Allocution prononcée à l'occasion de l'inauguration de la place de France à Erevan.

Allocution prononcée par M. Jacques CHIRAC, Président de la République française, à l'occasion de l'inauguration de la place de France

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Erevan - Arménie , samedi 30 septembre 2006


Monsieur le Président de la République, Cher Ami,
Monsieur le Maire, aux propos duquel, j'ai été tout à l'heure très sensible,
Mes chers amis, toutes et tous rassemblés ici, ce que je ressens avec émotion, comme un signe d'amitié profonde et ancienne à l'égard de mon pays.

C'est avec beaucoup d'émotion que je découvre la terre d'Arménie.

Émotion, pour cette première visite d'un chef d'État français en ces lieux témoins de la genèse du monde ; ces lieux dont le géant tutélaire, le mont Ararat, accueillit, dit-on, l'Arche de Noé à la fin du Déluge.

Émotion, lorsque je songe à l'ancienneté des liens qui nous unissent depuis le temps lointain où Baudoin de Boulogne, roi de Jérusalem, épousa Arda, princesse arménienne ; depuis la mort à Calais, au XIVe siècle, de Léon VI de Lusignan, dernier roi d'Arménie dont le cénotaphe est couché en la Basilique Saint-Denis aux côtés de ceux des rois de France.

Émotion devant l'histoire héroïque et tourmentée de ce peuple d'Arménie, issu de la plus haute antiquité. Peuple chrétien depuis les premiers âges, fidèle à son identité et à sa foi jusqu'au martyre. Peuple dont le destin reste à jamais marqué par le génocide dont il fut victime, dans les convulsions de la première guerre mondiale et de la fin des empires.


Émotion, quand je pense à tous les survivants de cette tragédie qui durent prendre les chemins d'un douloureux exil. Quand je pense à toutes celles et à tous ceux qui se tournèrent alors avec confiance vers la France, comme on se tourne vers une sœur, certains d'y trouver asile et réconfort.

Émotion, enfin, en évoquant la mémoire de toutes celles et de tous ceux qui résistèrent à la barbarie nazie, à l'image de Missak MANOUCHIAN et de ses compagnons. La France n'oubliera jamais leur combat pour notre liberté.

Aujourd'hui, près de 500 000 Français plongent leurs racines dans cette terre d'Arménie. Ils ont apporté à la France leur courage, leur talent, leur générosité. Ils sont aussi restés profondément attachés à l'Arménie.

Pour honorer ce lien, vous avez voulu, Monsieur le Président, que cette place, au cœur de votre capitale, porte le nom de France. Au nom de toutes les Françaises et de tous les Français, je vous en remercie chaleureusement. Alors que s'ouvriront ce soir la Saison française en Arménie et l'Année de l'Arménie en France, ce geste, sachez-le, nous touche au plus profond de notre coeur.

Place de France, elle sera le symbole de notre amitié, comme le seront jusqu'au 14 juillet prochain, les quatre cents manifestations arméniennes qui se déploieront à travers tout le territoire français.

Les trésors de votre patrimoine -antiquités de Ourartou, chefs-d'oeuvre de l'Arménie chrétienne, manuscrits du Maténadaran, créations de GORKI ou de Paradjanov- seront accueillis par les lieux de culture les plus prestigieux de France. Ils rappelleront aux Français et aux Françaises la force de la culture arménienne, sa contribution éminente à notre civilisation et son rayonnement mondial.


Monsieur le Président,
Mes chers amis,

En répondant à votre invitation à venir en visite d'État, j'ai voulu d'abord mettre en lumière les liens sans pareil tissés entre nos deux nations, entre nos deux peuples. J'ai voulu marquer ma confiance dans l'avenir de l'Arménie.

Confiance dans la capacité de l'Arménie, jeune république indépendante d'une antique nation, à bâtir une démocratie toujours plus vivante, un État de droit garant des libertés publiques, célébrant un engagement partagé au service des droits de l'Homme.

Confiance dans la jeunesse arménienne qui, portée par l'aspiration universelle à la paix et à la liberté, veut pouvoir donner libre cours chez elle à son enthousiasme, à sa soif de justice et à sa force d'entreprendre.

Confiance dans la capacité de votre pays à réussir le pari du développement économique, dans sa volonté de devenir un lieu d'investissement privilégié grâce à l'exceptionnel atout que lui donne, dans le monde moderne, le talent de sa jeunesse et la force de sa culture.

Confiance dans la capacité de l'Arménie à relever le défi de la paix. Un défi difficile. Le plus difficile, sans doute, que votre pays aujourd'hui doive affronter. Un défi que l'Arménie peut et doit gagner, car seule une paix juste et durable permettra au génie de votre peuple de transformer ses espoirs en réalité.


Je crois à la paix. Les temps sont révolus où l'on pouvait penser que la force résout les conflits. Le temps n'est plus où l'on pouvait cultiver des haines ancestrales au mépris de l'aspiration légitime à la paix et à la sécurité.

Seul le dialogue dans la dignité et le respect mutuel permet d'envisager l'avenir avec hauteur. Et seuls sont grands aujourd'hui les conquérants de la paix, ceux qui savent surmonter les héritages guerriers pour ouvrir la voie de la réconciliation. C'est le témoignage que je veux porter aujourd'hui devant vous, en cette Place de France que je voudrais aussi place de paix.

Mes Cher Amis,

Depuis plus de dix ans, la France n'a pas ménagé ses efforts au sein du Groupe de Minsk pour trouver une solution au conflit douloureux du Haut Karabagh.

Je veux croire aujourd'hui que le temps de la paix est venu. Je veux le croire parce que je connais le prix de la guerre. Y parvenir demande un dernier pas. Un pas difficile. Un pas qui est un acte de foi dans l'avenir des hommes. Il conduit à avoir l'audace du mouvement contre l'apparente sécurité du statu quo. Ce dernier pas peut et doit être fait, à Erevan comme à Bakou, car il permettra d'ouvrir un horizon de lumière, de paix et de prospérité pour tous. Ce sont là les voeux que je forme pour tous les peuples du Caucase du sud.


Monsieur le Président,
Madame,
Mes chers amis,

Dans quelques heures nous nous réunirons Place de la République pour le concert de Charles Aznavour, ce grand Français, ce grand Arménien, cet immense artiste.

Pouvait-on rêver plus belle manifestation pour lancer l'Année de l'Arménie, pour symboliser notre amitié, son passé, son présent et son avenir ?

Vive l'Arménie !
Vive la France !
Vive l'amitié franco-arménienne !





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