"Un élan partagé" : tribune du Président de la République dans la presse régionale.

"Un élan partagé" : tribune de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, publiée par le groupement des 14 grands quotidiens régionaux.

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Mercredi 7 mai 1997

La France a maintenant besoin d'un nouvel élan, d'un élan partagé, sous le signe de l'initiative et de la solidarité.

Notre monde connaît en effet des évolutions irréversibles. De nouvelles technologies apparaissent, modifiant comportements et rapport au travail. De nouveaux métiers se créent. Des alliances se nouent à l'échelle des continents. Tel est le cours de l'histoire. Allons-nous lui tourner le dos, nous replier sur nous-mêmes, amorcer un processus de déclin ? Ou bien allons-nous saisir notre chance ?

Notre pays, dans le passé, n'a pas toujours fait les bons choix. On a trop souvent confondu la dépense et l'efficacité, la taille du secteur public et la qualité du service public. On a cru qu'en nationalisant les entreprises, on assurait leur succès. Qu'en multipliant les dettes, on se donnait les moyens d'agir. Qu'en accroissant les impôts et les charges, on faisait oeuvre de justice.

Certains ont pensé qu'en s'accommodant de l'immigration clandestine nous étions fidèles à notre vocation. D'autres ont imaginé que l'on pouvait négliger l'ordre républicain et la sécurité sans porter atteinte à l'équilibre même de la société.

Tout cela, au total, a donné de mauvais résultats.

Nous nous sommes retrouvés avec un endettement massif qui hypothéquait l'avenir de nos enfants. Un Etat qui faisait trop, et qui donc le faisait mal. Une protection sociale de plus en plus coûteuse et pourtant de moins en moins efficace.

Il a fallu, si j'ose dire, " solder l'ardoise ". Aujourd'hui, c'est, pour l'essentiel, chose faite. Une économie assainie. Une croissance qui revient et dont nous sommes en situation de profiter. Voilà ce qui a été fait, avec et grâce à vous. Le moment est venu d'engager une étape nouvelle.

Si j'ai dissous l'Assemblée nationale, c'est justement pour que les Français se prononcent sur le contenu et le sens de cette nouvelle étape. C'est aussi parce que notre pays ne pouvait se permettre une trop longue période électorale, pendant laquelle tout tourne au ralenti, les entrepreneurs cessant d'entreprendre, les investisseurs d'investir, et la société d'évoluer. C'est également parce que j'ai besoin de la force politique nécessaire pour défendre les intérêts de la France lors des prochaines et importantes échéances européennes. C'est enfin pour que notre pays dispose, pendant cinq ans, de la stabilité politique indispensable à l'efficacité de l'action.

Pour saisir notre chance, il faut être confiant et offensif. Il faut, mes chers compatriotes, regarder la réalité en face, et aller de l'avant.

Regarder la réalité en face, c'est avoir le courage de poser les vraies questions. Fera-t-on reculer le chômage par décret en créant toujours plus d'emplois publics ? L'Etat doit-il dépenser toujours plus sans évaluer la qualité des services rendus aux citoyens ? Doit-il taxer toujours plus, au risque de décourager l'initiative, voire de susciter la fraude, au moment où l'imagination et le talent français ne demandent qu'à s'exprimer ?

Dans un temps où l'éducation détermine de plus en plus l'épanouissement et la réussite de chacun, doit-on laisser tel quel un système éducatif qui n'est pas assez ouvert sur le monde du travail, alors que pour la première fois les barrières entre l'université et l'entreprise commencent à tomber ?

Voilà, parmi d'autres, les questions auxquelles vous devrez répondre. Le débat politique engagé aujourd'hui ne doit pas tricher avec la vérité.

Saisir notre chance, c'est surtout aller de l'avant.

Le mot-clef, c'est la confiance. La confiance que l'on donne aux autres et la confiance que l'on possède à l'intérieur de soi.

Faire confiance, c'est faire en sorte que vous puissiez vous exprimer, entreprendre, prendre des risques. C'est alléger les charges sur tous ceux qui travaillent. C'est favoriser l'innovation. C'est aider systématiquement à la création d'entreprises et faciliter le développement de ces très petites entreprises, qui sont, pour l'emploi, une vraie chance. Beaucoup de nos compatriotes l'attendent, notamment les jeunes qui veulent se lancer.

Avoir confiance, c'est ne pas avoir peur des changements, c'est en tirer le meilleur pour apprivoiser l'avenir.

Voyez la Sécurité sociale. Tout au long de l'année dernière, les médecins et leurs patients, faisant preuve d'esprit de responsabilité, ont permis une évolution raisonnable des dépenses de soins. Pour autant, a-t-on vu un malade ne pas avoir librement accès à un médecin, a-t-on vu un médecin ne pas pouvoir prescrire ce qu'il estimait nécessaire ?

Voyez France Télécom. Avec le nouveau statut, le prix du téléphone va baisser, les services à la clientèle vont se développer, l'entreprise, plus performante, va renforcer ses positions et gagner des parts de marché partout dans le monde, au bénéfice de l'emploi et des technologies françaises.

Oui, il faut avoir confiance. Les changements, bien conduits, ne sont pas, pour chaque Français, des "moins" mais des "plus".

C'est ainsi que nous ferons vivre notre modèle social. C'est ainsi que nous pourrons accroître notre effort là où se jouent la cohésion sociale et l'égalité des chances : dans les écoles, dans les hôpitaux, dans le soutien social. C'est ainsi et ainsi seulement que nous pourrons agir plus efficacement contre un chômage insupportable et une fracture sociale inacceptable.

Aller de l'avant, c'est choisir la proximité. Cela vaut pour l'Etat et les administrations : trop de décisions intéressant votre vie quotidienne, celle de vos enfants, sont encore prises loin de vous. Trop souvent, des règles générales s'appliquent à des situations qui demanderaient du cas par cas. Ainsi, à la veille du XXIe siècle, comment imaginer une réduction autoritaire de la durée du travail, le même jour et dans toutes les entreprises françaises ? Ne faut-il pas faire autrement, en dégageant, par la négociation, des solutions sur mesure, adaptées à chaque entreprise ? A la loi, préférons le contrat, qui suppose le dialogue, l'accord, l'engagement personnel.

Aller de l'avant c'est faire évoluer notre vie publique, qu'il s'agisse de la réforme de la justice ou de la modernisation de la vie politique. Le cumul des fonctions politiques doit être proscrit, et cette décision doit profiter aux femmes. Elles incarnent tout particulièrement les valeurs de modernité et d'écoute auxquelles notre société aspire. Je m'engage personnellement à tout faire pour leur permettre de participer pleinement à la vie économique et politique de la France. Il y va de l'harmonie et de l'efficacité de notre société.

Enfin chacun doit répondre de ses actes. L'impunité n'est pas acceptable. Les Français ont en mémoire trop de scandales financiers, en particulier dans certaines entreprises publiques. Être en charge de l'intérêt général ou de l'argent des contribuables, impose, plus que jamais, des obligations de compétence, de transparence, d'honnêteté. Le maître mot, c'est rendre compte. C'est l'essence même de la responsabilité et de la démocratie.

Voilà, Mes Chers Compatriotes, ce que je désire pour les Françaises et les Français : l'initiative et la solidarité, la liberté et la justice.

Et voilà mon ambition pour la France : qu'elle s'affirme dans une Europe en mouvement ; qu'elle défende vigoureusement ses intérêts dans le monde.

Dans trois ans, c'est l'an 2000. Ce rendez-vous que l'histoire va donner à tous les peuples, nous pouvons l'aborder en position de force, dans la fidélité à nos valeurs et à notre culture.

J'ai besoin de votre soutien pour poursuivre l'ouvrage que nous avons engagé ensemble et qui ne peut porter ses fruits que dans la durée. Dans un élan partagé, saisissons notre chance.





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