Préface du Président de la République parue dans "Vieilles maisons françaises"

Préface de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, parue dans "Vieilles maisons françaises"

Imprimer

Novembre 1995

La Corrèze, vieux pays à la croisée des chemins, des paysages et des sources, des mille sources - celles de la Creuse, de la Vienne, de la Vézère, de la Triouzoune, et tant d'autres -, exhale un parfum de simplicité, d'effort, de persévérance, de sagesse, de quiétude, de vérité. Plus qu'ailleurs peut-être, on y goûte un bonheur chèrement acquis. J'aime à m'y retrouver, à y replonger mes racines, à en respirer l'équilibre, la plénitude.

J'y ai mes souvenirs. Ceux joyeux de l'enfance, dans la campagne et la chaleur des miens. Les êtres, chers à mon coeur, reposent là-bas, entre Brive et Tulle, dans cette terre dure à la vie, prompte à tremper les caractères.

C'est que le travail y taille les âmes à vif ; et la rudesse de l'hiver quand, du haut pays et de plus loin, des monts d'Auvergne, souffle le froid ; et l'austérité pierreuse d'un sol pauvre balayé des vents, dont hommes et femmes s'échinent à tirer le quotidien. Il y faut du courage, de l'opiniâtreté, du coeur.

Voilà justement les hommes et les femmes de Corrèze, forts, durs à la tâche, prudents et spontanés, rugueux et tendres, généreux, d'autant plus solidaires et fidèles que la vie ne leur fait pas de cadeaux. Un cadeau pourtant : l'eau. Partout, l'eau vive, l'eau-providence. Inépuisable sève descendue des plateaux et montagnes et qui creuse le granit en vallées encaissées. L'eau qui, dans le haut pays, permet le chêne et le châtaignier, puis leur passage en Aquitaine. L'eau de la pêche, du braconnage à l'occasion, et des gabares.

L'habitat, la terre âpre et rude l'aura, au long des siècles, façonné comme elle a forgé le coeur et l'âme des hommes qui s'y accrochent : solide, immuable, monté à grès - celui pourpre de Meyssac et de Collonges - ou à granit, coiffé de lauzes, astucieusement blotti dans la verdure, ramassé, dos aux pluies, aux vents et aux glaces, pour résister et tenir.

De son histoire, tempétueuse et violente, aux marches de France et de Guyenne, la Corrèze a hérité son visage guerrier, hérissé d'éperons farouches, de forteresses imprenables. Rochefort, Merle, Linoire, Ventadour, Comborn, Turenne, Ségur y montent leur garde séculaire.

Terre de courage et d'audace, de race noble et fière, le bon sang ne faillit pas à y ériger castels et manoirs. Pebeyre, Lanteuil, Le Rieu, Le Peuch, La Grénerie, Le Saillant, Estresse, Puymège, Sédières témoignent des goûts et raffinements du temps.

Terre de négoce et d'échange, les riches demeures et hôtels d'hier, dans nombre de bourgs et cités, à Argentat, Meymac, Brive, Ussel, rappellent, avec élégance, avec grâce, ses prospères traditions artisanales et marchandes.

Terre enfin d'envoûtements et d'incantations, d'esprits et de prières, celtique et mystique, nourrie de légendes venues du fond des âges, terre d'élection des moines bâtisseurs, la Corrèze aura vu s'édifier, à Tulle, Vigeois, Beaulieu, Uzerche, Obazine, Coyroux, Saint-Angel, Meymac, de magnifiques abbayes, parmi les plus grandes et les plus belles de la chrétienté.

Jacques CHIRAC





.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2005-06-21 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité