Discours du Président de la République devant la "Conférence Economique" franco-indienne

Discours prononcé par M. Jacques CHIRAC, Président de la République Française, devant la "Conférence Economique" franco-indienne.

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New Delhi - Inde, le 20 février 2006


Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Messieurs les Présidents,
Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs,

Il y a huit ans, à Mumbai, j'avais eu le plaisir de rencontrer, pour la première fois, certains d'entre vous, et ceci pour célébrer l'Inde nouvelle. Une Inde moderne, créative, libérée dans ses initiatives, désireuse d'occuper la place essentielle qui lui revient dans le monde. Une Inde qui sait que la réussite de son modèle de développement économique passe par l'ouverture maîtrisée de ses marchés et l'accueil des investissements étrangers.

La France décidait alors de nouer avec l'Inde un partenariat stratégique. Un partenariat à la mesure d'une civilisation et d'une nation immenses.

Démocratie, tolérance, indépendance, liberté, laïcité : telles sont les valeurs que nous avons en partage, Indiens et Français, valeurs sur lesquelles nous avons construit une relation politique singulière. Avec des ambitions, avec des combats menés ensemble : placer la Charte des Nations Unies et le respect du droit au cœur de l'action internationale ; promouvoir la paix et la sécurité ; refuser la fatalité de la haine et de la violence terroriste ; doter des moyens nécessaires la lutte contre les fléaux de la pauvreté et de la maladie.

Admirateur et ami de l'Inde, j'ai été le premier chef d'État à dire que l'Inde devait prendre toute sa place dans la gestion des affaires du monde. Aujourd'hui, il est temps que la communauté internationale réponde à cette aspiration légitime, et reconnaisse à l'Inde ce siège de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies qu'elle a pleine et entière vocation à occuper.

Le premier également, j'ai souhaité qu'au sein du G8, la voix des grands pays émergents, comme l'Inde, soit entendue. Et c'est dans cet esprit que la France l'a associée au dialogue élargi du Sommet d'Evian en 2003. Un usage que je souhaite voir pérenniser au G8, car le monde a besoin que l'Inde participe pleinement aux réflexions et aux actions pour humaniser et maîtriser la mondialisation.

Et c'est encore à l'initiative de la France que l'Inde et l'Union européenne ont noué leur partenariat stratégique, permettant à l'industrie et à la recherche indiennes de joindre leurs efforts à ceux des Européens, pour le développement, notamment, du réacteur expérimental ITER et du système de navigation satellitaire Galiléo. Cette participation vient compléter une coopération bilatérale scientifique et technique particulièrement riche qu'illustrera en 2009 le lancement prévu du premier satellite franco-indien Megha-Tropiques.


Mesdames, Messieurs,

Avec le Premier ministre, M. Manmohan SINGH, nous avons décidé d'élever nos relations économiques au même niveau que nos excellentes relations politiques.

Pour cela, nous avons convenu de doubler notre commerce bilatéral au cours des cinq prochaines années. L'objectif peut paraître audacieux, mais il est réaliste. Avec un taux de croissance annuel de 7 à 8%, avec son marché de plusieurs centaines de millions de consommateurs, avec un pouvoir d'achat multiplié par cinq en 25 ans, l'Inde constitue l'un des principaux moteurs de la croissance mondiale. Géant industriel, l'Inde est aussi devenue un acteur majeur de la révolution des services, fondée elle-même sur le savoir, qui est au coeur de la nouvelle phase de la mondialisation. Les grandes entreprises qui constituent la base industrielle de votre pays -Tata, Birla, Infosys, Bajaj, Wipro, Indian Oil, et tant d'autres que je ne peux citer- deviennent des géants mondiaux.

La France est résolument engagée dans la bataille de l'économie globale. Avec 11 des 100 plus grandes entreprises mondiales, avec plus de 400 centres de recherche d'entreprises internationales, elle se place à la pointe du savoir.

Avec son Agence de l'Innovation Industrielle, la France s'est dotée de l'instrument d'une nouvelle politique industrielle qui mise sur les technologies de nouvelle génération. Ses pôles de compétitivité, comme le pôle de Grenoble consacré aux nanotechnologies, celui de Lyon dédié aux biotechnologies et à la lutte contre les grandes pandémies, ou encore celui de Rennes sur les technologies de l'information, entraînent tout le tissu économique français -des plus petites aux plus grandes entreprises- vers la croissance et vers l'innovation.

Voilà pourquoi la France a les capacités d'être un grand partenaire pour l'Inde.

Pour les infrastructures, où vous prévoyez d'investir 140 Milliards de dollars dans les 5 ans, avez-vous dit, des noms réputés comme ceux de Saint Gobain ou Lafarge investissent en Inde afin de fournir les matériaux nécessaires. L'expertise mondialement reconnue des opérateurs tels que Véolia et Suez est également mobilisée pour contribuer aux progrès que vous réalisez dans l'aménagement urbain, la gestion de l'eau et des déchets.

Dans l'énergie, nos principaux opérateurs et équipementiers sont prêts à s'associer à vos efforts pour asseoir votre sécurité énergétique. C'est notamment le cas d'Alstom et Schneider Electric qui équipent déjà nombre de vos centrales, réseaux ou sites industriels.

Alors que votre pays est d'ores et déjà le 6e consommateur mondial d'énergie, concilier les impératifs d'une croissance forte et ceux de la lutte contre le réchauffement climatique est un formidable défi. Ce défi, nous savons qu'il ne pourra pas être relevé sans un recours accru à l'énergie nucléaire. Il nous faut avancer résolument, avec l'Inde, grand pays responsable, dans la réflexion initiée par la France dès 1998, et poursuivie avec les Etats-Unis. Il nous faut concilier la nécessaire évolution des règles internationales en matière de transferts de technologies nucléaires civiles et les règles de non prolifération. La déclaration que nous avons signée aujourd'hui traduit notre volonté d'aller de l'avant dans notre coopération. Une coopération dans laquelle Areva est prête à prendre toute sa place.

Dans l'aéronautique et l'espace, des leaders mondiaux comme Eads, Safran, Dassault et Thales ont établi, avec l'Inde, des partenariats historiques.

Au cours de ces derniers mois, pour satisfaire la demande d'un marché qui voit l'apparition de 10 millions de nouveaux voyageurs chaque année, environ 250 Airbus ont été commandés par les compagnies indiennes - Indian Airlines, Air Deccan, Jet Airways, Kingfisher ou Indigo. Nous pouvons aller plus loin. L'A380, déjà commandé par Kingfisher, mais aussi les perspectives offertes par le développement de l'A350, ouvrent à l'Inde la possibilité de nouvelles coopérations prometteuses, y compris sous la forme d'achats de biens et de services à l'industrie indienne.

Dans la santé et les biotechnologies, nos laboratoires, Sanofi, Biomérieux, ont noué des relations industrielles, commerciales et souvent de recherche avec les laboratoires indiens. Nos laboratoires souhaitent développer encore ces relations, notamment dans le secteur des génériques qui constitue l'un des éléments de réponse au défi mondial de l'accès aux traitements dans les pays pauvres.

L'Inde sera également demain l'un des centres mondiaux de fabrication du nouveau véhicule Logan, produit par Renault, en coopération avec Mahindra. Ce constructeur rejoint ainsi les équipementiers de l'industrie automobile française déjà présents en Inde depuis des décennies pour certains, comme Michelin.

Au-delà de la production industrielle, le développement du marché intérieur indien ouvre également de nouvelles perspectives à l'industrie des services, dont la France est le 4e exportateur au monde. Sachons tirer profit de ce point commun essentiel entre nos deux économies.

C'est vrai dans le secteur des services informatiques, où la technologie haut débit sans fil d'Alcatel, les semi-conducteurs du groupe ST Microelectronics, par exemple, se préparent en partie à Delhi, Bangalore, Chennaï ou ailleurs. Cette coopération contribue à la compétitivité de l'industrie française, comme à la croissance et à l'emploi en Inde comme en France.

C'est également vrai dans le secteur du tourisme, dans celui des banques avec Calyon ou celui des assurances. Les grandes traditions de la France, comme les industries du luxe, regroupées au sein du Comité Colbert, trouvent également de nouveaux débouchés dans votre grand pays. Demain, je n'en doute pas non plus, ce sont les enseignes françaises de distribution, comme Carrefour, qui pourront se déployer ici.

Première puissance agro-alimentaire en Europe et première puissance exportatrice au monde dans ce domaine, la France souhaite accompagner le développement de l'industrie agro-alimentaire indienne. Les succès de Bongrain dans les produits laitiers ou de Danone illustrent les potentialités de notre coopération.


Nous rapprocher, c'est aussi partager une certaine idée de l'économie responsable dans le monde moderne. Nous voulons une économie ouverte, avec des entreprises conscientes de leurs responsabilités sociales comme de l'exigence de la préservation de l'environnement.

Pour faire vivre ces valeurs, sans lesquelles le progrès économique est vain, les chefs d'entreprises de nos deux pays ont une responsabilité particulière.

Quand elles s'implantent dans un pays en développement, quand elles font appel à un sous-traitant local, les entreprises doivent se fixer des normes exigeantes. Elles doivent en assurer le respect, qu'il s'agisse de droit du travail, de protection de l'environnement, ou tout simplement de respect de la dignité humaine.

Et les mêmes valeurs doivent nous guider dans l'approche des partenariats entre nos entreprises. La France et l'Inde n'ont jamais considéré que la mondialisation signifiait la disparition de toutes les règles. Nous souhaitons que les nécessaires partenariats entre entreprises de deux continents soient équilibrés, respectueux de la culture de l'autre, respectueux des savoir-faire de chacun et, surtout, favorables à l'emploi et à la dignité humaine.


Mesdames, Messieurs,

Les résultats atteints par l'Inde depuis le début des réformes économiques, engagées il y a 15 ans, suscitent l'admiration : au-delà de l'affirmation de l'Inde comme un grand exportateur mondial, au-delà des succès de l'informatique ou des biotechnologies, des dizaines de millions d'hommes et de femmes sont sortis de la pauvreté grâce à la croissance.

J'ai la conviction que vos succès préludent à des développements encore plus impressionnants dans les décennies à venir. Depuis l'Indépendance, vous relevez de formidables défis : la modernisation des infrastructures, l'amélioration du système de santé, la réponse aux besoins en matière d'eau ou d'environnement, l'accès de chacun à la connaissance par l'éducation. Et cela dans le respect de cette tradition de démocratie qui fait la force et l'honneur de l'Inde.

Que la France soit pour l'Inde un partenaire pour réaliser cette immense promesse de développement et de prospérité partagée : voilà le vœu que je forme pour l'Inde, pour la France et pour le monde. En vous remerciant de votre engagement, de votre présence aujourd'hui et de l'attention que vous avez bien voulu m'accorder, je vous redis ma confiance, ma bien cordiale estime et toute mon amitié.





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