Allocution du Président de la République à l'occasion du premier anniversaire de la promulgation de la charte de l'environnement

Allocution de Monsieur Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du premier anniversaire de la promulgation de la charte de l'environnement

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Palais de l'Élysée - Paris le mercredi 1er mars 2006

Monsieur le Premier ministre,
Cher Jean-Pierre Raffarin,
Messieurs les Présidents des Assemblées,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Professeur, cher Yves Coppens, Cher Maître et ami,
Mesdames et Messieurs,

Grâce à vous toutes et à vous tous, il y a un an, la charte de l'environnement devenait une réalité. Vous avez cru à cette idée. Sans ménager votre énergie, vos talents et votre force de conviction, vous vous êtes mobilisés pour qu'elle se traduise dans le droit et dans les faits. En cette date anniversaire, j'ai voulu vous remercier chaleureusement et faire un point avec vous de ce grand combat que nous partageons : agir pour un développement durable.


Face à la multiplication des atteintes portées à notre environnement, l'urgence exigeait une réponse qui soit à la hauteur de l'enjeu : un enjeu politique majeur, certainement l'un des enjeux-clés de notre siècle.

C'est pourquoi, dès 2001, j'ai proposé d'inscrire une Charte de l'environnement dans notre Constitution. Au cœur même du pacte républicain. Pour la première fois, une nation a inscrit dans sa loi fondamentale les principes fondateurs d'une écologie humaniste.

La Charte, c'est une vision globale de l'environnement, fondée sur le respect de la biodiversité, sur le progrès des sociétés humaines, et sur l'épanouissement de chaque personne. Elle établit une véritable éthique du développement durable, pour les individus, pour les entreprises et pour les pouvoirs publics. Elle témoigne de notre volonté d'assumer toutes nos responsabilités vis-à-vis des générations futures.

Parce qu'elle engage notre avenir, la charte doit être connue de tous et d'abord des plus jeunes. Elle sera étudiée à l'école, dans le cadre du programme d'éducation à l'environnement, généralisé depuis la rentrée 2004.


La Charte de l'environnement, ce sont des règles nouvelles, qui s'inscrivent dans notre droit, à l'image du principe de précaution, pour lequel nous sommes parvenus à une formulation juste et équilibrée. D'ores et déjà, la jurisprudence fait application de la Charte, sous le contrôle du Conseil d'État et de la Cour de cassation, dont je salue ici les éminents représentants. Le Conseil constitutionnel, je dis la même chose à l'égard de son président, examine les lois votées par le Parlement au regard des principes de la Charte. Et ces principes guident le travail du Gouvernement dans l'élaboration des projets de lois. Je pense notamment à la future loi sur les OGM ou à celle qui transpose la directive sur la responsabilité environnementale.

Au-delà des seuls aspects juridiques, la Charte fixe le cadre et les objectifs de notre politique en matière d'environnement. Une politique qui vise d'abord à répondre aux risques environnementaux.

Beaucoup a été fait depuis 2002. La loi sur les risques industriels et naturels entre en application. Les systèmes d'alerte de crues ont été grandement améliorés. Des plans de prévention des risques technologiques se mettent en place. A compter du 1er juin 2006, il y aura une obligation d'information sur les risques lors de toute transaction immobilière.

En janvier 2003, j'avais demandé que soit élaboré un Plan "Santé-Environnement". Il a été intégré dans la loi relative à la politique de santé publique. Il s'agit de se prémunir contre les pollutions de nature très diverse, depuis le saturnisme des enfants à la dioxine ou la légionellose, en passant par les pesticides, le radon, ou le mercure en Guyane. La dimension professionnelle de ces risques a été prise en compte, avec le Plan "Santé au Travail" de 2005 et la création de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail. Nous lancerons de nouvelles actions au vu du point d'étape que j'ai demandé au Gouvernement de présenter au mois de juin.

Notre politique vise aussi à répondre aux défis environnementaux globaux, c'est-à-dire à l'échelle de la planète.

Le premier d'entre eux, c'est évidemment le changement climatique. A l'instar de la fonte des glaces du Groenland, récemment mise en évidence, les effets commencent dangereusement à se faire sentir. Nous devons accentuer nos efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. D'ores et déjà, la France stabilise ses émissions et respecte le protocole de Kyoto ; les énergies renouvelables et les biocarburants sont en pleine expansion dans notre pays. Mais cela ne suffira pas, car l'objectif, c'est de diviser par quatre nos émissions en 50 ans, par quatre. C'est pour y répondre que j'ai présenté en début d'année un plan d'action pour nous préparer au monde de l'après pétrole.

L'autre défi global, c'est le déclin accéléré de la biodiversité, dont la préservation est inscrite dans la Charte. La France, grâce notamment à l'Outre-Mer, fait partie des pays où la diversité du vivant est la plus riche : cela nous donne une responsabilité particulière. Notre Stratégie de protection de la biodiversité se décline en une série de plans d'actions : ils seront tous publiés d'ici la fin de cet été. D'ici fin avril, le Gouvernement aura également communiqué à la Commission européenne la totalité des sites Natura 2000. Dès le vote de la loi sur les parcs naturels, le processus de création du parc amazonien de Guyane et du parc de la Réunion sera engagé.

Plus largement, la Charte de l'Environnement exige que toutes les politiques publiques intégrant l'exigence du développement durable et qu'il en soit pris compte au moment de l'élaboration des textes. L'État s'est ainsi doté, en 2003, d'une stratégie nationale, qui sera actualisée cette année. Grâce à elle, le Code des Marchés publics prend désormais en compte le développement durable. Un office central, spécialisé dans la lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique, a été créé en 2004. Avec la Commission nationale du débat public, la création d'une Haute autorité de la sûreté nucléaire et celle du Conseil national des biotechnologies, nous faisons progresser la transparence et aussi la participation des citoyens.

Pour intégrer davantage encore les préoccupations d'environnement dans nos comportements, une évolution profonde de notre fiscalité est absolument nécessaire. Nous avons déjà modifié les règles de la fiscalité de l'automobile, ainsi que celles concernant les terrains Natura 2000. Un crédit d'impôt aide les particuliers qui rénovent leur logement et investissent dans les énergies renouvelables. La TVA sur les réseaux de chaleur va être abaissée. Mais, en matière de fiscalité, il faut aller encore plus loin, pour supprimer les effets pervers éventuels et renforcer les incitations. J'ai voulu qu'un groupe d'experts, présidé par Jean-Pierre LANDAU, y travaille. Il vient d'être installé. Il va apporter toute sa compétence, que je sais grande. Il va formuler rapidement ses propositions, qui devront trouver une traduction dans le budget de 2007.

Comme l'affirme l'article 9 de la Charte, le développement durable doit être aussi une priorité stratégique pour la recherche. Notre pays sera pionnier dans l'énergie durable, le véhicule propre, l'écologie industrielle. Nous renforcerons l'étude de la biodiversité et des questions de santé-environnement.


J'ai voulu enfin que la France soit exemplaire dans la transposition des directives européennes. En 2002, nous étions parmi les lanternes rouges, avec 28 directives non transposées. Fin mai, la France aura résorbé tout son retard.

Au-delà des enjeux nationaux, nous allons déployer une véritable diplomatie environnementale, ainsi que nous y invite d'ailleurs le dernier article de la Charte. La France oeuvrera sans relâche pour promouvoir son initiative en vue de la création d'une organisation des Nations Unies pour l'environnement et aussi d'un groupe international d'experts sur la biodiversité.

Je voudrais aussi évoquer un enjeu d'actualité, qui est d'une importance majeure : celui du nombre croissant de navires en fin de vie. Les couler ou les laisser rouiller dans des cimetières marins ne saurait être une solution. Recycler le métal de ces navires, c'est la voie de l'avenir et de la sagesse. Il faut construire des filières de démantèlement et une coopération à l'échelle mondiale. Et il est essentiel pour cela d'avoir des règles internationales et qu'elles soient clarifiées. Tout le monde, évidemment, pense à l'ex-Clemenceau : pour la première fois, des efforts de dépollution importants avaient été faits. Mais le statut juridique de ce bateau prêtait à controverses. J'ai voulu que les choses soient reprises à la base et dans le cadre d'une vision globale. Une mission interministérielle va être lancée. Elle sera co-présidée par le secrétaire général de la Mer, et par M. Jean-Noël D'ACREMONT, l'ancien président des Chantiers de l'Atlantique. Elle contribuera par ses propositions au groupe de travail international mis en place sur le statut des navires. Nous nous y impliquerons fortement, comme nous l'avons fait lorsque, après l'Erika et le Prestige, nous avons obtenu un renforcement important des règles de sécurité maritime et une multiplication par dix des fonds du FIPOL.

Mesdames et Messieurs,

Depuis le Sommet de Johannesburg en 2002, la conscience de la gravité et de l'urgence de la situation a beaucoup progressé. Fruit de la mobilisation de chacun d'entre vous, la Charte de l'environnement marque une étape sans aucun doute décisive.

On est loin cependant de la mobilisation générale qui est nécessaire face aux risques, aux défis, aux enjeux d'aujourd'hui. Chacun doit se sentir responsable et comprendre qu'il faut agir. Et agir sans attendre.

Il faut renvoyer dos à dos ceux qui ne veulent rien faire pour privilégier leurs intérêts à court terme et leur confort d'aujourd'hui et ceux qui, d'une manière utopique, ne voient les choses que dans un bouleversement radical de la situation actuelle. En conciliant un haut niveau de conscience éthique et un mécanisme d'application progressif, la Charte de l'environnement nous montre le chemin à suivre. Celui d'une société de modération. C'est-à-dire une société qui aurait pleinement conscience que nous pouvons parfaitement vivre mieux, et nous développer, en protégeant notre environnement, en évitant le gaspillage et la surexploitation des ressources de notre planète. C'est cette société qu'il nous faut aujourd'hui construire. Je sais que vous êtes aux avant-postes de cette ambition, pour la France, mais aussi pour la planète tout entière.

Je vous en remercie chaleureusement.





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