'hui le principal contributeur à la mission que l'Union européenne engagera dans les prochaines semaines pour aider à la consolidation de l'Etat de droit et la formation de la police iraqienne.

QUESTION - Aucune décision n'a à ce jour été prise, concernant l'installation de ITER. Monsieur le Président, auriez-vous une proposition pour sortir de cette impasse ?

LE PRÉSIDENT - Le projet ITER a une importance mondiale car il concerne l'énergie des cinquante prochaines années. Il y a aujourd'hui deux propositions concurrentes, qui ont chacune leurs mérites.

Le Japon et la France ont une coopération fructueuse depuis plus d'un quart de siècle pour l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. Nous souhaitons que cette coopération se poursuive, y compris dans le cadre du programme ITER.

Dans le cours de la négociation entre l'UE et Japon, Tokyo a fait des propositions constructives qui permettent de fixer le cadre d'un accord équilibré autour d'un partage des responsabilités entre "pays hôte" et pays "non hôte". Nous espérons qu'un consensus pourra être trouvé rapidement autour de ces idées. Nous souhaitons prioritairement une solution entre les six initiateurs du projet.

QUESTION - Près de deux mois après les élections générales en Iraq, les tractations sur la formation de l'exécutif progressent. Quelle aide la France est-elle prête à apporter, en dehors de la formation de policiers, pour favoriser la reconstruction de l'Iraq ?

LE PRÉSIDENT - La France est engagée dans le processus de reconstruction de l'Iraq, selon les modalités prévues par la résolution 1546 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Elle veut aider le peuple iraquien dans l'œuvre de restauration de la paix civile, de construction de la démocratie et de réhabilitation de l'économie. C'est pourquoi elle a activement participé aux discussions au sein du Club de Paris qui ont permis de décider l'annulation de la dette iraquienne dans des proportions très importantes : 80 %.

Dans le même esprit, elle a repris une coopération technique avec l'Iraq. Dans le domaine de la sécurité, elle participe, via l'OTAN, l'Union Européenne et ses engagements bilatéraux, à l'effort de formation des forces de sécurité iraquiennes.





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