Allocution à l'occasion de la cérémonie des vœux aux Corréziens.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la cérémonie des vœux aux Corréziens.

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Tulle, Corrèze, le samedi 6 janvier 2007


Monsieur le député-maire de Tulle,
Monsieur le président du Conseil général,
Monsieur le président du Conseil régional,
Madame, messieurs les parlementaires,
Messieurs les préfets,
Mesdames et messieurs,
Mes chers compatriotes Corréziens,

C'est toujours avec beaucoup de joie que je suis parmi vous, en Corrèze, pour cette cérémonie amicale et chaleureuse qui nous réunit à l'occasion de la nouvelle année.

C'est pour moi l'occasion de vous adresser les vœux très sincères de bonne et heureuse année qu'avec mon épouse, nous formons pour vous, pour les vôtres, pour toutes les Corréziennes et tous les Corréziens et surtout pour notre beau département.

C'est aussi avec beaucoup d'émotion que je retrouve cette terre à laquelle m'attachent des liens indissolubles. Une terre où je ne reviens, c'est vrai, que trop rarement, mais dont je ne suis jamais éloigné grâce à Bernadette, votre élue : grâce à elle, je suis en permanence informé de la vie du département et des préoccupations de chacune et de chacun d'entre vous ; et à travers elle, j'ai auprès de vous une ambassadrice particulièrement efficace et attentive.

La Corrèze, c'est pour moi la terre de l'enracinement. La terre où plongent profondément mes attaches familiales. La terre où j'ai ancré ma vie politique, grâce à la confiance que vous m'avez faite et qui ne s'est jamais démentie. La terre de tant de joies, d'amitiés, d'accomplissements, de découvertes. Pour moi, en Corrèze, le cœur de la France bat très fort.

Ici, sur cette terre âpre et belle, marquée par l'empreinte du travail séculaire de l'homme, comment ne pas ressentir avec une intensité particulière ce qui fait la permanence et la grandeur de la France ?

La France, c'est d'abord un destin. Mosaïque de territoires, la France n'était pas inscrite dans des "frontières naturelles". Cap avancé de l'Europe, à la fois terre océanique, méditerranéenne et continentale, elle a recueilli et assimilé tant d'héritages, de sensibilités, d'identités. Des influences multiples ont nourri les spécificités de nos provinces, avec leurs parlers, leurs traditions, leurs cultures.

Et pourtant, ce pays, de tout temps ouvert sur le monde, porte en lui une force singulière : une puissante aspiration à l'unité. Une unité qui s'est longuement construite au cours des siècles. Cette unité profonde de notre territoire, sachons toujours la préserver, la faire vivre, la faire progresser.

Alors que dans quelques mois les Françaises et les Français vont être amenés à faire des choix décisifs pour leur avenir, je voudrais aborder un enjeu trop souvent méconnu, mais pourtant fondamental. Un enjeu qui mérite d'être au cœur du débat national : le développement de nos territoires.

La France est aujourd'hui confrontée à un monde qui change de manière accélérée, chacun le voit. Pour s'imposer, notre pays doit faire résolument le choix de l'innovation, de la recherche, du développement industriel. Dans ce nouveau monde, nos territoires sont des atouts considérables et dont nous n'avons pas suffisamment conscience. Il faut prendre la mesure du potentiel immense de notre agriculture, de nos terroirs, de nos patrimoines, de notre capacité touristique. Il faut tirer tout le parti de ce phénomène majeur de notre siècle qu'évoquait tout récemment encore Monsieur le Préfet de Région, avec moi, en me parlant des dernières statistiques en matière de recensement : la fin de l'exode vers les villes, le développement d'une nouvelle économie à la fois traditionnelle et résolument moderne dans nos territoires. C'est un enjeu politique par excellence. Et c'est de cette question que je voudrais vous parler aujourd'hui.

Avec le siècle qui s'ouvre, nous vivons une évolution majeure. L'aspiration de tant de nos concitoyens à une meilleure qualité de vie est en train d'inverser le phénomène d'exode rural, qui a façonné le visage de la France au XIXe et au XXe siècles. Les campagnes commencent à se repeupler. Ce n'est qu'un début : 4 citadins sur 10 estiment qu'ils aimeraient pouvoir vivre à la campagne. C'est un phénomène nouveau ! La beauté de nos paysages et de nos villages, l'authenticité de nos terroirs, leur tradition d'hospitalité attirent un nombre sans cesse croissant de nos concitoyens. Et cela d'autant plus que les nouvelles technologies changent la donne. Elles permettent l'émergence de nouveaux modes de travail, de nouveaux métiers, de nouveaux secteurs de services parfaitement adaptés à ces évolutions. Elles offrent aux jeunes ruraux de nouvelles perspectives d'avenir.

Les pouvoirs publics doivent encourager ce mouvement. C'est tout le sens, d'ailleurs, de la loi sur le développement des territoires ruraux. Et c'est dans ce cadre qu'il faut appréhender la question des services publics. Il faut, bien sûr, faire respecter le principe fondamental de l'égalité devant les services publics, et cela où que l'on vive. Et je le dis solennellement : la France s'opposera à toute initiative qui conduirait à mettre en cause la qualité du service public postal. Il faut aussi aborder la question des services publics avec une vision, avec une ambition. Pour favoriser le développement de cette nouvelle ruralité, il faut des services publics innovants et performants, et la Nation doit faire un véritable investissement pour l'avenir.

Il faut également agir pour assurer l'accès aux soins partout. Nous avons là un vrai problème qui doit être résolu. Nous avons augmenté de moitié le nombre de médecins formés chaque année. Nous avons amélioré la situation de ces médecins et permis aux collectivités locales d'accorder des aides à l'installation. Et je les encourage fortement à utiliser pleinement ces possibilités.

Le maintien et le développement des services publics sur tout le territoire doit aller de pair avec celui des nouvelles technologies. C'est indispensable pour mettre toutes les entreprises de France, où qu'elles soient, à égalité, et pour favoriser l'essor d'une nouvelle économie rurale. C'est également essentiel pour la qualité de vie dans le monde rural. Je pense à la téléphonie mobile et au haut débit, qui couvrira l'ensemble des communes de France à la fin de cette année. Je pense aussi à la télévision numérique, qui sera reçue, dans les cinq ans, sur tout le territoire national.

Forts de ce mouvement, de cette ambition, nous pourrons, dans les années qui viennent, tirer le meilleur parti des atouts considérables de nos territoires, et d'abord de ceux de notre agriculture.

Comme vous, j'en suis sûr, je suis révolté quand j'entends, certains qui se prétendent de bons esprits, expliquer que l'agriculture serait un secteur dépassé, condamné au déclin ! Quelle erreur ! Quel aveuglement ! Voyons les défis majeurs que l'humanité doit relever dans les prochaines années. Aujourd'hui, 800 millions de personnes dans le monde souffrent de malnutrition grave. En 2050, c'est-à-dire demain, il y aura trois milliards d'êtres humains de plus sur la planète. Le changement climatique, la raréfaction du pétrole et du gaz, imposent de trouver de nouveaux équilibres. Au cœur de ces défis planétaires, on retrouve, à chaque pas, à chaque réflexion, l'agriculture. La France est le 2ème exportateur mondial de produits agricoles. Elle est le 1er exportateur mondial pour les produits agricoles transformés. Nous devons conforter et valoriser cet atout considérable. La France a besoin d'une agriculture forte et écologiquement responsable. Nous devons aussi mettre à profit toutes les potentialités de la nouvelle agriculture. Le développement de la chimie végétale, qui offre des perspectives extrêmement prometteuses. Les biocarburants, dont le Gouvernement a encouragé l'essor depuis quatre ans, et qui sont déjà une réalité : l'objectif que j'ai fixé, c'est l'incorporation de 10% de carburants végétaux dans les carburants en 2015. Il y a là un potentiel de croissance immense pour notre agriculture et pour nos territoires.

La deuxième ambition est celle de l'excellence, de l'innovation, du développement industriel.

Les grands centres urbains n'ont pas le monopole de l'excellence. L'excellence doit être encouragée partout. Elle a son droit et son rôle partout.

C'est tout le sens des pôles de compétitivité, qui permettent de fédérer les capacités de nos entreprises, de nos universités, de nos centres de recherche, autour de grands projets qui irrigueront tous nos territoires. Il y en a déjà 66 en France, 6 dans lesquels le Limousin est moteur ou partie prenante.

Il faut aussi préserver notre potentiel industriel et favoriser l'installation de nouvelles usines. C'est pour agir avec volontarisme, pour notre industrie, que le Gouvernement a mené à bien la réforme de la taxe professionnelle. Qu'il a multiplié les contrats de sites, pour réindustrialiser ceux qui sont touchés par des crises. Face aux fermetures d'usines, face aux risques de délocalisations, il faut aller plus loin. Il faut regrouper l'ensemble des moyens de l'Etat dans une Agence nationale de l'industrialisation des territoires, dotée des moyens financiers nécessaires, et agissant de concert naturellement avec les collectivités régionales et locales.

J'ai voulu enfin mettre en place des pôles d'excellence rurale. Vous me permettrez d'évoquer, naturellement, celui des "veaux de Corrèze" qui me tenait à coeur. Mais Il y a déjà près de 400 pôles d'excellence rurale, et cela dans toutes les régions. Avec ces pôles, nous mettons enfin pleinement en valeur l'extraordinaire potentiel économique et commercial de nos terroirs et de notre artisanat.

Avec la mondialisation, avec l'émergence de nouvelles puissances économiques -la Chine, l'Inde aujourd'hui, le Brésil demain- le développement du tourisme n'en est probablement qu'à ses tous débuts. Déjà, nos territoires attirent 76 millions de touristes étrangers chaque année et font de la France la première destination touristique du monde. Il y a, là aussi, un potentiel de croissance et d'emplois qu'il faut exploiter sans attendre pour que nos territoires puissent en profiter. C'est pour cela que le Gouvernement a inscrit la politique du tourisme au cœur des pôles d'excellence rurale comme les contrats de projets entre l'Etat et les régions. Dans les prochaines années, l'enjeu sera de développer pleinement les nouvelles formes de tourisme : le tourisme vert en particulier, qui attire toujours plus d'amoureux de la nature, de la découverte ou du sport.

Pour conforter la vocation touristique de la France, nous devons également poursuivre la mise en valeur de notre patrimoine culturel. C'est un puissant facteur d'attractivité en même temps qu'un héritage essentiel de notre histoire. C'est pour cela que j'ai voulu que des moyens nouveaux soient alloués à la restauration du patrimoine. Nous devons poursuivre l'effort de mise en valeur de nos sites et de nos monuments, qui représentent déjà 175.000 emplois et qui peuvent créer bien davantage encore d'emplois nouveaux. Et nous devons veiller constamment à concilier le développement économique avec la préservation de la qualité de nos paysages et de nos sites naturels.

Mes chers amis,

La France est un grand pays. Elle est riche de son histoire, de ses femmes et de ses hommes, de son patrimoine et de son esprit d'innovation. Nous pouvons en être profondément fiers. Composantes essentielles de notre identité, nos territoires sont aussi un atout majeur de notre dynamisme économique. Les campagnes où plongent nos racines, où s'inscrit, depuis des siècles, notre histoire, sont aussi les champs de l'avenir, de l'avenir moderne. Grâce à la vitalité de ses territoires, la France a tous les atouts pour relever les défis du siècle qui s'ouvre. Et j'ai été heureux de vous livrer, à ce sujet, ces quelques réflexions.

Je vous remercie.





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