"L'Esprit de conquête" : tribune du Président de la République parue dans le quotidien "Le Monde"

"L'Esprit de conquête" : tribune de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, parue dans le quotidien "Le Monde"

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Le Monde, le jeudi 1er février 1996

Parmi les ambitions qui sont les miennes au moment où je pars pour les Etats-Unis, il en est une qui me tient particulièrement à coeur : aider la France à jouer sa carte de grande puissance économique, commerciale et financière.

La France est un grand pays. L'histoire et la géographie l'ont ainsi faite. Mais c'est à la volonté de ses hommes qu'elle le doit avant tout. Peu de nations ont été, autant que la nôtre, marquées par un idéal d'universalité. S'il existe, depuis des siècles, au carrefour de la latinité et de l'Europe du Nord, un peuple qui ne ressemble pas aux autres, fidèle à sa tradition de progrès social et de liberté, c'est parce que les Français ont cru en eux-mêmes. Cela n'a pas empêché les épreuves, mais cela a permis de les surmonter. Forte de ce passé, la France est armée pour l'avenir.

Elle a réussi la modernisation de son économie en faisant preuve d'une remarquable capacité d'adaptation qui lui permet de rivaliser, aujourd'hui, avec les économies les plus compétitives du monde. Quatrième puissance économique de la planète, elle est aussi le quatrième exportateur de biens, le deuxième exportateur de services et le troisième investisseur international. Sait-on que, par habitant, la France exporte davantage que les Etats-Unis, ou meme le Japon ?

Dans la compétition économique mondiale, nous ne manquons pas d'atouts. Nos entreprises, petites ou grandes, sont parmi les plus dynamiques. Notre recherche, scientifique et technique, est des plus performantes. Notre effort d'investissement représente plus de 20 % de la richesse nationale. Notre filière agricole a su prendre la place de premier exportateur de produits transformés. La qualité de nos infrastructures et de nos services publics les situe au premier rang; elle garantit à notre industrie des conditions remarquables de développement.

La France dispose d'une économie saine. Sa monnaie est solide. L'épargne est abondante et nos marchés financiers sont désormais parmi les plus modernes. La stabilité des prix est une réalité qui assure la compétitivité de nos produits à l'exportation et le pouvoir d'achat des ménages en France.

Le gouvernement, pour sa part, conduit une politique économique et sociale fondée sur la réduction des déficits, la mise en oeuvre des réformes structurelles trop longtemps différées et le renforcement de la cohésion nationale. Cette politique nous permet d'envisager l'avenir avec confiance.

C'est ainsi que s'expliquent nos succès commerciaux et l'attrait exercé par notre pays sur les investisseurs internationaux : la France est devenue le deuxième pays du monde, après les Etats-Unis, pour l'accueil des capitaux étrangers. Elle est aussi, depuis peu, la première destination des investissements américains en Europe. Ces investissements, ce sont aussi des emplois dans notre pays. Ils nous permettent de marquer des points dans la compétition internationale.

Dans une économie mondiale qui se globalise, la France a les moyens de prendre toute sa place parmi les meilleurs. Sa position éminente dans le commerce international la qualifie pour participer de façon influente, au sein de la Communauté européenne, à l'organisation des échanges entre les nations.

La France a d'abord une vocation européenne. Elle a tout intérêt à poursuivre la construction d'une Europe capable de peser sur la scène internationale.

C'est pourquoi j'entends mener à bien le projet d'Union économique et monétaire, indissociable du Marché unique, et donner un nouveau souffle politique à l'Europe à l'occasion de la prochaine Conférence intergouvernementale. La solidité de la relation franco-allemande en est la meilleure garantie.

Européenne par vocation, la France entend plaider pour une économie mondiale ouverte, mais soumise à des règles respectées par tous. La première condition de la prospérité dans le monde, c'est la clarté des règles du jeu et l'existence de parités justes et stables. Il n'y a pas de croissance partagée sans une concurrence saine et organisée entre les nations. C'est la mission de la nouvelle Organisation mondiale du commerce, et il revient aux pays du G7 de progresser vers plus de concertation dans le domaine monétaire.

"J'entends bien être le premier de ceux qui participent au rayonnement économique de la France"

Pour renforcer leur présence sur les marchés extérieurs, nos entreprises doivent pouvoir s'exprimer davantage, investir, créer plus d'emplois. L'Etat doit, plus que jamais, accompagner leurs efforts. Il doit être capable de réduire vigoureusement ses propres déficits, condition de la baisse nécessaire des prélèvements obligatoires et de la poursuite de la décrue des taux d'intérêt. Il doit aider ceux qui prennent le risque d'innover, d'investir, d'exporter ou d'embaucher.

L'Etat est dans son rôle lorsqu'il favorise le développement des entreprises. Je défendrai les intérêts de tous ceux qui ont choisi de se battre, car c'est bien une compétition sur les marchés extérieurs. Ma fonction de président de la République, je la conçois aussi comme cela. Chacun de mes déplacements à l'étranger me permettra d'appuyer les efforts d'exportation et d'implantation au-delà de nos frontières de nos chefs d'entreprise, petites ou grandes. Je le ferai, dès demain, aux Etats-Unis, comme le mois prochain à Bangkok, où je rencontrerai les principaux dirigeants de l'Asie. J'entends bien être le premier de ceux qui participent au rayonnement économique de la France.

En ce début d'année, la croissance donne des signes de fléchissement en Europe. La plupart des observateurs estiment que ce ralentissement sera temporaire. C'est aussi mon analyse : nos réserves de croissance sont importantes. Il existe des besoins d'investissement et de consommation à satisfaire. Les conditions objectives de la reprise existent. Il reste à les traduire dans des comportements : le plan de soutien de l'activité annoncé par le gouvernement devrait y contribuer puissamment.

La politique économique n'a de sens que mise au service de l'homme. Au service de l'homme, cela veut dire aujourd'hui au service de l'emploi. L'emploi passe par la promotion de l'esprit d'entreprise. L'esprit de conquête, qui jadis a construit la France, doit animer à nouveau chacun d'entre nous.





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