Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC Président de la République à l'issue de la cérémonie de signature du traité d'adhésion.

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC Président de la République à l'issue de la cérémonie de signature du traité d'adhésion.

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Athènes, Grêce, le lundi 24 février 2003

LE PRÉSIDENT - Mesdames, Messieurs, je vous remercie d'être présents une fois encore à l'occasion d'un Conseil européen et je voudrais tout d'abord souligner le plaisir que nous avons tous, d'ailleurs, d'être à Athènes en ce jour historique où a été signé, au pied de l'Acropole, le Traité d'adhésion à l'Union européenne de dix nouveaux membres.

C'était, et on l'a senti dans les propos brefs et forts qui ont été tenus par les représentants, notamment, de ces dix nouveaux Etats, c'était un moment fort et émouvant.

Cette cérémonie marque un tournant dans la grande aventure de l'Europe, c'est une véritable métamorphose dont nous devons attendre l'accomplissement. Absolument, l'élargissement de l'Union, c'est l'aboutissement d'une formidable ambition, une ambition née il y a plus d'un demi-siècle, et qui consistait à rassembler, à réconcilier l'ensemble de la famille européenne, à rejeter aux oubliettes de l'histoire la guerre et à faire vivre à l'échelle du continent les valeurs sur lesquelles nous souhaitons voir reposer notre civilisation, c'est-à-dire les valeurs de paix et de démocratie. C'est ça la grande ambition des pères fondateurs et c'est ce qui a été la ligne de conduite de l'ensemble de l'action, finalement assez rapide, de la construction européenne avec naturellement tous les problèmes que cela impliquait et qui devaient être résolus au fil des ans.

Cette réalisation, c'est aussi la consécration d'un effort considérable qui a été réalisé par les pays nouvellement adhérents car ils ont dû, en très peu de temps, c'est-à-dire moins de dix ans, accomplir des réformes courageuses, enraciner des réflexes de démocratie, une culture de démocratie, se doter des outils nécessaires au développement et à la prospérité, tout ceci au service des peuples. Ce n'était pas une tâche aisée et on doit rendre hommage à la façon dont ils l'ont exécutée compte tenu de là où ils venaient, de la situation qui était la leur.

Et, cet élargissement, c'est une chance pour toute l'Union. C'est sans aucun doute une capacité nouvelle de croissance, avec notamment le nouveau marché que constituent les nouveaux adhérents. C'est surtout 450 millions d'hommes, de femmes, d'enfants qui sont ensemble et qui partagent une culture dont les principes sont communs et qui créent un marché considérable.

Mais cet élargissement est aussi un formidable défi, une fois de plus. Car en changeant de visage, l'Europe change également un peu de nature. Elle doit garder sa cohésion si elle veut continuer à fonctionner, d'où l'importance, et c'était l'objet de nos travaux de ce matin, de la Convention qui a pour objectif de refonder, en quelque sorte, le projet politique européen, donc de l'adapter pour la prochaine période. Nous avons eu ce matin, pour la première fois, un débat non plus à quinze mais à vingt-cinq et qui avait pour objet, en présence du Président Valéry GISCARD D'ESTAING, d'évoquer les réponses à apporter aux principales questions que le Président de la Convention voulait nous poser.

Nous avons tous pensé que, quels que soient les problèmes et les difficultés, les délais qui avaient été imaginés ne devaient pas être remis en cause et donc que nous devions maintenir la fin du mois de juin comme perspective d'aboutissement de ces travaux.

J'ai rappelé pour ma part la position de la France, position qu'elle n'est pas seule à partager mais qui doit être ensuite discutée au sein de la Convention, faire l'objet de propositions et, après, être discutée au sein de la Conférence intergouvernementale. J'ai rappelé notre souhait d'avoir un Conseil européen qui dispose d'une présidence stable au même titre que la Commission ou le Parlement européen. J'ai insisté sur la nécessité d'avoir une Commission qui soit efficace, ce qui veut dire que, si je comprends bien le désir très vif exprimé par tous les membres d'avoir un représentant à la Commission, il faut bien comprendre qu'il n'y a pas une mission pour autant de représentants et qu'il faudra donc chercher une organisation de la Commission, soit réduite, soit différente. Et il faut sans aucun doute donner au Président de la Commission des pouvoirs plus importants sur l'ensemble des Commissaires. Je ne rentrerai pas dans le détail mais nous avons fait avec les Pays-Bas une contribution commune sur les pouvoirs qui doivent être ceux de la Commission.

J'ai également indiqué combien il était nécessaire de faire un effort en ce qui concerne la politique européenne de défense, qui est un peu la clé permettant d'avoir dans les meilleurs délais une solution au problème de la politique étrangère et de sécurité, notamment la nomination d'un ministre commun des Affaires étrangères ou d'une personnalité ayant ces attributions.

Enfin, j'ai indiqué que nous étions favorables à la création non pas d'une quatrième institution, cela va de soi, mais d'un Congrès réunissant ensemble les représentants du Parlement européen et les représentants des parlements nationaux, ne serait-ce que pour avoir une meilleure articulation entre les aspects intérieurs et extérieurs et européens de la nouvelle Union.

Tout ceci s'est passé de façon, je dois le dire, tout à fait cohérente et tout à fait chaleureuse. Il est vrai que tout le monde était content de cette journée où nous adoptions définitivement les dix nouveaux membres.

J'ai eu l'occasion d'évoquer tant avec la présidence grecque qu'avec le Président de la commission, Monsieur PRODI, une ou deux autres questions. Avec Monsieur PRODI, en particulier, nous avons évoqué la possibilité de mettre en oeuvre très rapidement, c'est-à-dire dans les jours qui viennent, sous l'impulsion de la Commission, un pont aérien avec l'Iraq pour, en accord avec les autorités d'occupation actuelles, faire en sorte que l'on puisse ramener dans les hôpitaux européens des malades, des blessés, notamment des enfants, qui ne peuvent pas être convenablement traités sur place. J'en ai longuement parlé également, en aparté, avec le Premier ministre britannique qui lui-même a déjà, pour ce qui concerne l'Angleterre, m'a t-il-dit, organisé des rapatriements de cette nature. Je crois que quatre enfants ont déjà été transférés à Londres dans cet esprit. C'est ce qu'il m'a dit et il est tout à fait favorable à la mise en oeuvre de cette initiative. Et donc, en accord complet avec la présidence européenne et tous ceux de nos partenaires avec qui j'ai pu en parler, nous avons apporté notre appui à la présidence de la Commission pour cette initiative.

Deuxièmement, je l'ai évoqué longuement aussi bien avec la présidence grecque, cela a été l'objet notamment de notre déjeuner, qu'avec la présidence de la Commission, qui partagent l'une et l'autre totalement mon sentiment sur ce point, mais je l'ai également longuement évoqué avec Tony BLAIR : je suis absolument consterné par ce qui s'est passé pour le musée de Bagdad et, semble-t-il, d'après les dernières informations, hier ou aujourd'hui, pour le musée de Mossoul. Il y a quelques grands musées dans le monde qui, par la richesse de leurs collections, sont de véritables symboles de l'universalité humaine, qui sont en réalité des témoins essentiels de l'histoire de l'humanité, essentiels.

Alors, tel était le cas du superbe musée de Kaboul avant qu'il ne soit à trois reprises, je crois, l'objet de pillages absolument scandaleux qui ont été un véritable désastre culturel. Ce musée qui témoignait de façon si extraordinaire du rapprochement, de la synthèse entre l'Occident hellénistique, l'Inde et la Chine. Tout a disparu, tout a été cassé, les barbares sont passés.

Tel est également le cas aujourd'hui, hélas, du musée de Bagdad et de la bibliothèque de Bagdad qui présentaient les plus prestigieux témoignages du passé de la Mésopotamie, qui est tout de même le berceau de l'histoire de l'humanité, de l'histoire de la civilisation humaine, pas de l'humanité mais de l'histoire de la civilisation humaine. Alors, pour tous ceux qui ont un minimum de respect pour la culture, pour l'histoire plurimillénaire de l'humanité, le pillage du musée de Bagdad, de la bibliothèque, aujourd'hui paraît-il du musée de Mossoul, si cela est confirmé, constitue un véritable crime contre l'humanité, un désastre pour l'humanité. C'est un pan entier de notre patrimoine qui s'effondre et disparaît. Alors, l'UNESCO avait prévenu, elle avait dit depuis longtemps ce qui devait être fait pour au moins sauvegarder ces monuments de notre histoire, de même d'ailleurs que les principaux sites archéologiques qui ont fait l'objet de pillages sur lesquels je n'ai pas besoin de m'étendre. Je crois que nous devons, et c'est ce que nous avons voulu faire aujourd'hui, je crois que nous devons exprimer notre indignation et notre condamnation et apporter notre soutien, notre soutien je ne sais pas très bien pour faire quoi mais en tous les cas notre soutien, à l'UNESCO et indiquer à l'UNESCO, qui se réunit demain dans ses instances compétentes sur ce sujet, notre totale coopération et naturellement notre indignation.

Voilà ce que je voulais vous dire sur la journée d'aujourd'hui et je suis maintenant tout prêt à répondre à vos questions.

QUESTION - Monsieur le Président, les quatre pays européens membres du Conseil de sécurité ont présenté un projet de déclaration sur l'Iraq. J'aimerais savoir s'il y a eu un accord avec les vingt-cinq et quelle est l'importance de ce projet ?

LE PRÉSIDENT - Ce projet, qui n'a pas encore été finalisé, qui actuellement fait l'objet de discussions entre les ministres des Affaires étrangères qui ont d'abord discuté à quatre et puis ensuite avec les autres, naturellement, avec tout le monde, et avec la présidence, cela va de soi, est dans le droit fil de ce qui avait été décidé ou adopté à notre dernier sommet, celui de Bruxelles. Il indique à la fois nos préoccupations pour l'avenir de l'Iraq, les principes sur lesquels nous pensons que la reconstruction, après la période de sécurisation, la reconstruction politique, administrative, économique, sociale de l'Iraq doit être entreprise, les différents problèmes qui doivent être évoqués, depuis les problèmes humanitaires, ça c'est l'immédiat, dans la phase de sécurisation jusqu'aux problèmes de rétablissement des autorités nécessaires au fonctionnement du pays, tout ceci devant se faire dans le cadre et avec un rôle central, je dis ça, mais appelez-le comme vous voulez, de l'Organisation des Nations Unies, principes sur lesquels nous sommes tous d'accord. Et, par conséquent, cela nous conduira à un texte qui, je pense, sera adopté demain.

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez téléphoné au Président George W. BUSH et vous avez rencontré tout à fait par hasard Tony BLAIR aujourd'hui. Est-ce-qu'on assiste à un rapprochement entre les deux camps ?

LE PRÉSIDENT - Attendez, je ne vois pas pourquoi vous dites que j'ai rencontré par hasard Tony BLAIR ! On a l'impression que j'ai été me promener dans la rue et que tout d'un coup on s'est croisés, n'est-ce-pas ? Je tiens à vous dire qu'avec Tony BLAIR, nous avons des relations téléphoniques permanentes. La première chose que j'ai faite en rentrant de Saint-Pétersbourg a été de l'appeler, dès que je suis arrivé dans mon bureau, pour lui dire comment cela s'était passé. C'était convenu. Cela n'a pas été par hasard. Et nous avons naturellement convenu de nous rencontrer à l'occasion de la réunion d'aujourd'hui. Nous l'avions prévu lors de notre dernier appel téléphonique, il y a deux ou trois jours, donc ce n'est pas du tout par hasard.

Nous avons évoqué avec Tony BLAIR l'ensemble des problèmes dont j'ai parlé tout à l'heure, qui sont ceux de l'Iraq, qui sont ceux du Moyen-Orient. Je lui ai parlé de cette affaire humanitaire, je lui ai également parlé de ce désastre que représentent le pillage et la destruction du musée et de la bibliothèque de Bagdad, sentiment qu'il partage tout à fait.

Hier, j'ai eu également le Président des Etats-Unis. Je lui ai fait savoir ce que nous avions dit, c'est-à-dire que nous avons parlé des même sujets, très exactement et dans les mêmes termes.

QUESTION - Avez-vous pris connaissance de l'initiative des dix-huit petits Etats qui se sont réunis ce matin dans un hôtel d'Athènes pour un projet au sein de la Convention qui, semble-t-il, va dans le sens inverse des propositions franco-allemandes récemment présentées lors du sommet de l'Elysée ? Et, ma deuxième question, avez-vous un message pour la Bulgarie et la Roumanie ?

LE PRÉSIDENT - Pour la Bulgarie et la Roumanie, j'ai bien entendu un message. C'est un message de solidarité et d'amitié que j'ai d'ailleurs pu exprimer au Président roumain et au Premier Ministre bulgare tout à l'heure. Et un message, surtout, de confiance dans la poursuite des travaux qui permettront à la Bulgarie et à la Roumanie de nous rejoindre à la date prévue. Je ne doute pas d'ailleurs que cela soit possible. Donc, je suis persuadé que les échéances seront respectées. Alors, voilà les messages.

Pour ce qui concerne la position d'un certain nombre, ils ne sont pas dix-huit d'ailleurs, mais peu importe, d'un certain nombre d'Etats que vous qualifiez, je vous en laisse la responsabilité, de "petits", je pense que vous faites allusion aux populations, par ce qualificatif, parce qu'il n'y a pas dans l'Union européenne de "petits" et de "grand" Etats. Cela, c'est une erreur de sensibilité que font certains. Toute l'histoire de l'Union européenne montre depuis son origine, où elle a été fondée par trois « grands » et trois « petits », toute l'histoire montre qu'il n'y a jamais eu d'autorité exercée par les "grands" sur les "petits". Cela ne marche pas comme cela. On a vu des affrontements entre quelques "grands" et quelques "petits", je n'aime pas ces adjectifs mais, enfin, je les utilise parce que vous les avez utilisés. On a vu des affrontements entre quelques "grands" et quelques « petits » contre quelques "petits" et d'autres "grands". On n'a jamais vu les "grands" essayer d'imposer un point de vue aux "petits". Cela ne fonctionne pas comme cela, l'Union européenne.

Donc, la seule idée qu'il y ait une espèce d'expression des « petits », je crois que c'est une erreur historique. D'ailleurs, ce n'est pas le cas, parce qu'il y a, là-encore, des "petits" qui ont exprimé un point de vue tout à fait différent de celui que vous avez évoqué. Ceci étant, il est important que ce débat ait lieu. C'est vrai pour la désignation de la présidence du Conseil européen, pour laquelle notre ami Jean-Claude JUNCKER, se faisant le porte-parole de ceux auxquels vous faites allusion, a exprimé des réserves sur la proposition franco-allemande d'une présidence stable, longue et exclusive, c'est-à-dire exercée par quelqu'un qui le ferait à temps plein. Et je comprends parfaitement ses réserves. Tout ceci fait partie de l'alimentation de la Convention qui, ensuite, fera ses propositions. Et il appartiendra à la Conférence intergouvernementale de décider.

QUESTION - A deux reprises, les deux précédents sommets européens avaient été consacrés exclusivement à l'Iraq. N'est-il pas un peu étrange, aujourd'hui, qu'il n'y ait pas eu un débat à Quinze sur l'Iraq, mais simplement des rencontres, des apartés, des rencontres bilatérales ?

LE PRÉSIDENT - On ne peut pas tout faire. La présidence grecque a eu beaucoup de mérite parce qu'elle avait un ordre du jour extrêmement chargé, un agenda très chargé, et qu'elle a dû intégrer, ce qu'elle a fait avec beaucoup de qualité, d'intelligence et de finesse, elle a dû intégrer cette affaire iraquienne sur laquelle des divergences fortes sont apparues entre les membres.

On a fait lors du Conseil de Bruxelles un débat sur ce point. Aujourd'hui, la présidence estimait que nous devions répondre à la Convention. Cela nous a pris la matinée, c'était inéluctable, on était bien obligés de le faire. C'était totalement prioritaire. Monsieur GISCARD D'ESTAING, qui déjà s'était vu éliminer par l'Iraq il y a quinze jours à Bruxelles, revenait et ne pouvait tout de même pas être traité de cette façon-là, vous en conviendrez. Ensuite, il fallait bien signer, faire la cérémonie de signature, c'était également important. Alors, nous ne pouvions pas décemment exiger de la présidence qu'elle consacre, en plus je ne sais pas quand, une séance sur les affaires iraquiennes, dont nous ne cessons de parler entre nous par ailleurs, soit en dehors des séances, soit par téléphone, soit au niveau des Chefs d'Etat et de Gouvernement, soit au niveau des ministres des Affaires étrangères. Croyez-bien qu'on n'a pas purement et simplement oublié l'Iraq, hélas.

QUESTION - Quand vous dites que l'Organisation des Nations Unies aura un rôle central, que voulez-vous dire exactement, précisément ?

LE PRÉSIDENT - Je veux dire deux choses et j'essaierai de le dire de façon brève pour ne pas me répéter indéfiniment. La première, c'est que, dans une crise de cette nature, l'Organisation des Nations Unies est le seul endroit où l'on trouve à la fois la compétence et la légitimité pour une sortie de crise. C'est une chose dont il faut tenir compte. Je prends un exemple : si l'on veut apporter une aide internationale à la sortie de crise et que l'on sollicite la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International, l'Union européenne ou tout autre organisme, ils ne peuvent agir que sur la requête des Nations Unies, qui sont seules à exprimer la légitimité internationale. Donc, il le faut bien. Quand vous dites : les Nations Unies doivent un rôle central, vous pouvez chercher un autre qualificatif si cela vous convient, cela m'est tout à fait indifférent, c'est une réalité.

Deuxièmement, je comprends très bien les problèmes spécifiques, j'en ai parlé hier avec le Président BUSH et aujourd'hui avec Tony BLAIR, et j'en avais déjà parlé ces jours derniers, bien entendu, avec lui, les problèmes concrets qui se posent sur le terrain. D'abord, pendant la phase de sécurisation, où il va de soi, c'est d'ailleurs conforme au droit international, que la responsabilité est assumée par les belligérants et par eux seuls. Et cela, c'est tout à fait clair, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous sommes intervenus afin de leur demander de faire le maximum pour que l'aide humanitaire puisse être envoyée et surtout distribuée, dans tous les domaines, depuis les hôpitaux jusqu'à l'ordre public en passant par l'eau, l'électricité, les moyens de vie.

Et puis, il y a encore toute une série de problèmes à régler. Il n'y a pas que l'humanitaire, il y a toute une série de problèmes à régler. Alors, je ne suis pas de ceux qui veulent, en s'appuyant sur les principes, dire qu'on va tout régler avec une baguette magique, on ne le fera pas. Ce que je dis, c'est qu'il faut, à partir de là, prendre les problèmes qui se posent dossier par dossier et apporter le règlement nécessaire pour les résoudre. Mais, je le répète, on ne le fera pas sans l'Organisation des Nations Unies, cela ne marchera pas.

QUESTION - Est-ce qu'il serait possible de nous donner un peu plus de détails sur le projet de pont aérien dont vous avez parlé ?

LE PRÉSIDENT - Je ne veux pas m'attribuer cette initiative, qui est une initiative de la Commission. J'en avais suggéré le principe au Président de la Commission, il l'a adopté et c'est la Commission qui en proposera les modalités. Il y a urgence. Et l'objectif, c'est de récupérer dans les meilleures conditions possibles des blessés, notamment des enfants, qui ne peuvent pas être soignés sur place et qui requièrent des traitements et des moyens qui n'existent que dans nos pays. Et, le problème, c'est de les amener ici.

QUESTION - Quand ?

LE PRÉSIDENT - Naturellement le plus vite possible, immédiatement.

QUESTION - La création d'un ministre des Affaires étrangères est une des propositions sur la table, et l'on peut se demander à quoi un tel ministre servirait à partir du moment où il n'y a pas de politique étrangère commune. On l'a vu dans cette crise, le ministre aurait été bien embarrassé. Deuxième question, vous avez parlé tout à l'heure, lors de la cérémonie de signature, de la nécessité de se tourner d'abord vers la famille européenne, de la nécessaire solidarité. Excusez-moi de revenir sur le passé, mais il y a une question, une critique qui vous a été adressée : pourquoi avez-vous été chercher Vladimir POUTINE avant de chercher la réunion, justement, de la famille européenne ?

LE PRÉSIDENT - Deux choses : la première, si nous voulons avoir une vision multipolaire du monde de demain, cela veut dire que nous devons faire en sorte qu'il existe un pôle européen qui soit fort et cohérent. Si nous voulons un pôle européen fort et cohérent, il nous faut une attitude commune à l'égard de l'extérieur, aussi vite que possible. Cela prendra un certain temps, naturellement. Ça, c'est l'idée d'une politique étrangère commune.

Il faut également une politique de défense commune. Si vous voulez mon avis, je pense que c'est même prioritaire parce que c'est à partir des progrès, qui sont sérieux, de la politique européenne de défense que l'on créera les conditions optimales pour mettre en oeuvre une politique étrangère commune. Et, donc, le problème, c'est de donner une priorité aujourd'hui à la politique européenne de défense pour qu'on puisse conduire à une situation où, à l'évidence, la défense étant commune, la diplomatie est obligée de l'être. Je suis de ce point de vue tout à fait optimiste.

Je dis souvent que la voie européenne, ce n'est pas une autoroute sur laquelle on circule tranquillement. C'est un chemin de montagne escarpé, avec toutes sortes de bosses et de trous qu'il faut assumer. Et, de temps en temps, on se heurte le pied, on s'arrête. Mais on n'a jamais reculé, c'est tout à fait essentiel. On continue à un rythme qui soit compatible avec, tout simplement, la vie, les capacités d'adaptation de l'homme. Cela dit, c'est presque un problème d'évolution. Et, donc, je ne suis pas du tout pessimiste.

Quand on regarde ce que l'on a fait depuis trente ou quarante ans ! Si vous aviez la curiosité de prendre, je dirais, une revue de presse, les commentaires, de cinq ans en cinq ans, sur les affaires européennes, vous seriez extraordinairement surpris de voir comment toutes les appréciations, aussi bien des intellectuels, des politiques que des journalistes, ont un point commun : elles ont toutes été erronées et pessimistes, curieusement, et c'est ainsi. C'est pour cela que je ne suis pas, moi, pessimiste, évidemment. Ce n'est pas dans ma nature.

Sur la deuxième partie de votre question, eh bien, je me permets de vous dire qu'il y a un lien entre la Russie et l'Union européenne, il y a un lien entre la Russie et l'OTAN. Et ce lien est tellement important que l'on fait justement, le 30 ou le 31 mai, à Saint-Pétersbourg, un sommet Union européenne-Russie. Celle-ci n'est pas étrangère. Deuxièmement, vous savez parfaitement que nous avons eu une position commune, la Russie, l'Allemagne et la France, plus évidemment un certain nombre d'autres pays au sein de l'Union européenne et plus généralement une grande majorité de pays et de peuples dans le monde, concernant l'affaire iraquienne. Il n'y avait rien d'étonnant à ce que, dans ce contexte, nous ayons, à l'invitation du Président POUTINE, une concertation, ce que nous avons fait. C'était tout à fait naturel et normal, comme d'ailleurs nous en avons rendu compte à nos partenaires.

QUESTION - Que pensez-vous de l'idée des Danois de rassembler une force de stabilisation, sans le mandat des Nations Unies ?

LE PRÉSIDENT - Je ne connaissais pas cette proposition et j'écoute toujours avec beaucoup d'attention ce que disent nos amis danois. Je ne vois pas très bien comment on peut envoyer une force de stabilisation. Je crois que personne ne nous l'a demandé. Je ne crois pas que cela soit un élément fondamental de solution du problème mais je suis prêt à examiner toutes les hypothèses, naturellement.

QUESTION - Dans votre aparté avec Tony BLAIR, est-ce que ce dernier a évoqué avec vous l'idée de nommer un représentant spécial de l'ONU en Iraq ?Est-ce que vous considérez que cette idée est mûre, suffisamment mûre ? Quel pourrait être le mandat, d'ailleurs, de ce représentant en Iraq et est-ce que vous en parlerez demain, aussi, avec Monsieur Kofi ANNAN ?

LE PRÉSIDENT - D'abord, il y a déjà un Conseiller qui a été nommé par Monsieur Kofi ANNAN. Ensuite, je suis tout à fait favorable à la nomination de ce représentant ou d'un autre. Cela, il appartient à Kofi ANNAN d'en décider, j'ai toujours très confiance dans les initiatives de Kofi ANNAN. Et nous aurons probablement l'occasion, effectivement, d'en parler demain. Je suis tout à fait, en tous les cas, du même avis que Tony BLAIR sur ce point. Il est indispensable qu'il y ait un représentant de l'ONU. Ensuite, il faut voir ce que l'on met derrière cette affirmation, c'est-à-dire quelles sont ses responsabilités et ses pouvoirs. Cela, ça reste à être défini et je vous ai dit dans quel esprit, nous, nous approchions ce problème.

Je vous remercie.





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