Sommet Union europenne - États-Unis : tribune du Président de la République parue dans le "Washington Post"

Sommet Union europenne - États-Unis : tribune de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, parue dans le "Washington Post"

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Lundi 18 décembre 2000

C'est avec plaisir que je me rends à Washington, en tant que Président en exercice de l'Union européenne, pour le sommet euro-américain qui s'y tiendra aujourd'hui.

Ce sera pour moi l'occasion de renouveler à mon ami Bill Clinton, un grand Président des États-Unis, mes sentiments de profonde estime avant qu'il ne quitte ses fonctions.

Le sommet de Washington intervient à un moment crucial pour la relation euro-américaine : quelques jours après l'accord conclu au conseil européen de Nice, mais aussi un mois avant l'entrée en fonction de la nouvelle administration américaine. En tant qu'ami de longue date des États-Unis, j'ai bien sûr suivi de très près le processus électoral qui s'y est déroulé.

J'en tire un sentiment de profond respect pour la vitalité de la grande démocratie américaine. Je renouvelle ici au Président élu, M. George W. Bush, mes félicitations et tous mes voeux de succès. Au nom de l'Union européenne, je me rends à Washington porteur d'un message simple et amical : sur le socle d'un demi-siècle d'alliance, le moment est venu d'ériger entre l'Europe nouvelle et les États-Unis un véritable partenariat, un partenariat renouvelé et global.

Telle doit être l'une des grandes ambitions de notre génération. Cette ambition suppose que chacun assume les responsabilités qui lui incombent. L'Union européenne se donne les moyens de devenir le grand partenaire des États-Unis sur la scène internationale.

L'accord conclu à Nice lui a permis de réformer son processus de décision interne et d'ouvrir ainsi la voie à son élargissement dans de bonnes conditions. Alors qu'elle assume d'ores et déjà l'essentiel du fardeau dans les Balkans; en excellente coopération avec nos amis américains, l'Union européenne a pris à Nice des décisions majeures pour lui permettre de mieux assumer encore ses responsabilités en matière de défense et de sécurité. En particulier, l'Union européenne a décidé de se doter d'une capacité de réaction rapide lui permettant de déployer d'ici 2003 des effectifs pouvant aller jusqu'à 60 000 personnes, avec leur accompagnement aérien et naval. Chacun des pays européens a pris des engagements fermes et chiffrés afin d'assurer la mise en oeuvre concrète de ces décisions.

Destinée à être engagée là où l'Alliance atlantique en tant que telle ne l'est pas, cette force de réaction rapide européenne apportera une contribution majeure au meilleur partage du fardeau appelé de leurs voeux par nos amis américains. Dans le même esprit, les fondements d'une coopération étroite entre l'Union européenne et l'OTAN ont été établis lors de la Présidence française de l'Union européenne. Ces développements contribueront ainsi à renforcer l'Alliance atlantique, tant il et vrai qu'une Alliance forte nécessite exige une Europe forte. L'administration américaine a exprimé la même conviction en saluant chaleureusement cette nouvelle étape de la construction européenne.

Par-delà le renforcement en cours de l'Union européenne, l'ambition d'un nouveau partenariat transatlantique suppose aussi que les États-Unis restent impliqués dans les affaires du monde. Je l'avais souligné dans mon intervention devant le Congrès des États-Unis en février 1996, et je le redis aujourd'hui en me faisant le porte-parole de l'Union européenne : aujourd'hui comme hier, le monde a besoin de l'Amérique. Une Amérique qui exerce, avec l'Union européenne et avec d'autres, les responsabilités globales éminentes qui lui incombent. Une Amérique qui tourne le dos à la double tentation du repli sur soi et de l'unilatéralisme, et qui joue tout son rôle dans les grandes organisations internationales que nous avons fondées ensemble, des Nations Unies à l'Organisation mondiale du commerce.

Au lendemain de la victoire sur le nazisme, les États-Unis ont contribué, plus qu'aucun autre pays à façonner le monde de l'après-guerre. Aujourd'hui comme hier, l'engagement de l'Amérique reste nécessaire pour bâtir le monde incertain de l'après-guerre froide. Ce n'est qu'ensemble qu'Européens et Américains pourront résoudre les grands défis, pour l'essentiel communs, auxquels ils sont aujourd'hui confrontés. Au-delà du règlement des crises, je pense en particulier au combat qu'il nous faut mener contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, les menaces pour notre environnement, le trafic de drogue, le blanchiment d'argent, les réseaux mafieux ou le terrorisme. Je me réjouis ainsi de la coopération franco-américaine exemplaire qui a permis l'adoption, dans le cadre des Nations Unies, de la Convention contre le financement du terrorisme et, il y a quelques jours, de la Convention mondiale contre le crime organisé. Je pense aussi à la responsabilité particulière qui nous incombe, Européens et Américains, pour promouvoir une mondialisation à visage humain. Cela suppose en particulier un effort accru en direction des pays les plus pauvres, notamment en Afrique.

La France et ses partenaires européens sont à l'avant-garde de ces efforts, qu'il s'agisse de la réduction du poids de la dette de pays pauvres ou de l'aide qui leur est apportée. J'ai la conviction que l'aide au développement constitue plus que jamais une nécessité pour permettre aux pays pauvres de s'insérer dans les circuits du commerce international, selon la devise "aid for trade". Dans le même esprit, nous devons nous attaquer à bras-le-corps à la pandémie du sida et au problème-clé de l'accès aux soins dans les pays les plus pauvres. Je renouvelle ici mon appel pour réunir dès que possible une conférence internationale associant les représentants des laboratoires pharmaceutiques concernés et visant à assurer un prix des médicaments sensiblement réduit, et donc un réel accès aux soins, dans les pays concernés. C'est l'une des propositions que j'évoquerai aujourd'hui avec le Président Clinton.

L'Union européenne et les États-Unis sont déjà l'un pour l'autre le principal partenaire en termes d'échanges et d'investissements. L'arbre de leurs différends commerciaux ne doit pas cacher la forêt, en plein essor, de leurs relations économiques. Ces différends ne représentent que 1 % environ du volume total des échanges euro-américains. Il est légitime de chacun défende ses intérêts, mais l'important est de le faire dans le plein respect des procédures multilatérales existantes. J'espère que des solutions satisfaisantes pourront être trouvées rapidement. La coopération entre l'Union européenne et les États-Unis est appelée par ailleurs à se renforcer encore dans le domaine monétaire, avec le lancement réussi de l'euro, et dans le domaine de la défense avec la mise en place en cours d'une défense européenne. Tout concourt ainsi à faire d'un partenariat transatlantique renouvelé, enraciné dans une profonde communauté de valeurs et de destin, l'une des pierres d'angle de stabilité du monde de demain. L'Amérique et l'Union européenne, j'en suis sûr, peuvent compter l'une sur l'autre pour emprunter ensemble ce chemin exigeant.





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