Palais de l'Élysée, le mardi 15 octobre 2002
Voici un an, les attentats du 11 septembre nous plongeaient dans l'horreur et contraignaient la communauté internationale à concentrer son énergie sur la réponse à ces crimes odieux. L'urgence était à la constitution d'une puissante coalition anti-terroriste. Les francophones décidaient de différer leur sommet : la tragédie et le séisme qu'elle provoquait étaient tels que cette décision difficile s'imposait.
Un an après, les francophones se rassemblent à Beyrouth et leur réunion répond à une attente plus forte que jamais. Face à la haine, à la menace du choc des civilisations, le dialogue des cultures apparaît comme un impératif de notre temps. Les francophones se veulent les pionniers de ce dialogue et leur sommet en portera témoignage.
Où mieux qu'à Beyrouth pourrait-on conduire une telle entreprise ? Depuis des siècles, le Liban a vu se succéder sur son sol les peuples, les civilisations et les religions. Son identité s'est faite des apports de chacun. Elle s'est nourrie de diversité et d'ouverture. Le peuple libanais, tourné vers l'échange et le commerce, a essaimé à travers le monde et il est peu de familles qui n'aient des proches en Europe - et d'abord en France -, en Afrique, dans le monde arabe ou en Amérique. C'est cette coexistence de communautés, qui ont appris à vivre ensemble en établissant entre elles des équilibres scrupuleux, qui font du Liban un pays unique. Lorsque l'équilibre est rompu, la guerre peut s'installer. Beyrouth en porte les stigmates. Mais lorsque revient la paix, grâce au renouvellement du pacte entre communautés, l'extraordinaire vitalité du peuple libanais se réveille, comme en témoigne la restauration exemplaire de la ville depuis une dizaine années.
Le Liban est ainsi un symbole du monde contemporain. Divers et uni en même temps, notre monde doit en effet apprendre à faire coexister dans la paix des peuples attachés à leur identité et contraints à partager un même espace. L'ère de l'isolement est close et, en même temps, nul ne saurait chercher à imposer aux autres une loi exclusive.
Les francophones veulent apporter leur contribution à cette oeuvre nouvelle de notre temps : l'édification d'une société internationale pacifique, solidaire et respectueuse de chacun de ses membres. C'est pourquoi les autorités libanaises ont judicieusement choisi de consacrer le sommet de Beyrouth au dialogue des cultures. Premier sommet francophone en terre arabe, il aura à coeur de démontrer que nos peuples, installés sur les cinq continents, peuvent à la fois célébrer leurs valeurs partagées et s'enrichir de leurs différences. Il voudra être une leçon de tolérance et de confiance dans l'avenir.
Ensemble, nous pouvons faire progresser les causes auxquelles nous sommes attachés.
La cause de la paix. À l'heure où le monde s'inquiète pour l'avenir du Proche-Orient, je suis heureux que les francophones viennent au Liban démontrer qu'il est d'autres logiques que celles de la haine et de l'affrontement. Depuis le Sommet de Hanoi, nous avons engagé la francophonie dans des missions de médiation, notamment en Afrique. Je souhaite que les travaux de Beyrouth donnent un nouvel élan à cette dimension de notre engagement.
La cause du développement durable. À Johannesburg, nous avons pris la mesure des défis. Défi écologique, dont témoignent les crises environnementales actuelles. Défi social, qu'illustrent la persistance de la pauvreté de masse à travers le monde ou l'extension continue de l'épidémie du sida. Alors que la mondialisation économique appelle d'urgence la mondialisation de la solidarité, les francophones doivent rassembler leurs forces. En augmentant de moitié son aide publique au développement au cours des cinq prochaines années et en abordant avec générosité le cycle des négociations commerciales de Doha, la France prend ses responsabilités et s'engage sur la voie d'un partenariat renouvelé avec les pays en développement.
La cause de la démocratie et des droits de l'Homme. Dès le Sommet de Cotonou, en 1995, j'exprimais le souhait que la francophonie aide aux progrès de la démocratie et des droits de l'Homme en son sein. Les valeurs d'humanisme que nous partageons nous font en effet un devoir d'y travailler en priorité, dans le respect bien sûr des souverainetés et des identités, mais d'abord dans le respect des principes universels qu'affirment la Déclaration universelle des droits de l'Homme et les pactes qui l'accompagnent. À Bamako, nos pays ont établi un mécanisme qui fait de la francophonie une communauté exemplaire. À Beyrouth, nous aurons à coeur de lui donner l'impulsion nécessaire.
La cause de la diversité. À l'heure où l'on s'inquiète d'une mondialisation laminoir des cultures, je suis heureux que les francophones viennent à Beyrouth affirmer leur foi dans l'égale dignité des cultures du monde et dans la valeur du dialogue des civilisations. Ils y adopteront des programmes nouveaux destinés à défendre la place de notre langue commune et du plurilinguisme, à promouvoir la création francophone, à faire progresser l'idée d'une convention mondiale sur la diversité culturelle, dont l'UNESCO pourrait être le creuset.
À Beyrouth enfin, nous élirons un nouveau Secrétaire général de la Francophonie. M. Boutros BOUTROS-GHALI, élu lors du Sommet de Hanoi, a donné à cette fonction nouvelle tout son prestige et sa haute réputation internationale. Mieux que quiconque, il a été le visage et la voix de la francophonie dans le monde. C'est dire l'importance de notre choix.
Pour toutes ces raisons, je suis convaincu que le Sommet de Beyrouth sera un rendez-vous international de la plus haute importance. Et la France, qui aime le Liban, se réjouit de voir sa capitale affirmer à nouveau, après le sommet de la Ligue arabe, sa vocation de métropole internationale.
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