Discours du Président de la République à l'Université française d'Egypte.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'Université française d'Egypte.

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Chourouq - Egypte, le jeudi 20 avril 2006

Monsieur le Président, Madame,
Monsieur le Premier Ministre,
Madame et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,

C'est pour moi un grand plaisir et aussi un grand honneur de vous retrouver ici, ce matin, pour inaugurer avec vous, Monsieur le Président et cher ami, l'Université française d'Egypte.

Ce moment que nous partageons est le fruit d'une rencontre : celle d'un héritage et d'une ambition.

L'héritage est sans prix : deux siècles de dialogue et d'échange entre deux nations de grande et haute culture qui ont tissé, entre nos deux peuples, les liens du cœur et les liens de l'esprit.

L'ambition est immense : relever les défis du monde contemporain en formant les futures élites de ce XXIe siècle mondialisé qui se dessine sous nos yeux.

Aujourd'hui, le pari que nous avons fait ensemble il y a quelques années, Monsieur le President, sur votre initiative, diffuser ici en français les savoirs de notre temps, est devenu réalité. En prenant corps dans la ville nouvelle de Chourouq, symbole de cette Egypte en devenir que vous portez, Monsieur le President, avec courage et détermination, cette réalisation commune témoigne d'une même confiance dans l'avenir, d'un même regard sur le monde, d'une même vision sur le nécessaire dialogue des cultures.

Si l'Université française d'Egypte a pu voir le jour, elle le doit d'abord à vous-même, Monsieur le Président. Dès l'origine, vous avez cru à cette nouvelle expression de l'amitié franco-égyptienne. Il est juste de vous en rendre hommage et de vous en exprimer notre immense gratitude.

Elle le doit aussi aux nombreux amis égyptiens qui ont eu foi dans cette grande et belle aventure. Qu'il me soit permis de saluer tout particulièrement M. Samir SAFOUAT, ancien ambassadeur d'Egypte à Paris et président du conseil des curateurs, M. le Ministre Ahmed MAHER, auquel il passe le témoin, M. Ali ALHEFNAWI, alors directeur du club d'affaires franco-égyptien, M. Naguib SAWERIS, dont l'appui financier a été décisif. Tous ont déployé des trésors d'énergie et de patience. Je veux leur témoigner ici, du fond du cœur, notre profonde reconnaissance.

Je tiens aussi à remercier la présidente de l'Université, Mme Tahani OMAR, qui s'est adresseé à nous en arabe et en français avec beaucoup de finesse et de qualité. Elle a su constituer et animer des équipes de haut niveau qui ont permis à la nouvelle Université de prendre rapidement toute sa place et de s'inscrire dans la grande tradition universitaire de l'Egypte.

Un certain nombre d'entreprises françaises, parmi lesquelles Vinci, Alcatel, Thalès et Total, ont également apporté un soutien précieux à ce projet. Sans elles, rien n'eût été possible. Elles méritent également notre gratitude.

Aujourd'hui, l'Université française d'Egypte compte trois facultés tournées vers les technologies du futur. Elles sont de nature à répondre aux besoins d'une économie en pleine modernisation dans le contexte d'un monde de plus en plus globalisé.

Je me félicite que l'Université française d'Egypte ait su d'emblée nouer des partenariats avec de prestigieuses institutions françaises. Ces partenariats franco-égyptiens donnent aux étudiants de l'UFE un avantage considérable. A l'issue de leurs études, ils obtiennent en effet un double diplôme, égyptien et français. Ainsi, résolument tournée vers les technologies du futur, l'UFE fera, je n'en doute pas, école dans tout le Moyen-Orient.



Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'Université française d'Egypte, s'inscrit dans une longue tradition de coopération et d'amitié entre nos deux pays, une très longue tradition.

Depuis deux cents ans, nous n'avons cessé de croiser nos regards, de nous interroger l'un l'autre, de faire dialoguer nos cultures.

Sous des formes variées, la francophilie en Egypte et l'égyptomanie en France n'ont cessé d'éclairer par l'estime, l'admiration, voire même une véritable fascination réciproques, la riche chronique de nos relations culturelles.

Je me réjouis particulièrement que cette inclination mutuelle trouve à s'incarner aujourd'hui dans une institution consacrée à la formation des jeunes, qu'ici je salue en leur souhaitant beaucoup de chance, de bonheur et de réussite dans leur vie. C'est un exemple, en même temps qu'un symbole, du dialogue des cultures que, vous et moi, nous appelons de nos vœux.

Pour nous qui, d'une rive à l'autre de la Méditerranée, n'avons cessé de le mettre en pratique, ce dialogue peut sembler naturel, il ne l'est pas forcément. Mais tout nous démontre que, dans le monde d'aujourd'hui, il s'agit d'une ardente obligation.

Avec ce qu'il est convenu d'appeler la mondialisation, les peuples, les cultures, les civilisations sont entrés en interaction permanente. Tout se sait, à tout moment, d'un bout à l'autre du globe. Les échanges de toute nature ne cessent de s'intensifier. Les identités doivent en permanence se confronter à l'altérité, dans un vaste brassage auquel les peuples n'ont, pour la plupart, été préparés ni par leur histoire ni par leur éducation.

Cet immense mouvement recèle d'extraordinaires potentialités de progrès pour une humanité qui se découvre enfin une communauté de destin et de valeurs. Mais, dans le même temps, il est aussi porteur de menaces nouvelles. La communication n'est pas toujours synonyme d'une meilleure compréhension. Le sentiment de perte de repères, la crainte devant la dimension illimitée de la mondialisation peuvent favoriser les replis identitaires et les crispations. L'incompréhension peut, si l'on n'y prend garde, faire le jeu des fanatismes, et l'ignorance attiser la haine ou le rejet de l'autre.

Aussi est-il de notre responsabilité majeure, dans ce monde nouveau qui sera celui de nos enfants, d'organiser, dans un esprit d'ouverture et de respect de l'autre, le dialogue entre les peuples, les croyances et les cultures.

Face au risque de l'uniformité, la diversité culturelle ne doit pas être un ferment de division entre les hommes mais, au contraire, un éclatant témoignage du génie humain. Au moment où les destins des peuples ne cessent de s'entrecroiser, le prétendu choc des civilisations -qu'à Riyad j'ai qualifié plutôt de choc des ignorances- n'a rien d'une fatalité. La tolérance, le respect de l'autre et de sa singularité, l'éducation, la culture comme l'affirmation des valeurs humanistes forment, plus que jamais, le socle de la paix, de l'enrichissement mutuel et du progrès.

Les valeurs humaines, au premier rang desquelles la liberté et la démocratie, sont universelles, mais elles doivent venir de l'intérieur, elles doivent se décliner dans des contextes nationaux et s'introduire au rythme de chacun. Le progrès économique et social est la meilleure façon de les faire éclore, de même qu'il peut être un facteur d'apaisement des tensions internationales. L'esprit de paix gagnera d'autant mieux les peuples qu'ils auront le sentiment de participer aux échanges économiques mondiaux, et non pas d'en être les spectateurs, voire les victimes. L'esprit de paix se répandra d'autant plus qu'on dissipera le sentiment qu'il existe trop souvent deux poids deux mesures.

Autant de blessures qu'avive et exploite le terrorisme, que rien ne peut justifier. Aussi doit-il être combattu par tous les moyens, et notamment par la croissance économique et le dialogue des cultures. De même, une solution authentique du conflit israélo-palestinien, à la source de tant d'incompréhensions, de frustrations et de souffrances, ferait-elle beaucoup pour dissiper les sentiments d'injustice.

Chacun de nos peuples est fier de son histoire, de son identité. Nul ne peut accepter que l'on prétende lui dicter sa conduite ou son avenir au mépris de ses racines. C'est pourtant bien le risque que comporte la mondialisation : la refuser en se barricadant contre le cours du temps reviendrait à se couper du monde ; s'y soumettre sans restriction serait abdiquer son identité.

Il est une autre voie, celle que la France et l'Egypte cherchent à tracer : elle consiste à accepter le monde dans sa réalité, mais à s'y affirmer en toute indépendance. C'est pourquoi il est essentiel d'exceller dans ce qui fait la force des nations modernes, l'économie du savoir et l'ouverture aux échanges internationaux. Cette voie consiste aussi à proposer aux autres peuples de travailler ensemble à la construction d'un monde harmonieux, sous l'égide de l'ONU, au nom des valeurs universelles qui fondent sa Charte, mais aussi dans l'esprit d'égalité souveraine des Etats. C'est ainsi que, chaque peuple se voyant respecté, l'humanité tirera le meilleur parti de la mondialisation.

Au fil de leur histoire commune, l'Egypte et la France n'ont cessé de mettre ces convictions en mouvement. Elles participent toutes deux à la grande aventure de la francophonie, cet espace privilégié du dialogue des cultures et ce moteur de la diversité. L'Université française d'Egypte est une nouvelle illustration de cette volonté commune. Une même ambition euro-méditerranéenne nous rassemble, donnant une place privilégiée à l'éducation. Un projet d'alliance des civilisations a été discuté lors du Sommet de Barcelone. Je plaide pour que cette nouvelle université s'affirme comme l'institution emblématique d'une telle alliance. Puisse-t-elle aussi être, pour tous les peuples, un témoignage vivant de la force du dialogue contre la tentation stérile et destructrice de l'enfermement et de l'obscurantisme, un signe manifeste de notre confiance commune dans un monde en paix, dans un monde plus juste.

Je vous remercie.





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