Réponse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à Judaisme et Liberté

Bulletin de l'association nationale judaïsme & liberté, n° 44, novembre 1996.

MALAISE

A la suite du voyage du Président de la République au Proche-Orient, de ses déclarations et des incidents qui ont émaillé son séjour en Israël, un certain malaise s'est dessiné au sein de la communauté juive de France.

Notre "section Provence" a d'ailleurs exprimé, peut-être en termes un peu vifs, les premières réactions à ce malaise.

A mon sens, le voyage de Jacques Chirac au Proche-Orient n'a manifesté sur le fond aucun changement des grandes lignes de la politiques française.

Par contre l'enchaînement des déplacements en Syrie, en Israël, dans les Territoires occupés, en Jordanie et en Egypte ont pu conduire certains à penser qu'il y avait alignement de la politique française sur les souhaits des Etats arabes.

Dans une affaire comme celle-ci, il faut se garder des réactions dues à des images télévisées parfois orientées. Mieux vaut se reporter aux textes eux-mêmes ? C'est ce que j'ai fait en lisant les différents discours prononcés par le Président au cours de son voyage, notamment au Technion d'Haïfa. Ce qui a été dit ne constitue aucune novation de la politique française et réaffirme l'amitié de la France à la fois pour Israël et pour les pays arabes.

N'ayant pas l'habitude de fuir devant les responsabilités, j'ai pensé que le mieux était de m'en entretenir avec le chef de l'Etat.

Au nom de Judaïsme & Liberté j'ai posé la question, que l'on trouvera ci-contre, à Jacques Chirac, ainsi que sa réponse.

Je comprends que les avis des uns et des autres diffèrent sur les solutions de fond à l'inextricable problème israélo-arabe. Encore faut-il que certaines erreurs commises dans la préparation du voyage, erreurs dont la responsabilité est probablement partagée par les deux parties, ne mènent pas à une opinion qui ne reflète pas la réalité ni n'enveniment des relations que la France comme Israël ont intéret à rendre excellentes.

C. G. MARCUS, Président de l'Association nationale Judaïsme & Liberté, Député de Paris

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Jacques Chirac répond à Judaïsme & Liberté

JUDAISME & LIBERTE : "Votre voyage au Proche-Orient et les incidents survenus en Israël ont provoqué une grande émotion au sein de la communauté juive. Certains ont estimé que par votre voix la France avait adopté la position arabe sur tous les éléments du conflit israélo-arabe et que cela est incompatible avec l'idée d'une médiation française. Qu'en pensez-vous?"

JACQUES CHIRAC : "Je souhaite rappeler combien la France se sent proche d'Israël, combien elle est l'amie d'Israël. Réaffirmer cette amitié était le premier objectif de ma visite en Israël où j'ai eu des entretiens approfondis et très amicaux avec l'ensemble des dirigeants. Mais la France est aussi l'amie du monde arabe. Ces deux amitiés ne sont pas exclusives l'une de l'autre. Elles sont complémentaires. L'amitié de la France avec tous les états de la région et ses bonnes relations avec les pays arabes constituent un atout pour Israël car elles nous permettent de mettre notre capital d'influence et de sympathie au service de la paix et de la sécurité pour tous. L'objectif de mon voyage était simple : faire progresser les chances de la paix en soulignant le droit à la sécurité de tous les peuples du Proche-Orient et en premier lieu du peuple d'Israël. Notre position équilibrée nous a permis de jouer un rôle majeur lors de la crise israélo-libanaise du printemps dernier. Elle m'a permis au cours de cette tournée, de faire passer, souvent dans la discrétion, des messages très importants aux dirigeants de toute la région.

Je souhaite souligner la qualité des relations personnelles que j'entretiens, autant avec le président Weizman, homme de haute stature morale et d'une grande autorité, qu'avec le premier ministre Netanyahou qui m'a réaffirmé sa volonté de paix et avec lequel j'entretiens une relation confiante et amicale.

S'il est vrai que les médias n'ont pas suffisamment relevé l'importance et le contenu de nos entretiens préférant souvent valoriser certains incidents qui n'ont en aucun cas obéré la réussite de la visite, il faut rappeler que la France a été, dans l'histoire, la première à toujours défendre le droit d'Israël à l'existence et à la sécurité. Elle continuera de le faire. Elle sera toujours aux côtés d'Israël pour lutter contre le fléau de la violence et le terrorisme comme je l'ai redit avec force dans mes différents discours en Israël.

Mais notre position est claire. la sécurité d'israël ne sera vraiment assurée que par la paix avec tous les voisins arabes.

Et cette paix doit être équitable, fondée sur le respect des accords passés, c'est-à-dire le principe du droit à l'autodétermination, le droit à la sécurité pour tous et l'échange des territoires contre la paix. La sécurité ne peut être garantie durablement par la force. Elle ne peut être imposée. Elle ne peut naître que du respect de la justice, du droit et des accords conclus. C'est en cela que la France estime qu'un Etat palestinien reconnu serait pour Israël la meilleure garantie de sa sécurité. il ne s'agit pas d'un quelconque alignement sur les positions arabes, mais d'une conviction dictée par la voie du coeur et de la raison.

La France, depuis mon voyage, a continué de faire avancer la paix. Elle a ainsi été à l'origine de la désignation d'un émissaire spécial de l'Europe au Proche-Orient. La France et l'Europe ont désormais un rôle reconnu dans la région par tous les acteurs du processus de paix et notamment par les Etats-Unis dont j'ai publiquement salué l'action diplomatique tenace et efficace au cours de mes différentes étapes dans cette région".





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