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Préface de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, parue dans la revue "Arborescence: une forêt pour les hommes"

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vendredi 1er mars 1996

Arborescences
Une forêt pour les hommes

1966-1996 : 30 ans de passion

Qui frôlant l'écorce d'un vieil arbre, n'a jamais fait en imagination un voyage dans le temps ? Qui, à cet instant, ne s'est senti comme relié par l'arbre séculaire aux générations passées ? Qui, à ce moment, n'a songé aux hommes et aux femmes qui, avant nous, se sont succédé sous sa ramure ? L'arbre bienveillant aux hommes mais l'arbre hors du temps humain.

Voila bien ce qui fait toute la noblesse du métier de forestier. Voilà aussi en quoi la forêt incarne la grandeur et l'humilité du métier politique. Voilà en quoi nos missions et nos efforts se rejoignent.

Penser la forêt, son implantation, son organisation, sa gestion, sa protection aussi quand l'activité des hommes tend désormais à la menacer, c'est voir loin, très loin. C'est penser la nation française, ses besoins, ses ressources, sa survie, par-delà des décennies ou les siècles. Veiller sur le terrain, avec prudence, ténacité, amour, à l'entretien de nos forêts, à leur saine exploitation, aux grands équilibres dont elles sont issues, c'est travailler pour un avenir lointain, c'est transmettre un héritage aux enfants de nos enfants. C'est travailler aussi dans l'idée que cette politique, que ces efforts, on n'en verra sans doute pas soi-même les fruits.

Nos chênes de la forêt de Tronçais, c'est en pensant aux besoins de notre temps qu'il y a trois siècles, Colbert les faisait planter. Ce n'est pas un hasard si nos grands bâtisseurs d'Etat sont souvent, dans l'Histoire, les artisans d'une grande politique française de la forêt. Une politique volontaire et ambitieuse.

Avec Philippe le Bel, apparaissent les premiers maîtres des Forets. Il y a tout juste 650 ans, Philippe VI de Valois fixait, par son ordonnance de Brunoy, la première réglementation forestière d'ensemble et définissait - par quelle prescience ! - le concept de gestion durable. François ler publiera trois importantes ordonnances traitant "du faict des Eaux et Forêts" et ceci, "pour le commun profit du royaume".

Mais c'est en 1669 que la politique de la forêt prend en France une dimension nouvelle. Par son ordonnance désormais célèbre, Colbert dotait les forêts du domaine royal d'une législation générale, et le royaume tout entier, d'un règlement de police générale s'appliquant à l'économie forestière dans son ensemble. Beaucoup de ses éléments subsistent encore aujourd'hui après que, passés les soubresauts de la Révolution et de l'Empire, le code forestier de 1827 s'en fût largement inspiré.

Napoléon II reboise les Landes. Avec la restauration des terrains en montagne, il initie la première grande politique de prévention des risques naturels. Enfin, il y a trente ans et s'inscrivant dans cet effort séculaire, naissait l'Office national des forêts. Le général de Gaulle entendait ainsi doter notre pays d'un outil moderne, pourvu des moyens nécessaires au développement et à la mise en valeur de nos forêts publiques.

Depuis, que de chemin parcouru. Trente années seulement ont passé qui furent trente années de labeur et d'investissement. Et déjà, l'amélioration et la richesse de nos forêts publiques, qu'elles appartiennent à l'Etat, aux collectivités locales ou à d'autres organismes publics, témoignent de la justesse et de la grandeur de cette vision, en même temps que du dévouement de ceux qui s'y consacrent.

En ce trentième anniversaire de l'Office national des forêts, les forestiers doivent savoir combien le Président de la République, en charge des intérêts à long terme de notre nation, se sent proche d'eux et de tous ceux qui, avant eux, avec passion et générosité, ont protégé, entretenu, reconstitué, enrichi notre patrimoine forestier public, "pour le commun profit" de tous les Français.

Jacques CHIRAC

Président de la République

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