Allocution du Président de la République, à l'occasion de la présentation des vœux aux fonctionnaires et agents de l'Etat à Metz.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la présentation des vœux aux fonctionnaires et agents de l'Etat.

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Préfecture de la région Lorraine à Metz le vendredi 6 janvier 2006.

Monsieur le Premier ministre,
Messieurs les ministres,
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Président du conseil Général,
Monsieur le Maire de Metz,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Mesdames et Messieurs,

Monsieur le Président du Conseil d'Etat, Monsieur le Préfet, j'ai été très sensible aux vœux que vous venez traditionnellement de me présenter et particulièrement sensible, parce que je suis particulièrement heureux d'être présent aujourd'hui dans une des plus belles régions de France que je salue chaleureusement. Je vous souhaite à mon tour, Monsieur le Président, Monsieur le Préfet, une heureuse année 2006, à vous-même, à vos proches et à tous vos collaborateurs dont je sais le rôle qu'ils ont en permanence auprès de vous. Et Monsieur le Président, à quelques mois du terme de vos éminentes fonctions à la tête du Conseil d'État, je voudrais, cher Renaud Denoix de Saint Marc, vous rendre un particulier hommage. Ceci, pour l'exceptionnelle qualité du travail que vous avez accompli au service de l'Etat. Je ne fais pas seulement allusion à l'enrichissement que donne régulièrement votre propre coopération à la réflexion sur l'Etat, mais au soin que vous avez toujours eu d'assumer les fonctions éminentes qui sont les vôtres, avec fermeté et avec sagesse. Permettez-moi donc de vous en remercier.

J'ai donc souhaité cette année présenter mes vœux à l'ensemble des fonctionnaires et des agents de l'Etat, et le faire à Metz, pour saluer celles et ceux qui, sur le terrain, incarnent la République dans une région où cette notion a toujours eu une valeur particulière.

A travers vous, je veux dire à tous les agents de l'État qu'ils sont l'honneur de notre République. Votre mission, Mesdames et Messieurs, est l'une des plus nobles qui puissent être exercées dans une société : être au service de ses concitoyens en ayant en permanence le souci de l'intérêt général.

La notion de bien commun est parfois remise en cause par les corporatismes, la tentation du repli sur soi ou les communautarismes. Votre rôle à toutes et à tous, enseignants, magistrats, policiers et gendarmes, agents des préfectures et des services déconcentrés, travailleurs sociaux, fonctionnaires hospitaliers ou territoriaux, et tant d'autres, votre rôle c'est de servir nos compatriotes. C'est de faire une juste application de la loi, dans sa lettre et dans son esprit. Vous avez la charge de faire vivre au quotidien l'une des valeurs fondatrices de notre République : l'égalité de tous devant le service public.

C'est dans des moments comme ceux que nous avons vécus récemment que chacun peut mesurer tout ce qu'apportent les fonctionnaires à la République. Ils ont été exemplaires. Dans des conditions souvent très difficiles, ils ont fait leur devoir pour protéger les personnes et leur porter secours, rendre la justice, assurer, avec le concours capital, on ne saura jamais le souligner assez des maires, la continuité des services publics et le retour au calme.

Notre État, notre fonction publique, ce sont des atouts essentiels pour notre pays. Ce serait folie que de vouloir les affaiblir. Mais ce serait irresponsable de vouloir que rien ne change. Sortons des débats stériles entre ceux qui exigent toujours plus de fonctionnaires, sans jamais s'interroger sur l'efficacité de la dépense, et ceux qui veulent toujours moins d'État, au risque de porter atteinte à notre cohésion nationale. Ce qu'il faut, c'est moderniser l'État en permanence, pour mieux servir les Françaises et les Français : la réforme de l'État n'a pas d'autre finalité.

Je voudrais aujourd'hui vous parler de quatre objectifs qui me paraissent essentiels pour l'État. Avec la décentralisation, l'État territorial doit évoluer et s'affirmer dans son rôle de garant de l'intérêt général. La fonction publique doit s'ouvrir plus largement encore à la Nation et ceci dans toute sa diversité. Elle doit être à la pointe du progrès technique. Enfin, face à la dette, l'État ne doit pas subir. Il doit reconquérir des marges de manœuvre et investir pour l'avenir.
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En 2002, nous avons ouvert le grand chantier de la réforme de l'administration territoriale. Vous vous êtes engagés dans une transformation sans précédent de vos missions et de vos métiers, pour accompagner la nouvelle étape de la décentralisation. Je mesure et je salue vos efforts. Je suis aussi conscient des difficultés et des interrogations qui peuvent être les vôtres.

Dans une démocratie moderne, il était essentiel que des compétences plus nombreuses soient exercées par des élus locaux directement responsables devant les populations concernées.

Mais dans ce cadre, le rôle de l'État est irremplaçable. Des tâches fondamentales lui appartiennent : la défense et la sécurité, l'éducation, la justice. D'autres sont désormais partagées. L'État est et demeure responsable de la légalité des décisions locales et de l'intérêt général. Je compte sur chacune et chacun d'entre vous pour en être les garants.

Garantir l'intérêt général, c'est assurer la cohésion sociale et la sécurité sanitaire. C'est gagner la bataille de l'emploi. C'est la mission des administrations sociales déconcentrées de l'État, à qui je veux dire toute mon estime et toute ma confiance. La place des collectivités, et notamment celle des départements, principaux gestionnaires de proximité, s'est affirmée dans le domaine social. Mais l'État doit rester le garant de l'essentiel. Parce qu'il faut répondre à des situations d'urgence. Parce que ces domaines exigent les impulsions et les ambitions nécessaires et la coordination la plus rigoureuse. Parce que ce qui est en jeu, c'est le principe même d'égalité sur tout le territoire.

Garantir l'intérêt général, c'est aussi réduire les fractures territoriales, en rassemblant tous les acteurs du développement économique des régions. Ici, en cette superbe région de Lorraine, comment ne pas saluer l'effort exemplaire de reconversion des mines, un effort qui doit être et sera, bien entendu, poursuivi ; l'ambition des deux pôles de compétitivité qui ont vu le jour en septembre dernier ; et bien sûr l'arrivée, -évoquée à l'instant par
M. le Préfet-, prochaine du TGV-Est, qui va ouvrir encore davantage la région aux grands échanges européens ?

Ces mouvements exigent que nous modernisions notre administration territoriale.

D'abord en allant plus loin dans la réorganisation des services de l'État et dans le développement de la mobilité des fonctionnaires. Ils doivent pouvoir passer beaucoup plus facilement d'un service à un autre, dans la même ville ou dans le même département. S'il veut rester attractif, l'État ne peut plus se contenter d'offrir pour seule perspective à ses agents de rester toute leur vie professionnelle dans la même administration, je dirai presque dans le même bureau.

Au niveau local, cela passe par de nouvelles libertés données au préfet pour réorganiser les structures et pour gérer des moyens plus globalisés. Des expérimentations, issues des propositions du terrain, sont en cours : en région Lorraine, comme en région Champagne-Ardenne, c'est la mise en place d'une bourse des emplois territoriaux de l'État. Dans huit départements, c'est la fusion expérimentale des directions de l'équipement et de l'agriculture. Vous avez toutes et tous un rôle essentiel à jouer dans ces projets.

Pour faire vivre la mobilité, il faut aussi progresser plus vite dans la mise en œuvre des regroupements de corps. Harmoniser les régimes indemnitaires est indispensable : les écarts entre ministères sont injustes, et freinent la mobilité, ainsi d'ailleurs que la bonne affectation des ressources humaines. Ils pénalisent notamment le ministère de l'Intérieur et les ministères sociaux, dont les missions sont pourtant cruciales pour notre pays.

Cette modernisation ne peut se faire qu'avec les fonctionnaires. Sur le pouvoir d'achat, le Gouvernement a engagé une négociation globale. Elle porte sur les rémunérations, qui devront mieux tenir compte de la performance, individuelle ou collective. Des propositions concrètes ont été faites sur l'aide à la famille, la création de places dans les crèches, la mise à disposition de logements sociaux, la prise en charge par l'État des cautions pour les jeunes agents qui cherchent un logement.

Pour notre fonction publique, nous faisons le choix de l'ouverture. La République s'est enracinée dans la société française en donnant à chacun, quels que soient son origine ou son lieu de vie, sa chance de s'élever professionnellement grâce à son mérite. La fonction publique a toujours été l'un des principaux vecteurs de la promotion sociale. Des parcours exemplaires sont heureusement toujours nombreux. Mais nous sommes passés petit à petit d'un système largement ouvert à une situation dans laquelle l'administration n'est plus réellement le reflet de la France d'aujourd'hui.

La fonction publique doit s'ouvrir davantage aux jeunes qui, quel que soit leur niveau d'études initial, ont des capacités et l'envie de réussir. Elle doit s'ouvrir davantage aux femmes et aux hommes du secteur privé ou du secteur associatif. Aux Françaises et aux Français issus de l'immigration : je sais que, sur cette terre de Lorraine, vous êtes particulièrement sensibles à cet aspect des choses. A tous, la fonction publique peut offrir une première ou une seconde chance. Nous avons tout à y gagner.

C'est pour cela qu'il faut développer, au-delà de l'indispensable système du concours, d'autres voies d'accès à la fonction publique. Je pense d'abord à la catégorie C. Aujourd'hui, le PACTE, c'est-à-dire la possibilité donnée à des jeunes faiblement qualifiés de devenir fonctionnaires par la voie de l'apprentissage, monte en puissance. De même, dans la police par exemple, le programme des cadets de la République. On doit aller plus loin : d'ici deux ans, c'est plus de la moitié des nouveaux agents qui devront accéder aux corps de catégorie C par l'apprentissage et par la formation en alternance.

Plus largement, pour que les concours continuent à remplir pleinement leur mission, il faut faire évoluer leur contexte pour mieux tenir compte des aptitudes concrètes. C'est la mission que j'ai confiée au ministre de la fonction publique.

L'administration doit rester un creuset de promotion sociale. Nous allons fortement augmenter l'accès aux grands corps par le biais du tour extérieur, et développer la reconnaissance de l'expérience professionnelle, pour permettre aux fonctionnaires méritants de progresser plus vite. L'expérience et la compétence doivent, tout autant que les diplômes, être prises en considération.

Bien sûr, l'École nationale d'administration doit garder toute sa place dans le recrutement des hauts fonctionnaires. Mais il ne faut pas priver la fonction publique de profils intéressants, actuellement peu représentés, issus par exemple du monde universitaire ou du secteur privé : cela doit nous conduire à envisager la création de deux autres voies d'accès aux postes de responsabilité. L'accès en début de carrière à des candidats ayant un niveau Bac+5, et au moins trois ans d'expérience professionnelle, et l'accès en cours de carrière, à ceux ayant dix ans d'expérience. Ces accès devraient permettre d'enrichir l'État. Ces nouveaux concours devraient faire au moins autant appel aux qualités personnelles et d'expertise professionnelle, qu'à des critères académiques. Les candidats ainsi sélectionnés effectueraient un stage en préfecture et une formation générale à l'Ecole Nationale d'Administration.

Enfin, dans ce même esprit d'ouverture et de modernisation, je souhaite aménager les conditions de nomination aux plus hauts postes de l'administration, y compris pour les fonctions auxquelles nomme le Président de la République. Certaines nominations importantes devraient être précédées, chaque fois que c'est possible, d'appels publics à candidature, ouverts à des candidats issus de l'ensemble de l'administration ou du secteur privé.

La capacité à être à la pointe du progrès technique et à le diffuser dans la société française reste la marque de notre administration. Face aux bouleversements liés aux technologies de l'information, nous devons faire de notre administration électronique la meilleure du monde, pour offrir sans cesse de nouveaux services aux Françaises et aux Français.

L'an passé, le changement d'adresse en ligne a été mis en place. Trois millions et demi de Français ont déjà transmis leur déclaration de revenus par Internet. Et cette année, tous les contribuables recevront une déclaration pré-remplie avec leurs principaux revenus : c'est une simplification majeure. 2006 verra aussi le lancement d'un géo-portail de l'administration, permettant d'accéder, sur une base territoriale, à toutes les informations relatives au service public. Et ici, en Moselle, vous allez lancer un projet pionnier de transmission électronique des actes des collectivités locales.

Nous devrons accélérer la mise en œuvre du dossier médical partagé. Plus largement, d'ici l'an prochain, toutes les formalités administratives devront pouvoir s'effectuer par Internet.

Le progrès technique, c'est aussi l'une des réponses au développement des services publics en milieu rural. Ce n'est pas la seule : le contact personnel est évidemment irremplaçable. En valorisant le rôle des sous-préfectures, maillons, o combien essentiels de notre administration de proximité, en développant les points multi-services, et tout ce qui permet de mutualiser les moyens, nous allons apporter des réponses. Mais je souhaite aussi que des guichets électroniques mobiles et polyvalents puissent être rapidement déployés, pour offrir à nos compatriotes tous les services de l'administration, près de chez eux.

Enfin, l'État doit reconquérir des marges de manœuvre financières. Face au cercle vicieux de la dette, face au risque de voir les frais de fonctionnement évincer les dépenses d'avenir, il faut agir.

Pour répondre à ce défi, je demande au Gouvernement de stabiliser dès 2007 la dette publique par rapport à la richesse nationale. Ce n'est qu'un premier pas : il faudra ensuite inverser durablement une mauvaise tendance.

Je souhaite par exemple que des économies significatives soient réalisées sur les achats publics, et que le patrimoine immobilier de l'État soit transféré à l'agence des Domaines. Elle sera chargée de le rénover, de le céder si c'est justifié bien entendu, de le gérer activement. Au niveau déconcentré, cela ne pourra naturellement se faire que sur la base de propositions formulées par le Préfet.

L'État doit pouvoir changer ses habitudes, regrouper ses structures, redéployer ses forces vers les nouvelles demandes de la société. Il doit tirer parti de la décentralisation, du progrès technique et des mouvements démographiques, pour gérer au mieux ses effectifs. Chaque fois que nous pourrons mieux servir nos concitoyens avec moins d'effectifs, la moitié au moins des économies réalisées devra bénéficier directement aux agents, par des primes ou par des avancements plus rapides.

Au-delà de la situation de nos finances publiques qui appelle des solutions globales, il y a celles qui doivent être prises en considération au-delà des finances de l'État, celles de la sécurité sociale et des collectivités locales. C'est tout l'enjeu de la conférence nationale que réunira le Premier ministre à la fin du mois et qui a une particulière importance.

Mesdames et messieurs,

L'État change. Il sait évoluer pour répondre aux besoins des Françaises et des Français. Pour accompagner ces changements, je sais pouvoir compter sur vous. Être fonctionnaire, ce n'est pas simplement accédé à un statut. C'est vouloir remplir une mission, au service de l'ensemble des Françaises et des Français. Une mission difficile, qui exige de l'enthousiasme, du respect, une attention à l'autre de tous les instants.

Les vrais défenseurs de l'État, ce sont ceux qui veulent sa modernisation. Les fonctionnaires le savent : chacun d'eux est porteur d'une part de l'avenir de la fonction publique. Chacun d'eux doit s'engager pour faire vivre ce pacte fondamental qui unit la Nation et son État.

En ce début d'année, je renouvelle à chacune et à chacun d'entre vous mes vœux les plus chaleureux, les plus sincères, pour 2006, et je vous exprime ma reconnaissance, mon estime et mon amitié.
Je vous remercie.





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