Interview du Président de la République au quotidien chinois "Le Quotidien du Peuple"

Interview accordée par M. Jacques CHIRAC, Président de la République, au quotidien chinois "Le Quotidien du Peuple"

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Palais de l'Élysée, le dimanche 22 août 2004

QUESTION - Monsieur le Président, le 22 août 2004 marque le centenaire de la naissance de M. DENG Xiaoping. Les Chinois organisent à cette occasion des manifestations pour honorer sa mémoire. Je sais qu'en mai 1975, vous avez accueilli, en tant que Premier ministre, M. DENG, venu en visite en France en réponse à une invitation du gouvernement français. Etait-ce votre première rencontre avec lui ? Voudriez-vous nous parler de ce que vous gardez dans votre mémoire de votre première entrevue avec lui ?

LE PRÉSIDENT - J'ai en effet eu l'honneur de rencontrer, pour la première fois, M. DENG Xiaoping lors de sa visite officielle en France en 1975. J'ai gardé de cette première entrevue l'image d'un homme direct et particulièrement chaleureux, très au fait des relations internationales et qui voyait dans la relation franco-chinoise une pierre angulaire de la politique extérieure chinoise susceptible de rompre avec la logique des blocs et de la guerre froide. D'un point de vue plus personnel, je crois également qu'il retrouvait avec un grand plaisir un pays qui tenait une place particulière dans son coeur et auquel il associait étroitement ses années de jeunesse et la naissance de son idéal révolutionnaire.

Après la visite officielle du Président Pompidou en Chine en décembre 1973, premier voyage officiel d'un chef d'Etat occidental en République Populaire de Chine, la venue de M. DENG Xiaoping, constituait la première visite chinoise de haut niveau en France depuis l'établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine. Cet événement historique a représenté une date majeure du rapprochement entre nos deux pays. La continuité a été assurée par le Président JIANG Zemin qui lui a donné un nouvel élan. Fidèles à cet esprit, le Président Hu Jintao et moi-même sommes aujourd'hui engagés en faveur de la poursuite et de l'approfondissement du partenariat global stratégique entre la France et la Chine. Je suis convaincu que ma prochaine visite en Chine en octobre prochain, qui coïncidera avec le lancement de l'Année de la France en Chine, sera l'occasion d'enregistrer de nouvelles avancées en ce sens.

QUESTION - Et plus tard, avez vous eu l'occasion de le rencontrer ? Quelle est l'image de ce personnage dans votre mémoire ?

LE PRÉSIDENT - Lors de sa visite officielle en 1975, M Deng Xiaoping m'avait invité à venir en Chine. J'ai répondu à son invitation en septembre 1978 et j'ai ainsi eu l'occasion de le revoir. A cette époque, M. DENG Xiaoping était devenu Président du Comité Central du Parti Communiste Chinois et possédait déjà la vision moderne de ce que devait être l'économie et la société chinoises vingt ou trente années plus tard. C'est cette stratégie d'ouverture sur l'étranger et de réforme qu'il a exposée quelques mois plus tard à l'occasion de son discours lors de la 3ème session du XIème congrès du PCC et dont nous mesurons chaque jour davantage la portée.

A cet égard, le Président DENG Xiaoping, que j'ai rencontré à plusieurs reprises, reste dans ma mémoire comme l'homme qui a su, avant beaucoup d'autres, anticiper les aspirations du peuple chinois et lui offrir un modèle de développement qui demeure aujourd'hui encore unique. M. DENG Xiaoping a été à l'origine d'une véritable mutation dont on perçoit aujourd'hui les fruits.

Il demeure de ce fait, dans ma mémoire et dans la mémoire collective des Français, comme l'architecte de la modernisation et du dynamisme économique de la Chine d'aujourd'hui. Il est l'un de ceux qui ont contribué à faire de la Chine l'un des acteurs majeurs sur la scène internationale et restera comme l'une des grandes figures politiques ayant marqué le XXème siècle, en Chine et dans le monde.

QUESTION - Arrivé le 19 octobre 1920 à Marseille avant de quitter la France le 7 janvier 1926, M. DENG a passé plus de 5 ans en études-travail en France. Quelques décennies après, il est devenu un des hauts dirigeants de la Chine nouvelle, comme beaucoup de ses camarades qui ont eu l'occasion de faire des études en France comme M. ZHOU Enlai, M. CHEN Yi. Que pensez-vous de ce fait historique, Monsieur le Président ?

LE PRÉSIDENT - Le Président HU Jintao lui-même a évoqué, lors de son discours à l'Assemblée Nationale au mois de janvier 2004, l'expérience française qu'avaient connue un certain nombre de dirigeants chinois parmi les plus célèbres et, notamment, M. DENG Xiaoping et M. ZHOU Enlai, mais également des grands maîtres de la littérature et de l'art chinois comme BA Jin ou QIAN Zhongshu.

Pendant son séjour en France, après une période de formation en français au collège de Bayeux, M. DENG Xiaoping a travaillé plusieurs années dans différentes usines, notamment chez Renault à Billancourt. C'est dans ce contexte là qu'il a pu appréhender le développement des mouvements ouvriers et les évolutions à l'oeuvre dans le monde de l'entre-deux-guerres.

La France des années vingt constituait en effet, aux yeux des étrangers et notamment des étudiants chinois, une destination privilégiée compte tenu du bouillonnement intellectuel et artistique qu'elle connaissait et qui était presque unique en Europe. De retour dans leur pays d'origine, de nombreux étudiants ou intellectuels ont à leur tour transmis une part de cette formidable vitalité.

Je pense que M. DENG Xiaoping a été profondément marqué par son expérience française et qu'il a su en tirer une source d'inspiration pour ses combats politiques et sa contribution à l'édification d'une Chine moderne et ouverte sur le reste du monde. Il est l'homme d'Etat qui a placé la Chine sur les rails du XXIème siècle.





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