Interview du Président de la République à la télévision chinoise (1ère chaîne).

Interview accordée par M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à la télévision chinoise (1ère chaîne).

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Palais de l'Élysée, le 10 mai 1997 - émission diffusée le jeudi 15 mai 1997

QUESTION - Monsieur le Président, je voudrais d'abord vous remercier vivement d'avoir accepté d'accorder cette interview à la CCTV.

LE PRÉSIDENT - C'est avec un grand plaisir.

QUESTION - Aujourd'hui toute la Chine attend de vous recevoir et le public chinois attend de vous voir à la télévision chinoise.

LE PRÉSIDENT - Je me réjouis beaucoup d'aller en Chine. D'abord, c'est un pays que je connais et que j'aime. Ensuite, c'est une très grande puissance dans le monde d'aujourd'hui, avec laquelle la France et l'Europe souhaitent renforcer sensiblement leurs relations économiques, politiques et culturelles.

QUESTION - Monsieur le Président, je voudrais savoir ce que vous attendez de votre voyage en Chine ?

LE PRÉSIDENT - J'en attends un renforcement important des liens anciens qui existent entre nos deux pays mais qui dans tous les domaines doivent être développés. C'est vrai sur le plan culturel, nous sommes deux vieilles nations de culture, d'histoire, de civilisation. Nous devons développer encore notre dialogue culturel. C'est vrai naturellement sur le plan politique. Je souhaite que le partenariat que je voudrais voir se développer entre la France et la Chine, entre l'Europe et la Chine, soit un partenariat fort entre deux grands ensembles, qui seront parmi les premiers du monde de demain sur le plan économique et sur le plan politique. Tout cela doit se préparer.

Nous allons vers un monde multipolaire, avec plusieurs pôles de développement. La Chine sera l'un des principaux de ces pôles, l'Union européenne aussi. Donc, on doit préparer cette évolution du monde et renforcer nos liens.

Sur le plan économique, je souhaite que ces liens se développent aussi, que nos échanges augmentent, que nos échanges de technologie soient plus importants, que nos investissements soient plus nombreux. J'inaugurerai l'exposition de Shanghai, qui sera la plus importante jamais organisée par la France dans le monde. C'est pour vous dire l'importance que j'attache aussi à nos liens économiques.

QUESTION - Monsieur le Président, comment appréciez-vous l'état actuel des relations chino-françaises et comment voyez-vous leur perspective ?

LE PRÉSIDENT - Ces relations sont bonnes politiquement. Elles peuvent se développer beaucoup sur le plan économique. Nous avons des complémentarités qui peuvent se développer. Nous pouvons apporter dans bien des domaines quelque chose à la Chine et la Chine peut nous apporter beaucoup de choses.

Je pense en particulier aux secteurs dans lesquels la France est particulièrement compétente, l'aéronautique et le spatial, l'industrie nucléaire civile, les banques et les assurances, l'agroalimentaire, les équipements, l'environnement. Dans tous ces domaines, la France peut apporter quelque chose. Vous savez, la France est le quatrième pays exportateur du monde et, s'agissant des services qui sont de plus en plus essentiels dans la vie de tous les jours, la France est le deuxième exportateur du monde. Elle n'a pas une place, dans ses relations avec la Chine, qui corresponde à la fois à l'extraordinaire puissance de la Chine d'aujourd'hui, et à son développement et aux capacités de la France. Alors, comme nos relations politiques sont excellentes, il faut développer nos relations économiques.

QUESTION - Monsieur le Président, pour parler de la politique, la Chine et la France sont tous pays membres permanents du Conseil de Sécurité et que faut-il faire selon vous pour maintenir la paix et la sécurité dans le monde ?

LE PRÉSIDENT - La première chose à faire, c'est de développer des relations politiques amicales entre les différents grands pôles de puissance dans le monde. C'est ce que souhaite la France et c'est ce que souhaite la Chine. Aujourd'hui, nous ne réglerons pas les problèmes par la guerre, nous les réglerons par la relation politique, économique. Je suis persuadé que la France comme la Chine, toutes deux membres du Conseil de sécurité, deux puissances nucléaires également ont la possibilité d'apporter une contribution essentielle au développement d'un monde multipolaire mais d'un monde multipolaire harmonieux, où les grands pôles de développement - l'Europe, l'Amérique du Nord, l'Amérique du Sud, l'Asie du sud-est et naturellement la Chine, le Japon - se développeront de façon harmonieuse et non pas dans un esprit de confrontation. Cela suppose que tout le monde y mette du sien. C'est la politique de la Chine et c'est celle de la France.

QUESTION - Monsieur le Président, la Chine s'intéresse beaucoup à ce qui se passe en Europe et nous savons que, le 27 mai, la Russie et l'Europe vont signer ici même à Paris un accord sur les futures relations entre l'OTAN et la Russie et, en matière de sécurité européenne, comment voyez-vous l'Europe, la France ?

LE PRÉSIDENT - Les pays de l'Est de l'Europe ont exprimé un désir très vif d'adhérer à l'OTAN et cet élargissement de l'OTAN était de nature à inquiéter les Russes, alors la France a tout fait pour expliquer à ses partenaires européens et américains que l'on pouvait élargir l'OTAN sans blesser la Russie et que, pour cela, il fallait un accord préalable, c'est-à-dire avant l'élargissement entre l'OTAN et la Russie. Nous avons donc beaucoup oeuvré pour arriver à cet accord. L'idée a fait son chemin, la négociation s'est ouverte, tout permet de penser qu'il sera conclu entre l'OTAN et la Russie dans les prochains jours, ce qui permettra de signer à Paris entre les quinze de l'OTAN, Européens, Etats-Unis, Canadiens et la Russie un accord de paix en quelque sorte. Et à partir de là, cela permettra à la réunion de l'OTAN à Madrid de décider l'élargissement sans inquiéter la Russie. La France a eu un rôle important dans ce processus.

QUESTION - Monsieur le Président, tout le monde sait que la France et l'Allemagne forment un couple moteur dans la construction européenne. Aujourd'hui, certaines personnes disent qu'il faut reporter la mise en oeuvre de l'euro, quel est votre commentaire ?

LE PRÉSIDENT - Les responsables politiques n'ont jamais envisagé cette hypothèse. Le Chancelier Helmut Kohl et moi-même, comme d'ailleurs tous les chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Union européenne, ont indiqué clairement leur volonté de faire la monnaie unique - l'euro - le 1er janvier 1999, comme il avait été prévu dans le traité de Maastricht, et nous le ferons.

Le monde a besoin d'une deuxième monnaie internationale face au dollar et l'euro sera cette monnaie.

QUESTION - Comme vous le savez, la Chine est en pleine croissance économique, qu'est-ce que cela signifie pour vous, pour la France ?

LE PRÉSIDENT - Cela signifie d'abord l'émergence d'un nouveau pôle de puissance dans le monde qui sera parmi les tout premiers et donc c'est un élément de stabilisation, de stabilité pour le monde.

Pour la France, c'est une possibilité de développer des échanges économiques et culturels plus important, et si vous me permettez de le dire, pour moi personnellement, c'est une joie de revoir la Chine, qui est la plus ancienne civilisation vivante du monde, qui a été la plus prestigieuse des cultures de l'humanité, retrouver aussi sur le plan culturel la place qui doit être la sienne dans le monde d'aujourd'hui et de demain.





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