Interview télévisée du Président de la République à la chaîne brésilienne "TV Globo"

Interview télévisée accordée par M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à la chaîne brésilienne "TV Globo"

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Palais de l'Élysée, le samedi 8 mars 1997

QUESTION - Monsieur le Président, c'est votre première visite au Brésil, quelles sont vos attentes personnelles ?

LE PRÉSIDENT - J'ai le sentiment qu'après une sorte d'éloignement, une famille se retrouve. Nous appartenons en réalité à la même famille : l'Amérique latine, l'Europe, c'est une famille. Elle s'est un peu séparée pour des raisons d'histoire, de géographie et je voudrais qu'elle se retrouve.

QUESTION - Après deux ans comme Président, vous avez déjà fait trois propositions de partenariat avec les Etats-Unis lors de votre séjour à Washington, avec l'Asie et aussi avec le monde arabe lors de votre séjour au Caire. Il ne vous reste maintenant que l'Amérique du Sud n'est-ce pas ?

LE PRÉSIDENT - La France, pendant trop longtemps s'est consacrée - c'était essentiel - à la construction européenne, c'est-à-dire à la paix en Europe. Aujourd'hui, elle doit retrouver sa tradition humaniste et universelle avec l'Europe. Nous avons donc tout naturellement voulu retrouver nos liens traditionnels, les liens économiques, politiques avec l'Asie, avec l'ensemble méditerranéen qui est notre berceau en quelque sorte et puis avec notre soeur l'Amérique latine et ce lien, c'est pour moi le plus important. J'y suis très attaché. Il y a trente-trois ans, le général de Gaulle avait lancé cette grande idée de la famille latine et pour des raisons de circonstances, une Europe s'occupant de ses problèmes, une Amérique latine ayant les siens, il n'y a pas eu de suite. Je voudrais qu'aujourd'hui il y en ait une et que mon voyage soit une pierre dans la construction de cette nouvelle relation, cette relation retrouvée entre l'Amérique latine et l'Europe. Ce sont les mêmes racines, ce sont les mêmes intérêts, c'est la même psychologie, c'est la même vision de l'homme, c'est la même culture.

QUESTION - Les Etats-Unis, l'Allemagne et le Japon investissent directement au Brésil beaucoup plus que la France. Croyez-vous pouvoir changer cette situation ?

LE PRÉSIDENT - Je souhaite la changer. Vous savez tout de même la France est le deuxième investisseur au Brésil, donc les autres n'investissent pas beaucoup plus. Nous sommes également le premier investisseur en Argentine, nous devons continuer à investir comme nous devons accueillir les investissements latino-américains. Nous devons surtout faire un effort pour augmenter nos échanges. Aujourd'hui déjà, s'agissant des échanges, s'agissant des investissements, s'agissant de l'aide au développement, l'Europe est de très loin le premier partenaire de l'Amérique latine et notamment du Mercosur mais l'on doit encore développer cela. L'intérêt de l'Amérique latine, c'est de réussir son intégration régionale et d'abord le Mercosur, l'intérêt de l'Europe c'est de réussir la sienne et notre intérêt commun, c'est de créer des liens très forts parce que nous sommes complémentaires. L'Amérique latine ne peut pas s'enfermer dans un ensemble qui l'isolerait de l'Europe qui est déjà et qui sera de plus en plus le premier marché du monde, le premier ensemble pour ce qui concerne les exportations, les importations, l'innovation, la richesse. Donc, il y a un lien naturel qu'il faut maintenant renforcer et je voudrais apporter ma part, ma contribution à ce renforcement.

QUESTION - Croyez-vous que l'industrie française a souffert de cette concurrence déloyale d'un appel d'offre au Brésil ?

LE PRÉSIDENT - Non, non. Je ne pense pas cela du tout, si l'industrie française a fait de très belles réussites au Brésil et là où elle n'a pas réussi, c'est probablement qu'elle n'était pas la meilleure ou peut-être qu'elle ne s'est pas donnée suffisamment de peine ce qui arrive chez les industriels français, qui curieusement exportent plus facilement en Allemagne qu'au Brésil ou en Argentine, et c'est cela qu'il faut changer, il faut qu'ils fassent un effort supplémentaire. Vous savez, en général quand on gagne, c'est parce que l'on est le meilleur et quand on perd, c'est parce que l'on n'est pas le meilleur et c'est cela qu'il faut corriger.

QUESTION - A votre avis, quelle est la place du Brésil dans votre politique internationale ? Soutenez-vous le souhait du Brésil d'avoir un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies ?

LE PRÉSIDENT - La France a pris pour la réforme des Nations unies une position claire et je l'ai rappelée il y a quelques jours au nouveau secrétaire général qui est venu me rencontrer. La France est favorable à un élargissement du Conseil de sécurité, élargissement à l'Allemagne, au Japon et trois, quatre ou cinq grands pays du sud, naturellement d'Amérique du Sud, d'Asie et la France ne veut pas faire elle-même les choix, ce n'est pas elle mais nous sommes favorables et nous l'avons dit clairement et nous militons pour cette réforme. Le Brésil y a, je l'imagine, tout naturellement sa place.

QUESTION - Le Brésil, la France ont des bases spatiales très près l'un de l'autre, croyez-vous à la possibilité qu'elles soient encore plus proches par le système de coopération franco-brésilien ?

LE PRÉSIDENT - Oui, cela je suis sûr. C'est la volonté de la France, nous voulons dans tous les domaines mais en particulier dans les hautes technologies, dans les technologies de pointe et en particulier l'espace, nous voulons une coopération sans cesse renforcée avec le Brésil et c'est d'autant plus facile qu'effectivement en Guyane, notre centre spatial de Kourou est très proche naturellement du Brésil, c'est un des sujets que j'évoquerai pendant mon voyage. Vous savez de surcroît que mes relations personnelles avec le Président CARDOSO sont excellentes, le Président est lui-même un homme qui connaît parfaitement bien la France, la culture française, ce qu'est notre pays et donc l'échange est facile.

QUESTION - La France a une belle et très longue tradition d'accueil. Pensez-vous que ces nouvelles lois d'immigration proposées par votre gouvernement blessent les valeurs fondamentales de la République française, la liberté, l'égalité et spécialement la fraternité ?

LE PRÉSIDENT - Je vous rassure tout de suite, c'est une polémique politique intérieure à un an des élections législatives et cela ne touche pas aux grands principes, je dirais même au contraire. La France reste un pays d'intégration. Toute notre ambition c'est que les étrangers qui viennent chez nous soient intégrés par l'école, par l'ensemble de notre système institutionnel, social etc. C'est une caractéristique de la France, l'intégration depuis toujours. Naturellement, cela suppose qu'il n'y ait pas une immigration clandestine qui déstabilise ou perturbe l'intégration puisqu'elle ne s'intègre pas elle-même et les lois que nous avons prises ce n'est pas du tout contre les étrangers au contraire, c'est pour permettre, pour faciliter l'intégration et c'est pour éviter une immigration clandestine excessive. De toute façon, cela n'intéresse pas l'Amérique latine. Tous les latino-Américains qui viennent sont en France chez eux, ce ne sont pas vraiment des étrangers et ces dispositions ne les concernent pas.

QUESTION - Je ne vous demanderai pas quelle est votre équipe favorite pour France 98 parce que vous partez pour le Brésil et l'Argentine.

LE PRÉSIDENT - Je peux tout de même vous dire quelle est mon équipe favorite : c'est l'équipe de France. Pour le reste, les équipes d'Amérique latine sont toutes extraordinaires et c'est une grande joie pour moi de venir avec Monsieur PLATINI, d'avoir probablement l'occasion je crois de rencontrer cet autre footballeur de légende PELE et je serai heureux de voir ce mariage entre la France et l'Amérique latine, la France et le Brésil dans cette communion pour soutenir le football.

QUESTION - Croyez-vous que les raisons de sécurité évoquées par votre ministre de l'Intérieur vont permettre la réalisation de France 98 l'année prochaine sans les grilles dans le stade conformément au souhait de la FIFA ?

LE PRÉSIDENT - Cela c'est un problème technique, je ne veux pas me prononcer. J'aurai l'occasion d'en parler avec le Président HAVELANGE qui vous le savez est pour moi un grand ami depuis longtemps et nous ferons naturellement le maximum pour satisfaire le Président HAVELANGE.

QUESTION - Merci beaucoup, Monsieur le Président.





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