Allocution du Président de la République lors de l'anniversaire de l'appel du 18 juin.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République lors de la réception offerte à l'occasion de l'anniversaire de l'appel du 18 juin.

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Palais de l'Elysée - Paris le jeudi 23 juin 2005.

Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Premier ministre, cher Pierre,
Monsieur le Chancelier, mon Général,
Amiral,
Messieurs les Compagnons de la Libération,
Mesdames et Messieurs les Anciens de la France libre et de la Résistance,
Mesdames, Messieurs,
Chers élèves présents ici que je suis particulièrement heureux d'accueillir.

Cette année où nous célébrons le soixantième anniversaire de la victoire et la fin de la guerre, j'ai souhaité à accueillir à l'Elysée celles et ceux qui ont été les acteurs et les témoins de l'une des plus belles épopées de notre histoire, celle de la France libre et de la Résistance et je suis heureux de le faire devant un certain nombre de jeunes.
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Le 18 juin 1940, avec l'appel d'un homme seul, se noue le destin de la France.

Alors que tout semble irrémédiablement perdu pour notre pays, et que, jusque sur les ondes de la radio nationale, se répand la voix du renoncement, une autre voix, celle d'un général encore inconnu, une voix calme, énergique s'élève pour exprimer, depuis Londres, la volonté de poursuivre le combat.

Cette voix, dans un pays à la dérive, prêt à rompre avec des siècles d'histoire, cette voix incarne la continuité de la France. Pour toutes celles et pour tous ceux qui l'entendent, c'est la voix de la légitimité et c'est la voix de l'honneur.

Alors que la défaite militaire est consommée, que ses conséquences semblent irréversibles pour l'intégrité et l'indépendance de notre pays, l'Appel du 18 juin est un formidable acte de foi dans le destin singulier de la France.

Au-delà de son audace incroyable, il prophétise l'élargissement de cette guerre et un conflit mondial qui va opposer totalitarisme et liberté. Le général de Gaulle est le premier à le pressentir et il annonce que l'ennemi ne peut être que défait. Cette foi et cette clairvoyance font de lui "l'homme du destin" que Sir Winston Churchill reconnaîtra dès leur première rencontre.

Alors que le pays s'effondre, que le désarroi obscurcit les esprits, la voix du général de Gaulle s'élève, lumineuse, salutaire. Que dit-elle ? Elle dit l'essentiel, rappellera André Malraux. Elle dit que "la France n'est pas morte".

Et elle entraîne la conviction de toutes celles et de tous ceux qui se révoltent au spectacle de cette débâcle. Qui ne peuvent supporter la honte de la défaite et l'indignité de l'armistice. Qui veulent encore espérer l'un de ces retournements inattendus, l'un de ces miracles que nous a parfois réservés notre histoire.

Dans ces jours d'abattement, de résignation, de renoncement, sans doute êtes-vous bien peu à partager cette conviction. Vous les Compagnons de la Libération, vous les Français libres, vous les Résistants de l'intérieur, vous serez les premiers à y croire, peu nombreux mais déterminés. Vous rencontrerez l'incompréhension, la méfiance, le désaveu. Vous encourrez les dénonciations, l'emprisonnement, la torture, souvent hélas la mort. Pour leur faire face, vous n'avez que votre courage et votre sens de l'honneur. C'est tout, mais c'est essentiel. Rien, ni personne, ne pourra pourtant vous écarter du chemin que vous vous êtes tracé.

Petit à petit, vos rangs vont se renforcer et les ralliements se multiplier. Sur les champs de bataille, aux côtés de nos Alliés, vous offrirez bientôt à la France ses premiers succès. A Bir Hakeim, à El Alamein, avec une audace et un héroïsme magnifiques, vous redonnez à nos armes le goût de la victoire. Combattants des Forces Françaises Libres, soldats de la prestigieuse 1ère DFL et de la glorieuse colonne Leclerc, ainsi que vous, marins, aviateurs et parachutistes des SAS, vos exploits vont porter l'espérance dans le cœur de nos compatriotes.

Dans la France occupée, des femmes et des hommes de tous horizons, de toutes opinions, ont choisi l'action clandestine avec un admirable courage, aux limites de l'inconscience. Prêts à sacrifier leur vie et soudés dans une fraternité qui fait souvent leur seule force, ils harcèlent l'ennemi.

Que vous guerroyez dans les sables ou que vous soyez à l'œuvre dans l'ombre, une même volonté vous anime. Les uns et les autres, vous n'avez qu'un seul objectif, saper les positions de l'ennemi, où qu'il se trouve. Et vous rassemblez vos forces derrière le général de Gaulle, le chef de la France combattante, pour participer, côte à côte, à la Libération du territoire.
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Car la Résistance extérieure et la Résistance intérieure sont profondément unies malgré les immenses difficultés dans un même combat. Celui de l'honneur, de la liberté et de la défense des valeurs les plus hautes.

Cette unité a été scellée le 27 mai 1943, au cœur de Paris occupé, lors de la première réunion du Conseil national de la Résistance, sous l'autorité de Jean Moulin, représentant personnel du général de Gaulle.

C'est grâce à cette unité entre la Résistance extérieure et la Résistance intérieure, grâce à cette action conjuguée avec celle de notre Empire entré massivement dans le combat, comme l'avait prédit le général de Gaulle, que la France retrouvera, le 8 mai 1945, sa place et son rang parmi les Nations, et notre peuple sa liberté.

Mesdames, Messieurs, les années passent mais n'entament pas les sentiments que les Français éprouvent à votre égard. Soixante ans après la victoire, je veux vous dire la gratitude, l'affection, le respect de la France. Je veux rendre un nouvel hommage, solennel, à toutes celles et à tous ceux qui sont tombés au champ d'honneur pour notre libération en France et hors de France. Je veux rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui ont disparu dans l'enfer des camps, à tous les fusillés, à tous les martyrs de ces temps de fer et de feu qui ont "porté la France", comme l'écrit Jean Cayrol à Mathausen, "au-delà de la mort···, au-delà de la haine···, au-delà de la peur···"
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L'Appel du 18 juin est un de ces événements rares qui marquent à tout jamais l'histoire d'une nation. Acte d'insurrection contre une prétendue fatalité, il ressuscite la France de toujours. Acte de résistance à l'oppression, il est refondateur de la République. Acte moral majeur, sa portée, comme tout ce qui touche la conscience des hommes, est une portée assurément universelle.

Mais quel sens peut-il avoir aujourd'hui pour les générations présentes et futures ?

Je veux m'adresser particulièrement, et s'ils me permettent d'utiliser le mot, affectueusement, aux jeunes des lycées et collèges qui ont travaillé cette année sur la mémoire de la seconde guerre mondiale et qui sont rassemblés ce soir autour de vous.

Alors que la France est confrontée aux difficultés de son adaptation à un monde qui change sans cesse, qu'elle doute parfois et semble tentée de céder au renoncement, je crois que l'Appel du 18 juin est un formidable appel à la foi en nous-mêmes, en notre destin, en notre patrie.

Il nous dit que le combat n'est jamais perdu d'avance lorsqu'on se bat pour une cause juste. Il nous enseigne que nous pouvons trouver, dans les situations les plus compromises, les forces du sursaut. Il nous engage à assumer les risques et les épreuves sans ménager notre courage.

Il nous appelle aussi à la lucidité. Il nous invite, dans un monde souvent confus, à distinguer, au-delà des modes et des raisonnements à courte vue, tous les possibles. Il nous incite également à suivre la voie que nous avons choisie, sans nous laisser abattre par l'adversité.

Il nous dit, enfin, que la France vivra, forte et généreuse, tant qu'elle sera déterminée à défendre, quoi qu'il en coûte, ses valeurs universelles, ses belles valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité.

Ne jamais renoncer à être ce que l'on est, quelles que soient les époques, quelles que soient les circonstances, c'est le message que nous devons retenir. C'est le message que nous a laissé le général de Gaulle.

Je vous remercie.





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