Tribune du Président de la République parue dans les quotidiens "Libération" et "Berliner Zeitung"

Tribune de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, parue dans les quotidiens "Libération" et "Berliner Zeitung"

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Palais de l'Élysée, le mercredi 22 janvier 2003

Quarante ans, jour pour jour, après la signature du Traité de l'Elysée qui a scellé la réconciliation franco-allemande, nous accomplissons ensemble un nouveau pas, historique, sur le chemin tracé par le chancelier Adenauer et le général de Gaulle. Nous voulons aujourd'hui retrouver l'élan donné par ces deux hommes qui, après avoir vécu eux-mêmes deux guerres acharnées, ont décidé de construire la paix.

Nos deux gouvernements tiennent ce matin à Paris un Conseil des ministres commun pour marquer la force de cette union. La déclaration adoptée à l'occasion de ce 40ème anniversaire témoigne de notre vision partagée de l'avenir de l'Europe et de notre engagement en faveur d'une Union plus forte, plus démocratique et plus solidaire.

Parce que nous avons su, à partir de positions souvent différentes, aller l'un vers l'autre, nous avons constitué une force d'entraînement inégalée pour l'Europe et qui lui a fait franchir des étapes décisives : la liberté de circulation des Européens dans un espace commun créé par les accords de Schengen ; la liberté des échanges dans un grand marché unique ; la naissance de l'Europe de la Défense ; et enfin notre monnaie, l'euro.

Au moment où l'Europe s'élargit et se recompose, ce moteur franco-allemand est plus que jamais nécessaire et c'est pourquoi nous avons décidé de donner un nouveau souffle au pacte fondateur entre nos deux pays.

Ainsi, nous travaillons ensemble pour doter l'Europe d'une Constitution et des institutions dont elle a besoin pour faire face au défi de l'élargissement. Tel est le sens de la contribution que le Chancelier et moi-même avons transmis à la Convention : donner davantage de visibilité au Conseil européen grâce à la continuité et la stabilité de sa présidence ; conforter parallèlement l'autorité de la Commission, qui doit incarner l'intérêt général européen, grâce à l'élection de son Président par le Parlement européen.

Ce cadre institutionnel, qui s'appuie sur une légitimité renforcée, nous permettra d'être plus efficace et plus ambitieux dans la réalisation des objectifs que nous assignons à l'Union européenne : assurer notre sécurité, promouvoir la défense de nos intérêts et de nos valeurs démocratiques, donner à l'Europe toute sa place dans le règlement des affaires du monde.

Notre ambition de mettre la puissance de l'Europe au service de la paix détermine notre action en Afghanistan ou dans la crise iraquienne. Nos valeurs humanistes dictent notre approche commune face aux défis de la bioéthique. Notre sens des responsabilités vis-à-vis des générations futures nous amène à militer pour le développement durable et une solidarité accrue envers les pays du sud.

Une vraie volonté d'agir ensemble unit nos deux pays. Tous les Européens ont pu en constater, au cours des derniers mois, la réalité et l'efficacité. Lorsque Berlin et Paris se mettent d'accord, l'Europe peut avancer ; s'il y a divergence, l'Europe marque le pas.

La nécessaire cohésion des démarches de la France et de l'Allemagne dans l'entreprise européenne implique évidemment que nous établissions entre nos deux gouvernements une concertation de plus en plus étroite. C'est pourquoi, des deux côtés, un Secrétaire général pour la coopération franco-allemande, assisté d'un adjoint de l'autre pays, donnera les impulsions, préparera les décisions et veillera à leur exécution.

Cette nouvelle étape de la relation franco-allemande n'est pas seulement l'affaire des gouvernements. Elle doit être portée et partagée par tous. La construction européenne ne trouvera son aboutissement que si elle parvient à réaliser sur notre continent une véritable union de droit, de sécurité et de liberté. C'est naturellement à nos parlements qu'il appartiendra de s'impliquer et de traduire davantage dans ces domaines les aspirations de nos citoyens. La réunion, cet après-midi à Versailles, des députés allemands et français revêt en ce sens une grande importance historique et politique.

Il nous faut identifier et éliminer entre nous toutes les dernières barrières qui font obstacle au rapprochement de nos peuples. Au cours du conseil des ministres de ce matin, des directives sont données à tous les membres concernés des deux gouvernements pour que soient prises les mesures et développés les projets qui permettent aux femmes et aux hommes de nos deux pays de se sentir plus proches, d'entreprendre ensemble, de se connaître mieux.

Cette meilleure connaissance de l'autre passera nécessairement par un effort conjoint pour rapprocher nos systèmes d'éducation et améliorer en particulier l'enseignement de nos langues. Notre objectif est que tous les enfants, au sein de l'Union, puissent maîtriser deux langues étrangères européennes. Il faut aussi des réformes pour rendre plus facile l'étude, l'exercice d'une profession, la fondation d'une famille dans le pays voisin, pour faciliter la vie de toutes celles et de tous ceux qui partagent leur existence entre les deux rives du Rhin.

Ce 22 janvier ne marque pas seulement, quarante ans après, notre attachement à la relation franco-allemande. Il souligne son actualité au service de l'Europe. Cette responsabilité, que j'ai le privilège de partager avec le Chancelier Schroeder, dans la continuité de ceux qui nous ont précédés, est pour nous, comme elle l'était pour eux, une ardente obligation. Elle est établie sur une relation d'estime et d'amitié personnelle à laquelle je suis attaché. J'ai confiance dans l'avenir de l'Europe parce que j'ai confiance dans la solidité de la relation franco-allemande.





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