Allocution du Président de la République en l'honneur des écrivains francophones invités au salon du livre a l'occasion du festival francophone en France.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, en l'honneur des écrivains francophones invités au salon du livre a l'occasion du festival francophone en France.

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Palais de l'Élysée, le mercredi 15 mars 2006.

Monsieur le Secrétaire général de l'Organisation Internationale de la Francophonie, Cher Président Abdou DIOUF,
Monsieur le Président de l'Assemblée nationale,
Madame et Monsieur les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

Demain, mon ami Abdou DIOUF aura le plaisir d'inaugurer le vingt-sixième Salon du Livre. Un Salon du Livre exceptionnel puisqu'il accueillera les littératures francophones et constituera, au moment même où va s'ouvrir la Semaine de la langue française, la première et très symbolique manifestation du Festival francophone en France.

A la veille de cet événement, j'ai tenu à vous saluer, toutes et tous, très chaleureusement -auteurs, éditeurs, libraires- qui vous mobilisez pour que ce grand rendez-vous du monde des lettres soit, encore une fois, un grand succès.

Je salue tout particulièrement les écrivains invités à paris et venus de tous les horizons de la francophonie, et dont beaucoup nous font l'amitié d'être ici ce soir, ce dont je les remercie de tout coeur. Leurs œuvres font vivre et vivifient cette langue qu'ils ont choisie ou héritée, comme véhicule unique ou partagé de leurs créations, c'est-à-dire le français.

Écrivains de langue française mais américains, asiatiques, européens, africains, hôtes d'une maison commune que chacun est libre de quitter, où chacun est libre de passer, votre présence confère à ce Salon du Livre une dimension singulière. Elle témoigne avec force d'une mobilisation sans précédent, autour d'enjeux qui nous concernent tous.


Dans les soubresauts de la mondialisation, c'est tout un ordre ancien qui est bouleversé. Alors que l'accroissement des échanges semble porter en lui la menace de l'uniformité, nos sociétés se découvrent plus diverses et, parfois, elles s'en inquiètent.

Face à ces mutations, la francophonie est un irremplaçable laboratoire des formes nouvelles de la modernité. Car, depuis toujours, elle est pionnière de la diversité.

Dans le sillage des indépendances, elle s'est constituée autour de la langue française, cet "outil merveilleux" qu'évoquait Léopold Sédar SENGHOR, et que nous habitons autant qu'elle nous habite.

Le français est fort de ses 180 millions de locuteurs à travers le monde. Ils contribuent chaque jour à le faire évoluer, à l'enrichir de la variété de leurs regards et de leurs expressions. Car parler français, ce n'est pas, naturellement refuser de parler créole, arabe, ou soninké, c'est parler tout cela et bien plus encore. C'est multiplier et non pas retrancher.

Sous l'égide de ses pères fondateurs, Habib BOURGUIBA, Léopold Sédar SENGHOR, Hamani DIORI et d'autres encore, la Francophonie a, dès son origine, intégré le sens de la lutte pour la diversité et l'égale dignité des cultures et des langues. Aujourd'hui encore, elle en est aux avant-postes.

Rassemblée autour d'un idéal démocratique et pluraliste, à l'initiative de la France et du Canada, elle a ainsi combattu pour que soit adoptée, à l'UNESCO, la convention pour la diversité culturelle. Le projet de ratification, devant le parlement français, de ce texte important sera examiné en conseil des ministres, à Paris, avant la fin du mois de mars.

La diversité est bien une richesse. Aux côtés de l'Organisation internationale de la francophonie, qui vient de se réformer pour trouver un nouvel élan, la France est déterminée à faire de cette richesse une force.


Pour cela, le livre constitue un vecteur irremplaçable, en même temps qu'un enjeu majeur. Première industrie culturelle, devant la vidéo, le cinéma ou le disque, l'édition française témoigne d'une remarquable vitalité. Avec près de 600 000 titres disponibles et plus de 50 000 parutions chaque année, avec quelque 600 éditeurs actifs et un solide réseau de librairies indépendantes et de grandes surfaces culturelles, le livre français se porte bien. Et nos éditeurs réalisent un quart de leur chiffre d'affaires à l'exportation, dont plus des deux tiers en direction des pays francophones.

Pourtant, nous devons demeurer particulièrement vigilants.

Vigilants car l'abondance de la production, en soi positive, a aussi des effets pervers : les œuvres restent moins longtemps en librairie, et le marché tend naturellement à favoriser ce qu'il connaît bien au détriment de ce qu'il connaît moins bien.

Vigilants car l'accroissement des échanges est source de fragilités nouvelles : l'accès au livre reste un combat au Sud, qu'il s'agisse du livre de fiction ou du livre éducatif ; et, partout, la librairie indépendante, qui diffuse la majorité des ouvrages de littérature ou de sciences humaines, a grandement besoin d'être encouragée et soutenue.

Les écrivains, les éditeurs, les libraires qui prennent des risques doivent être mieux épaulés. Le Centre national du livre joue à cet égard un rôle indispensable et mérite d'être conforté dans ses modes d'interventions, mais aussi dans ses ressources.

Nous devons également renforcer notre action pour soutenir la diffusion du livre dans les pays du Sud. En liaison avec tous les partenaires concernés, qu'il s'agisse des professionnels du secteur, de l'Organisation internationale de la francophonie, de la Banque mondiale ou de la Commission européenne, l'Agence française du développement doit mieux intégrer le livre dans ses programmes en faveur de l'éducation. Elle doit mettre rapidement en place les outils nécessaires à cette ambition.

D'une manière plus générale, nos crédits d'intervention en matière de coopération culturelle, linguistique, universitaire ou scientifique, et notamment les crédits en faveur du français et de la diffusion du livre et de l'écrit, ne doivent plus être affectés par des régulations budgétaires. Il s'agit d'une priorité. J'ai demandé au Gouvernement d'y veiller tout particulièrement.

Mes chers amis,

La francophonie est, en vérité, une polyphonie. Une polyphonie à la fois étrange et familière, dont vous êtes les voix venues de Grèce, du Maroc, du Bénin, du Liban, du Canada, des Etats-Unis ou d'ailleurs. Que vous ayez choisi le français, ou qu'il vous ait choisi, la relation intime que vous entretenez avec lui est, en réalité, de l'ordre de l'échange. En lui vous créez, par vous il s'enrichit.

C'est à cette morale de l'échange et du dialogue, si nécessaire à notre temps, que nous invite la francophonie.

Je vous remercie.





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