Discours du Président de la République lors des voeux aux armées


Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la cérémonie des voeux aux armées.

Imprimer

Palais de l'Elysée, mercredi 5 janvier 2005.

Monsieur le Premier Ministre,
Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre,
Mon Général,
Messieurs les Chefs d'états-majors,
Mesdames, Messieurs,

Je vous remercie, mon Général, des voeux que vous venez de me présenter au nom des armées, de la gendarmerie et auxquels j'ai été sensible.

A mon tour, je voudrais adresser très chaleureusement, en ce début d'année, mes souhaits de bonheur et de réussite à l'ensemble des personnels civils et militaires de la Défense ainsi qu'à leurs familles.

Mes pensées vont d'abord vers ceux qui ont payé de leur vie leur engagement au service de notre pays, et vers nos nombreux blessés. Nous devons être dignes de leur mémoire et de leurs souffrances.

Je souhaite qu'en ces moments de fêtes familiales, nous entourions tout spécialement nos blessés et les familles endeuillées, afin de leur manifester notre attention, notre affection, notre sollicitude.

Je pense également à celles et à ceux qui, tout au long de l'année, assurent avec beaucoup de compétence, beaucoup de discrétion, avec aussi beaucoup de courage et d'efficacité, la permanence de notre défense. Beaucoup, loin de leurs proches, ont passé ces fêtes au service de la Nation, partout où nos forces sont présentes; je ne les oublie pas et tous mes vœux, très sincères, vont également vers eux.
***
En 2004, vous l'avez évoqué, mon Général, les armées françaises et la gendarmerie ont été engagées à un niveau particulièrement élevé, sur le territoire national ou hors de nos frontières.

Au moment où nous parlons, notre attention est bien sûr focalisée sur l'opération BERYX de soutien à nos ressortissants et aux populations frappés par la terrible catastrophe qui s'est abattue sur les pays de l'océan indien. Et je veux ici rendre hommage aux armées qui ont immédiatement engagé des moyens aériens, navals, terrestres ainsi que des équipes spécialisées de la gendarmerie.

J'ai demandé au Gouvernement de mobiliser tous les moyens civils, militaires et de santé dont dispose l'Etat pour continuer à répondre aux urgences en adaptant, jour après jour, nos interventions à l'évolution de la situation et à l'évolution des besoins.

Je sais que les femmes et les hommes de la Défense déploient, comme d'habitude, toute leur énergie pour répondre à cette demande. Notre action devra en effet s'inscrire dans la durée car la force de notre engagement pour les populations sinistrées doit être à la mesure de l'ampleur de cette catastrophe.

Au-delà de l'urgence, nous travaillons activement à la mise en place, aux niveaux européen et mondial, de systèmes permanents de prévention, d'alerte et de secours, ainsi qu'à la reconstruction et au rétablissement de l'activité économique dans ces région sinistrées, en grande partie détruites en réalité, par le cataclysme. Le ministère de la Défense doit trouver toute sa place dans la réflexion et dans la mise en œuvre de ce projet.

Les conditions dans lesquelles s'effectuent toutes les opérations, qu'elles aient un caractère humanitaire ou militaire, sont, chacun le sait, complexes et délicates.

Les opérations PAMIR, HERACLES, LICORNE, TRIDENT, BOALI, CARBET, VIGIPIRATE, et d'autres encore évoquent, pour la communauté militaire, l'engagement de nos unités, partout dans le monde, dans des missions de rétablissement de la paix, de lutte contre le terrorisme ou de soutien aux populations en danger. Elles manifestent le rôle que la France entend jouer en Europe et sur la scène internationale pour préserver ses intérêts et ses valeurs.

Elles imposent, pour vous, les femmes et les hommes de la Défense, des contraintes lourdes, des comportements irréprochables, des savoir-faire maîtrisés et l'acceptation de risques, hélas, parfois fatals. C'est tout cela qui fait la noblesse et la grandeur de ce métier des armes, si exigeant, que vous avez choisi.

La première de vos contraintes, je le rappelais au Conseil supérieur de la fonction militaire que je recevais le 13 décembre dernier, c'est la disponibilité. Elle implique, à tout moment, d'être prêt à être projeté sur n'importe quel théâtre d'opération, à patrouiller sur toutes les mers du globe, à faire face à toute menace aérienne sur notre territoire, ou tout simplement à surveiller les lieux publics. Ces missions, le plus souvent impromptues, peuvent durer, en réalité, des jours voire des mois.

La maîtrise de soi dans des situations dangereuses impose de grandes qualités morales et physiques. Cela demande, tout à la fois, sang-froid et courage, discipline et détermination. C'est ce visage que nous ont montré les soldats de LICORNE, sous les ordres du Général Poncet, durant les événements de novembre dernier, en Côte d'Ivoire.

La parfaite maîtrise de savoir-faire complexes impose un entraînement forcément contraignant, difficile et qui n'est pas sans risques. La bonne réaction face au tireur embusqué, l'évacuation de ressortissants dans un milieu devenu hostile et dangereux, la protection de populations menacées, l'interposition entre deux factions qui rejettent la paix, tout cela ne s'improvise pas. La réussite de ces missions nécessite auparavant un entraînement intensif.

Enfin, l'actualité, régulièrement, vient nous rappeler que le métier de soldat implique aussi de consentir le sacrifice de sa vie. Je sais avec quelle dignité vous acceptez et vous assumez ce risque. Je le rappelais le 10 novembre, dans la Cour des Invalides, quand la Nation a rendu un juste hommage à neuf d'entre vous tombés au champ d'honneur, à Bouaké, quelques jours plus tôt : c'est souvent loin des siens et toujours au risque de sa vie que le soldat accomplit sa mission.

C'est ce que vous avez fait cette année encore, simplement, avec courage et dignité. La Nation, avec moi, vous en est profondément reconnaissante.


En 2004, la Politique Européenne de Sécurité et de Défense s'est encore renforcée. La France y a joué un rôle moteur, aux côtés de l'Allemagne et de la Belgique, avec le Royaume-Uni et l'Espagne, et d'autres encore. Nous avons effectué des progrès importants. Il nous faut maintenant, en 2005, ancrer cet acquis, le faire vivre et l'amplifier.

Après ses succès en Macédoine et en République Démocratique du Congo, l'Union européenne a pris, le 2 décembre dernier, la relève de l'OTAN en Bosnie-Herzégovine, pour la plus importante opération de sa jeune histoire militaire.

En parallèle, l'Union s'est encore développée dans les domaines institutionnels et industriels.

Le rôle des ministres de la Défense dans la construction de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense est maintenant pleinement reconnu. L'Agence européenne de défense est devenue une réalité. Elle dispose d'une feuille de route et d'un budget. Elle doit s'attacher prioritairement à obtenir des résultats concrets dans l'ensemble de ses domaines de compétence : le développement des capacités opérationnelles, la recherche, l'industrie, l'armement. Son rôle est essentiel pour la convergence des outils de défense de nos pays.

La démarche est ambitieuse. Elle a pour objectif de donner à l'Union la capacité d'agir, sous l'égide des Nations Unies, avec ou sans l'Alliance, dans toutes les situations où elle le jugera nécessaire. Elle renforcera la crédibilité de sa politique extérieure.

C'est d'ailleurs le sens de la création récente des groupements militaires d'intervention rapide. Les premiers seront opérationnels, dès le début de cette année, et pourront être déployés en quelques jours, n'importe où dans le monde, sous un faible préavis.

C'est aussi l'objectif de la création du Centre d'opérations de l'Union européenne. Il lui donnera les moyens de planifier et de conduire des opérations autonomes, de manière pleinement compatible avec l'OTAN.


L'engagement de la France en faveur de la construction de l'Europe de la défense n'est pas contradictoire avec son appartenance à l'Alliance atlantique. Bien au contraire.

C'est ainsi que nous sommes, parmi les alliés, l'un des plus engagés dans les opérations militaires de l'Alliance.

En ce moment même, loin des frontières de l'Europe, l'état-major du Corps européen et la brigade franco-allemande sont déployés en Afghanistan, sous le commandement du Général Py.

Plus près de nous, dans les Balkans, c'est encore un général français, le Général de Kermabon, qui dirige depuis septembre les forces alliées engagées au Kosovo.

C'est dans cet esprit aussi, qu'à l'été, des capacités de conduite et de commandement de l'Armée de l'Air seront mises à la disposition de la force de réaction rapide de l'OTAN, la NRF, dont nous sommes l'un des plus importants contributeurs.

Tout ceci démontre la complémentarité fondamentale entre une Europe de la défense crédible et une Alliance forte, base d'un partenariat transatlantique rénové.


Tous ces engagements imposent une amélioration constante de notre outil de défense. Des progrès ont été faits depuis deux ans pour moderniser les équipements, les structures, les mentalités. Car l'avenir ne peut se bâtir sans une réflexion permanente sur l'adéquation de nos moyens aux menaces, et sur l'adaptation des méthodes de travail aux évolutions rapides de la société moderne. La communauté militaire n'est pas repliée sur elle-même. Elle est ouverte sur les technologies les plus modernes, sur l'espace, mais aussi sur tous les acteurs qui rythment la vie des Nations.

Les visites que j'ai effectuées cette année dans les trois armées m'ont clairement montré que vous aviez pris en compte cette nécessité avec volonté, professionnalisme et détermination.

De même, dans le domaine de la conduite des programmes, la Délégation générale pour l'armement, sous l'impulsion de son nouveau délégué, François Lureau, a mis en œuvre une réforme importante afin de garantir, dans les meilleurs délais, une gestion mieux maîtrisée. Elle dispose désormais d'un cadre clair et de nouvelles perspectives qui lui permettent, en particulier, de contribuer à la constitution d'une base industrielle et technologique de défense.

Cet effort d'adaptation continuera en 2005.

Dans le domaine opérationnel, conformément à ses engagements, la France mettra, dès la fin de cette année, à la disposition de l'Union européenne une capacité de commandement de niveau stratégique, au Mont Valérien, qui lui permettra de conduire des opérations autonomes de grande ampleur.

Dans le domaine budgétaire, tout en respectant nos contraintes et nos engagements européens, j'ai veillé et je veillerai au strict respect de la loi de programmation militaire. J'ai également souhaité l'inscription, désormais acquise, d'une ligne particulière en loi de finances initiale, dédiée aux opérations extérieures. Le financement de ces opérations par des crédits spécifiques et non plus par des amputations sur les crédits d'investissement est une décision majeure et qui ne sera pas remise en cause.

Ces décisions étaient indispensables pour atteindre, dans de bonnes conditions, les objectifs fixés, en Conseil de défense, à la planification militaire.Mais l'adaptation des Armées passe également par la nécessaire évolution de leurs propres structures et de leurs règles de fonctionnement.

2005 sera l'année du nouveau statut général des militaires. Le Gouvernement a conduit une réflexion approfondie sur ce que devait être aujourd'hui la fonction militaire dans notre pays. Le texte est actuellement débattu par le Parlement. Il réaffirme les principes fondamentaux de l'état militaire : esprit de sacrifice, disponibilité, discipline, neutralité, loyauté.

Il réalise des progrès importants dans les domaines de la protection du militaire en opérations et de l'évaluation de la condition militaire.

Pour la Gendarmerie, j'ai souhaité, sur proposition de Madame la Ministre de la défense, que soit mis en œuvre un plan d'adaptation ambitieux. Il se traduira par l'amélioration de l'organisation territoriale, le doublement du nombre des officiers, un repyramidage des emplois de sous-officiers et la revalorisation des grades terminaux des différentes catégories de personnel. S'agissant de cette dernière mesure, j'ai veillé à ce qu'elle soit étendue aux armées et aux services. J'ai enfin tenu à ce que la Gendarmerie soit dirigée par un officier issu de ses rangs. L'ensemble de ces décisions, qui sont très importantes, doit permettre à la Gendarmerie de poursuivre sereinement la modernisation entreprise depuis trois ans. Dans le contexte difficile qui caractérise les finances publiques, nos gendarmes doivent prendre conscience des efforts qui sont faits à leur profit et je sais pouvoir compter sur leur loyauté et leur discipline.

Le moment est également venu, cette année, de doter nos armées d'une organisation centrale plus performante. Ce sera l'objet de la réforme du décret de 1982 fixant les attributions des chefs d'état-major. Il s'agit d'une entreprise importante dont chacun doit comprendre le bien-fondé. Je connais le poids des traditions mais je sais aussi, comme vous, que les conservatismes n'ont jamais permis de gagner les batailles. Cette réforme devra conforter, au sein du ministère, la prééminence nécessaire du chef d'état-major des armées dans le processus décisionnel. J'y suis particulièrement attaché.

Mon Général,
Mesdames, Messieurs,

Les capacités d'adaptation des armées et de la gendarmerie sont incontestables et, à bien des égards, exemplaires.
Les Français reconnaissent et apprécient la compétence et le dévouement que vous manifestez quotidiennement pour leur sécurité et pour la défense de la France.

Vous avez de très légitimes raisons d'être fiers de tout ce que vous avez accompli en 2004 sur le territoire national, comme en opérations extérieures.

Face aux défis du futur -et ils sont nombreux-, je sais pouvoir toujours compter sur votre mobilisation, votre dynamisme et votre sens du service.

En vous renouvelant mes meilleurs vœux, je vous exprime très chaleureusement mon estime, ma confiance et mon amitié.

Je vous remercie.





.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2006-04-06 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité