Intervention du Président de la République suivie d'un débat lors du forum franco-japonais "Alliance franco-japonaise au service du développement durable".

Intervention de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, suivie d'un débat lors du forum franco-japonais "Alliance franco-japonaise au service du développement durable".

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Tokyo (Japon) le lundi 28 mars 2005.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Je voudrais dire une nouvelle fois mon plaisir de revenir au Japon, de renouer avec cette culture à laquelle je suis, vous le savez, profondément attaché. Ici, parmi vous, je souhaite partager une certaine vision de l'avenir. Vous dire les ambitions que je nourris pour notre coopération et aussi ma conviction qu'ensemble, Japonais et Français, parce qu'ils ont tant d'affinités, peuvent contribuer au progrès du monde.

Avec le Premier Ministre KOIZUMI, nous avons longuement évoqué hier soir ce que nos deux peuples, ensemble, peuvent accomplir, ces grands défis que nous lance notre temps et l'urgence qu'il y a à les relever.

La déclaration conjointe, que nous avons adoptée, traduit notre volonté commune, notre souci du "développement durable", que le Japon a si justement retenu comme thème de la superbe Exposition universelle d'Aïchi.

Alors que l'humanité étend désormais son emprise aux limites physiques, matérielles et écologiques de la planète, le développement durable, c'est le nouveau nom du progrès.

A l'âge de l'interdépendance, les grandes pandémies, la catastrophe de l'Océan Indien ou le terrorisme international nous rappellent que les destins des riches et des pauvres sont des destins liés. Face au réchauffement du climat, à l'érosion de la biodiversité, nous réalisons que notre richesse, notre puissance, loin de nous affranchir de la nature, ont engendré des déséquilibres qui menacent la survie même de notre civilisation. Nous commençons tout juste à comprendre qu'il nous faut inventer d'urgence un autre modèle de production et de consommation.

Riche en hommes, en combat permanent contre les éléments, le Japon -avec son formidable succès économique- est pour tous une source de réflexion et d'inspiration. Le sens de l'équilibre entre l'homme et la nature, ancré au plus profond de votre civilisation et de votre histoire, l'éthique de la solidarité, ciment de votre société, voilà des valeurs qui peuvent inspirer la quête d'une nouvelle philosophie du progrès dont notre époque a besoin.

Dans cette recherche, le Japon et la France sont des partenaires naturels. Premier pays du monde à avoir inscrit une charte de l'environnement dans sa Constitution, la France voit elle aussi dans ces valeurs de solidarité et de responsabilité environnementale le cœur de son pacte social.

Je propose l'alliance de nos deux pays pour relever les défis du développement durable. Une alliance politique, mais aussi une alliance scientifique et industrielle, reposant sur l'ancienneté et la force de notre coopération dans ces domaines. Nous avons tous les atouts pour réussir.

Depuis plus d'un siècle, depuis le lancement de la sidérurgie moderne à Yokohama et à Yokosuka, depuis l'essor du textile japonais, jusqu'à l'alliance entre Renault et Nissan, nos industriels ont appris à travailler ensemble. Le regain d'investissements, japonais en France et français au Japon, témoigne du dynamisme de notre relation et des points communs entre nos économies.

Le Japon et la France sont aussi deux pays d'ingénieurs qui puisent dans les technologies performantes des réponses aux défis du monde. Nos systèmes de formation et de recherche comptent parmi les meilleurs. Grâce à eux, nous disposons d'entreprises à la pointe des hautes technologies, des entreprises qui comptent souvent parmi les meilleurs mondiaux dans leurs secteurs.


Nos pays savent aussi le rôle que l'Etat peut jouer au service de l'économie, c'est-à-dire de la croissance et de l'emploi. Tirant enseignement d'expériences réussies, et tout particulièrement de celle du Japon, la France crée une Agence de l'Innovation Industrielle. Elle sera dotée d'un budget de 2 milliards d'euros entre 2005 et 2007, au service du développement du savoir et des filières technologiques de demain. Au service aussi de l'épanouissement de ces entreprises qui, grandes ou petites, sont la clef de voûte de la croissance économique.

J'évoquais hier avec le Premier Ministre KOIZUMI la possibilité pour nos deux gouvernements de financer conjointement des programmes ambitieux de recherche associant nos laboratoires et nos entreprises dans les secteurs du futur. Je pense bien sûr aux technologies liées à l'environnement, mais aussi à l'énergie, à l'océanographie, à l'espace, aux technologies de l'information. A toutes ces technologies qui préparent l'avenir.

Comment ne pas voir l'extraordinaire potentiel de notre coopération ? La force de nos chercheurs, de nos scientifiques, de nos entreprises, s'ils s'unissent ? S'ils investissent ensemble et résolument ces nouveaux champs de la connaissance et de la coopération ?

La création du Laboratoire conjoint franco-japonais de robotique, le Collège doctoral franco-japonais, le grand Salon Nanotech qui s'est tenu il y a quelques semaines, ici, à Tokyo, nous montrent le chemin à suivre. Renforçons nos coopérations, densifions nos échanges, instituons des rendez-vous réguliers de nos centres d'excellence. Mettons cette habitude de travail en commun, cette relation d'estime et d'amitié entre Japonais et Français au service du développement de grands programmes à l'échelle mondiale. Je pense en particulier au domaine du nucléaire civil où existe une longue et brillante tradition de coopération entre nos pays. La France, et avec elle l'Europe, souhaite la participation du Japon au programme de coopération internationale ITER. Je ne doute pas qu'un accord sur ce point puisse être trouvé rapidement entre l'Union européenne et le Japon.


Dans cette alliance politique et économique franco-japonaise pour le développement durable, la lutte contre le réchauffement climatique doit figurer au tout premier rang de nos priorités.

Depuis la signature, en 1997, du protocole de Kyoto, le Japon et la France ont œuvré ensemble pour l'entrée en vigueur de ce texte fondateur, entrée effective depuis le 16 février dernier.

Pour autant, face à l'accélération du phénomène et aux périls qu'il fait peser sur nos sociétés, nous ne sommes encore qu'au début du chemin. L'un des principaux objectifs du prochain sommet du G8, sous présidence britannique, sera d'unir davantage la communauté internationale pour relever ce défi. Engager les Etats-Unis, impliquer plus les grands pays émergents tels que la Chine ou l'Inde et prendre en compte leurs besoins spécifiques.

Dans la lutte contre le changement climatique, nous avons collectivement une exigence de résultat. Nous devrons aller au-delà des engagements de Kyoto. C'est tout le sens de la démarche engagée par les Européens, qui se sont fixé comme objectif, vous le savez, de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 15 à 30% d'ici à 2020 et de 60 à 80% d'ici à 2050.

L'enjeu, c'est la transition vers un nouveau modèle énergétique. L'Agence Internationale de l'Energie évalue à 13 000 milliards d'euros les investissements nécessaires entre 2000 et 2030 pour répondre à l'accroissement des besoins énergétiques, notamment dans les grands pays émergents. Face à des chiffres aussi vertigineux, on réalise l'impasse dans laquelle se trouvent nos modèles actuels de consommation énergétique. Mais on mesure également les formidables opportunités que recèle la maîtrise des technologies et des énergies propres pour nos économies et pour nos entreprises.

Les entreprises japonaises et françaises ont le savoir-faire, l'imagination nécessaires et peuvent occuper ensemble des positions fortes dans tous les domaines concernés. J'en veux pour preuve l'exemple de Total qui participe aux côtés de grands groupes japonais à la réalisation à Kushiro d'une usine pilote de carburant propre. De même, Arcelor et Nippon Steel ont engagé un programme ambitieux de recherche commun pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans la sidérurgie. D'autres initiatives peuvent être prises, tant dans le domaine des économies d'énergie que dans le secteur des énergies renouvelables et dans celui des énergies fossiles comme le charbon, dont nous devons développer l'usage véritablement propre, c'est-à-dire sans émission de gaz à effet de serre.

Ensemble également, nous pouvons aider les pays émergents à s'engager dans la voie d'un développement énergétique propre, sans brider leur croissance, qui est indispensable à la réduction de la pauvreté. Nous devons pour cela mettre pleinement en œuvre le mécanisme de développement propre de Kyoto. En complément de l'action du secteur privé, la France mettra en place un fonds public de promotion des projets de réduction des émissions de carbone dans les pays en développement.

Au-delà des mécanismes de Kyoto, il nous faut réfléchir à de nouvelles incitations en matière de coopération scientifique et industrielle et de transferts de technologies propres vers les pays émergents. Nous sommes prêts à des coopérations trilatérales avec des pays tels que la Chine ou le Vietnam, pays où le Japon et la France ont déjà une expérience. Capter les émissions de gaz du secteur minier, développer des technologies telles que la séquestration de carbone, encourager le recours aux biocarburants, promouvoir les énergies renouvelables éolienne ou photovoltaïque, mais aussi un développement contrôlé de l'énergie nucléaire. Dans tous ces domaines, des opportunités importantes existent.

Dans le même esprit, nous devons inciter nos industriels à prendre en compte systématiquement les conséquences environnementales des investissements qu'ils entreprennent dans les pays en développement. Je souhaite que le Japon et la France contribuent à la réflexion internationale en cours à la Banque mondiale et à l'OCDE.

Les transports aériens constituent à l'heure actuelle une source très importante d'émissions de gaz à effet de serre. La mise en service de l'Airbus A380 représente dans ce domaine un pas important vers un développement plus propre du transport aérien.

Les services liés à l'environnement sont un autre domaine où nous pouvons conjuguer nos savoir-faire français et japonais. Mobilisons-nous pour une gestion durable de l'eau et un traitement rationnel des déchets. La France, vous le savez, soutient l'initiative "3R" du Japon, sur la réduction, le recyclage et la réutilisation des déchets. Il y a dans ces secteurs, où les entreprises françaises sont parmi les meilleures au monde, un potentiel considérable d'actions communes et de développement d'offres innovantes.

La recherche pharmaceutique, les biotechnologies et les sciences du vivant représentent, elles aussi, un enjeu essentiel. Invitons nos entreprises, leaders dans la recherche médicale et pharmaceutique, à resserrer leurs liens, à l'instar de ce que fait SANOFI-AVENTIS avec ses homologues japonaises.



Unis par les mêmes valeurs de solidarité et le même souci du lien social, nous devons agir ensemble pour rendre la mondialisation plus humaine.

Ensemble, le Japon et la France peuvent accomplir beaucoup. Ensemble, en 2000, à Okinawa, nous avons ouvert la voie à la création du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Ensemble, en 2000, nous avons fait aboutir la négociation sur le protocole biosécurité qui affirme le principe de précaution dans les échanges internationaux d'OGM.

En Afrique et dans d'autres régions très pauvres, plus d'un milliard d'êtres humains demeurent aujourd'hui prisonniers de l'extrême pauvreté, obligés de survivre avec moins d'un dollar par jour. Un monde dans lequel la croissance des richesses ne bénéficierait pas aux régions où la démographie est la plus dynamique serait un monde voué à l'impasse et au pire.

Le Japon comme la France ne se résignent pas à cette situation inique amorale et lourde de menaces. Ils entendent lutter contre l'immobilisme, et pour cela bousculer les idées reçues et les conservatismes. Avec la TICAD, le Japon, deuxième contributeur d'aide au développement, continue à montrer, avec la France, la voie de la solidarité avec l'Afrique.

Rejoignant les conclusions du rapport SACHS, la Commission pour l'Afrique mise en place à l'initiative de Tony BLAIR, vient d'évaluer à 25 milliards de dollars supplémentaires par an, les sommes que la communauté internationale devrait mobiliser immédiatement pour aider l'Afrique à sortir de l'ornière. Je me réjouis que cette vérité d'évidence qui anime la politique de la France depuis longtemps soit de plus en plus partagée. Elle l'est en tous les cas depuis longtemps par le Japon.

Pour y parvenir, nous devons réfléchir à des modes de financement alternatifs et innovants.


Vous connaissez à cet égard mes propositions pour la création de nouvelles contributions de solidarité internationale, sur les transactions financières, les transports internationaux ou les flux de capitaux entrant ou sortant des paradis fiscaux.

Ces idées progressent. Elles sont désormais inscrites au programme de travail du G8, des Nations Unies et des institutions financières internationales. Elles rallient de nouveaux soutiens, dont celui de l'Allemagne, qui vient de rejoindre le groupe d'étude que nous avions mis en place sur ces sujets avec le Brésil, le Chili et l'Espagne.

Ensemble, la France et l'Allemagne défendent la création, d'ici la fin de cette année, avec tous les pays qui le souhaitent, d'un premier prélèvement international de solidarité sur le kérosène ou sur les billets d'avion ou les deux afin de financer la lutte contre le sida et les grandes pandémies qui déciment l'Afrique. Plus de trois millions de vies sauvées chaque année : voilà l'enjeu !

Ce prélèvement de solidarité internationale pourrait également servir à rembourser l'IFF, le grand emprunt pour le développement que propose le Royaume-Uni soutenu par la France.

J'ai présenté cette initiative au Premier ministre KOIZUMI et j'espère vivement que nous pourrons faire aboutir ensemble ces idées lors des prochains sommets du G8 et des Nations Unies.

Une mondialisation organisée et équitable ouvrirait des perspectives de développement aux pays les plus pauvres comme aux pays industrialisés.


La France souhaite la conclusion du cycle de Doha en 2006. Notre objectif doit être de parvenir à un résultat équilibré tant à l'intérieur de la négociation agricole -avec notamment un traitement strictement parallèle de tous les soutiens à l'exportation- qu'entre les différents sujets du cycle.

2005, année d'une nouvelle donne pour le développement, doit être aussi l'année d'une profonde rénovation du système multilatéral. C'est en refondant le système international dans le sens du progrès et de l'efficacité, que nous répondrons aux grandes questions de notre temps. Actif dans l'aide au développement, présent dans les missions de paix, le Japon est très engagé dans ce mouvement. C'est pourquoi la France, depuis de longues années, soutient fermement sa légitime candidature à un statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies où il pourrait apporter beaucoup pour un monde en évolution positive.



Mesdames et Messieurs, Messieurs les présidents,

La solidarité, la générosité, l'humanisme rejoignent les objectifs économiques. Un développement équitable, la dynamique d'une mondialisation solidaire et respectueuse des équilibres culturels, sociaux et environnementaux, ce sont aussi pour nos économies, ce sont aussi pour nos entreprises, de nouvelles perspectives, de nouveaux marchés. Aussi, je vous appelle à soutenir cette Alliance franco-japonaise au service du développement durable et à vous mobiliser dans ce domaine où nos valeurs et nos intérêts sont semblables et se confortent.

Je vous remercie.



INTERVENANT - Merci beaucoup Monsieur le Président. Au cours de votre conférence, il a été souligné que les deux pays, la France et le Japon, peuvent apporter des contributions importantes pour le développement durable. Avec l'entrée en vigueur du protocole de Kyoto, les entreprises françaises et japonaises sont appelées à coopérer. Sur ce point, Monsieur le Président a évoqué des exemples concrets, à commencer par la société TOTAL. Et pour promouvoir ce développement durable, a également été soulignée l'importance de la coopération franco-japonaise pour le développement technologique et les transferts de technologies. Ces points-là ont fait l'objet d'un accord entre Monsieur le Président de la République et le Premier Ministre japonais.

QUESTION - Pour élargir la perspective, j'aimerais poser des questions sur l'avenir de l'Union européenne. Ces derniers jours, le pacte de stabilité a été réaménagé, au cours du Conseil européen. Le pacte de stabilité consiste à limiter le déficit budgétaire à moins de 3%, tout en maintenant ce cadre global. Il a été introduit un certain nombre de conditions, ou plutôt, des postes de dépenses à exclure du calcul du déficit budgétaire. Comment percevez-vous, Monsieur le Président, cet accord ? Un tel réaménagement du pacte de stabilité peut-il avoir des conséquences sur la crédibilité de la monnaie unique européenne, l'euro ?

LE PRESIDENT - Je ne crois pas que cela puisse avoir de conséquence sur la crédibilité de l'euro. La vérité c'est que lorsque nous avons conclu la négociation permettant la création de l'euro, nous avons constaté qu'un certain nombre de pays gérant ensemble une même monnaie devaient accepter des contraintes similaires. C'est ce que nous avons appelé le pacte de stabilité. Dès l'origine, nous avons bien eu l'intuition que ce pacte ne devait pas être trop rigide, parce que l'économie n'est pas rigide, elle a des hauts et des bas. Et qu'un pacte de stabilité devait également être un pacte de croissance.

A l'époque, c'était à Amsterdam, nous avions décidé d'avoir un pacte de stabilité et de croissance. Et puis, au fil des ans, la notion de croissance a un peu disparu et on a simplement mis en œuvre un pacte de stabilité, sans intégrer l'évolution de l'économie et notamment les hauts et les bas de l'économie et la nécessité, notamment lorsqu'il y a des bas, d'encourager la croissance pour en sortir, par exemple en raison des conséquences sur l'emploi.

C'est pourquoi nous avons ensemble pensé qu'il fallait aménager ce pacte, non pas du tout pour en remettre en cause les principes, notamment ceux des 3% de déficit du produit intérieur brut et des 60% de dette. Mais pour tenir compte de l'évolution de l'économie en disant, par exemple, qu'un pays qui a connu pendant un certain temps une croissance très inférieure à la moyenne ne doit pas être handicapé par des contraintes qui le conduiraient à rester dans une situation de crise économique. On devait donc apprécier les critères avec un peu plus de compréhension. De même, dans les périodes fastes, les périodes où les choses vont bien, il fallait augmenter la sévérité des critères pour diminuer les déficits budgétaires.

Donc, c'est une application souple de ces critères, tenant compte de la situation économique. Parmi ces souplesses, il y effectivement le fait de tenir compte d'un Etat qui privilégierait beaucoup les dépenses de fonctionnement par rapport à un Etat qui ferait un grand effort sur les dépenses d'investissement et qui privilégierait les dépenses, par exemple de recherche, de développement, les dépenses de solidarité internationale comme celles de l'aide publique au développement ou les dépenses, je dirais, d'avenir politique, comme les dépenses relatives à la défense nationale, la défense européenne. On devait ainsi tenir compte de ces appréciations.


Il fallait donc non pas quantifier mais tenir compte des pays qui font un effort particulier dans ces domaines de la recherche, d'équipement, d'infrastructures, des dépenses de solidarité internationale, d'aide publique au développement ou des dépenses de cohésion politique européenne et de solidarité internationale sur le plan militaire, en particulier les interventions militaires faites sous l'ordre de l'Organisation des Nations Unies. Il fallait tenir compte de tout cela.

Voilà ce qu'a été cet assouplissement du pacte de stabilité. Donc, vous voyez qu'il n'est en aucun cas une mise en cause des principes de saine gestion mais simplement l'application de ces principes à la réalité de la vie, c'est-à-dire aux fluctuations de l'économie.

QUESTION - Je m'appelle Monsieur SEKIMOTO, l'ancien président de NIKKEI. Je me permets Monsieur le Président, de vous poser une question simple. En 1996, j'étais l'un des vice-présidents du KEIDANREN et j'ai fait, à ce titre, un voyage en France sur la croissance économique et le problème de l'énergie. J'ai posé une question sur cette relation et la France disposait de données statistiques très avancées : 70% de la consommation d'électricité était assurée par l'électronucléaire. Je crois que désormais c'est 78% par le nucléaire. Première question, pour la France quelle est la part du nucléaire dans la production d'électricité et entre ces autres sources d'énergie, hydraulique ou d'autres énergies propres, ou bien le charbon et quels sont les efforts pour ces autres énergies ? Je sais qu'il y a des efforts de recherche et de développement pour d'autres sources d'énergie que le nucléaire, mais pouvez-vous apporter quelques précisions sur ces sources d'énergie ?


LE PRESIDENT - Cher Président SEKIMOTO et cher ami, la France s'est engagée depuis longtemps dans la production d'électronucléaire et c'est vrai qu'aujourd'hui, la France produit une énergie d'origine nucléaire, pour à peu près 80% de sa consommation. Alors cela a un certain nombre d'avantages : c'est une énergie moins chère, c'est une énergie propre, c'est-à-dire qu'elle n'émet pas de gaz à effet de serre. Il y a d'autres inconvénients, car rien n'est parfait, c'est une énergie tout à fait sûre, mais il y a les déchets et nous avons un problème international de traitement des déchets. Je ne doute pas que nous arrivions à une solution de ce problème également. La France poursuit son développement dans le domaine de l'électronucléaire notamment avec un nouveau réacteur, qui vient aussi d'être adopté par la Finlande. C'est une des réponses majeures aux problèmes de la pollution.

Alors nous n'ignorons pas pour autant les autres formes d'énergie et en particulier l'hydraulique, mais aussi les énergies renouvelables, qu'ils s'agissent de l'énergie solaire ou de l'énergie éolienne. Encore que l'énergie éolienne, qui est de qualité a quelques inconvénients : elle est chère, elle est aléatoire puisqu'elle dépend du vent et elle est assez agressive à l'égard de l'environnement et de la nature. Mais enfin, rien n'est parfait. Il y a les biocarburants que nous souhaitons développer de façon importante. Enfin, nous faisons un effort et nous souhaitons le faire de plus en plus, en relation étroite avec les Japonais, pour essayer de maîtriser les pollutions dues à l'énergie. L'exemple, que je citais tout à l'heure, des réalisations communes entre le Japon et la France avec TOTAL, vont dans ce sens et je m'en réjouis. Voilà quelles sont la situation et l'opinion de la France sur ces problèmes, cher Président SAKIMOTO.


QUESTION - Concernant l'Union européenne, entre les différents pays, la Constitution européenne est en passe d'être ratifiée avec différents éléments. Vous avez fixé la date d'un référendum au 29 mai prochain, c'est sous cette forme que la France va ratifier la Constitution européenne. Or, selon les sondages actuels les tenants du "oui" sont plutôt minoritaires. Quelles sont les causes de cette minorité des adhérents ?

LE PRESIDENT - Vous le savez, à l'origine, l'idée qui a été exprimée par ce que nous appelons les pères fondateurs de l'Europe, au sortir des guerres incessantes qu'avait connu notre continent, des drames et des pertes humaines et matérielles que cela avait impliqué, c'était d'enraciner la paix sur notre continent.

Pour enraciner la paix, il est clairement apparut qu'il fallait enraciner la démocratie et c'était par ailleurs conforme à l'idée que nous nous faisions du respect des Droits de l'Homme et de l'état de droit. Cela a donc été le démarrage de l'Union européenne. Nous avons commencé à six, la vérité c'était que le problème essentiel était de régler définitivement le contentieux entre la France et l'Allemagne. Et comme on ne pouvait pas commencer à deux, nous avons commencé avec les trois pays du Benelux, l'Italie, la France et l'Allemagne.

Cette idée a fait son chemin. Il est apparu clairement qu'elle était prometteuse, tant sur le plan politique que sur le plan économique et social parce qu'elle nous permettait d'affirmer un modèle social européen. Et l'Europe s'est petit à petit élargie, ce qui était dans sa nature, puisque l'ambition était d'enraciner la paix et la démocratie. Il faut naturellement l'enraciner dans le plus grand nombre de territoires possibles.


Donc, l'Europe s'est élargie. Au fur et à mesure où elle s'élargissait, les structures de commandement, d'organisation, de gestion n'ont pas suivi. Et il est apparu, lorsque nous sommes devenus vingt-cinq membres de l'Union européenne, demain vingt-sept avec la Bulgarie et la Roumanie, qu'il fallait une réforme pour avoir une meilleure gestion de cet ensemble européen et pour avoir la garantie d'un système démocratique assumant son modèle social et le développement économique.

C'est ce qui a conduit les Européens à se rassembler au niveau d'une grande Convention qui regroupait essentiellement les parlementaires européens et nationaux et sous la présidence d'un Français, l'ancien Président de la République française, Monsieur GISCARD D'ESTAING. Cette convention a fait un long travail qui a duré 18 mois. Il a permis de faire adopter par cette Convention, un projet de traité constitutionnel européen, quasiment à l'unanimité. Projet qui répondait aux exigences que j'évoquais tout à l'heure. C'est-à-dire de moderniser et de rendre plus efficace le système de gestion de ce grand ensemble européen de nations, d'affirmer l'existence d'une Europe des nations où tout ce qui pouvait être géré en commun devait l'être de façon efficace et où le reste demeurait de la compétence des Etats composant l'Europe. Et c'est ce projet qui doit maintenant être ratifié.

Selon leurs habitudes politiques et constitutionnelles, certains pays ont décidé de faire ratifier ce traité constitutionnel par leur parlement, d'autres ont décidé de le faire par la voie du référendum. C'est le cas de la France qui votera à ce sujet le 29 mai prochain.

Nous sommes, comme dans toute démocratie, dans une période de démarrage d'une campagne. Ces problèmes européens sont toujours un peu complexes et peuvent être appréciés sous différents angles ou en fonction de différents critères qui peuvent avoir un objectif européen évident ou, au contraire, être très loin de ces objectifs. Il appartiendra à celles et ceux qui font la campagne, soit en faveur du oui, soit en faveur du non, d'expliquer les raisons de leur choix pour ouvrir l'esprit de l'ensemble des Françaises et des Français et leur permettre de se prononcer. Mon souci est que cette réponse ne soit pas fonction de préoccupations autres qu'européennes. La question posée c'est : "êtes-vous favorable à un traité constitutionnel" qui modernise et rend plus efficace la gestion en commun de l'Europe de demain. Ce n'est pas pour d'autres raisons, politiques, économiques ou sociales.

Voila mon ambition, j'aurais d'ailleurs l'occasion de dire aux Françaises et aux Français pourquoi, de mon point de vue, l'intérêt de la France, de l'Europe, mais aussi de la paix, du développement et de la sauvegarde de notre modèle social, suppose de répondre oui au traité constitutionnel.

Je vous remercie.





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