Allocution du Président de la République devant la communauté française du Sénégal.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant la communauté française du Sénégal.

Imprimer

Dakar (SENEGAL) - Jeudi 3 février 2005.

Mes chers compatriotes,

Je suis, bien sûr, particulièrement heureux de me retrouver ce soir parmi vous, à l'occasion de cette visite au Sénégal que je souhaitais effectuer depuis longtemps et dont je profite tout particulièrement.

Je voudrais tout d'abord saluer très cordialement chacune et chacun d'entre vous, et, à travers vous, l'ensemble de la communauté française au Sénégal. Cette communauté qui, avec quelque 28 000 personnes, est aujourd'hui la plus nombreuse sur le continent africain et probablement l'une des plus dynamiques.

Et je voudrais saluer ceux qui m'ont accompagné, nos parlementaires nationaux : Madame Martine AURILLAC, députée, Monsieur Pierre BEDIER, député, et Jean-Pierre CANTEGRIT, sénateur ainsi que les quatre conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger.

Je voudrais saluer et remercier tout particulièrement notre ambassadeur, M. ROISIN et, bien entendu, son épouse.

Je voudrais, enfin, vous dire combien j'ai été touché, comme d'ailleurs l'ensemble de notre délégation par la chaleur de l'accueil que nous ont réservé les autorités sénégalaises et aussi la population de la capitale, hier, et aujourd'hui, et de Saint-Louis ce matin.

Par ailleurs, j'ai eu d'excellents entretiens, à la fois, approfondis et amicaux, avec le Président Abdoulaye WADE. Ce matin, je suis allé à Saint-Louis et j'ai cet après-midi rendu visite aux Forces françaises du Cap Vert. Demain, je participerai à l'ouverture du ''Dakar Agricole'', sorte de Davos, qu'a voulu le Président sénégalais, pour réfléchir et c'était particulièrement utile et même, je dirais, nécessaire, aujourd'hui, pour réfléchir aux problèmes posés par ce qu'il appelle, à juste titre, la fracture agricole entre pays riches et pays pauvres et qui mérite une véritable réflexion et des propositions. Ensuite, je me rendrai au Congo.

J'ai, depuis hier, beaucoup de plaisir à constater que le Sénégal, où je suis, par ailleurs, venu bien souvent, est un pays qui s'anime et qui se transforme ! C'est un pays qui va de l'avant. Il est, dans la région, l'un des plus en phase avec l'évolution de notre temps. Sans négliger sa culture et ses traditions, il a su s'insérer dans le grand mouvement de la modernisation avec ses moyens et il mérite d'être aidé et encouragé.

Je sais le rôle que jouent les Français du Sénégal dans cette transformation et dans cet essor. D'ailleurs, les autorités sénégalaises et le Président lui-même ne manquent jamais une occasion de leur rendre hommage et de souligner ce rôle.

Quelque 250 entreprises sont présentes ici et font, de notre pays, le premier investisseur et le premier partenaire commercial du Sénégal.

Vous constituez une communauté vivante et plurielle : certains d'entre vous sont installés ici depuis longtemps, d'autres sont en mission temporaire, d'autres enfin sont des bi-nationaux, qui incarnent l'étroitesse des liens qui existent entre nos deux pays. Tous et toutes, vous contribuez à faire vivre la relation sénégalo-française, vous lui donnez son rythme et vous en illustrez la personnalité si particulière et aussi si attachante.

Nous savons bien qu'au-delà des intérêts communs entre les Etats, les liens entre les pays, entre les peuples passent nécessairement par les hommes et les femmes. Sur cette terre du Sénégal, si proche de la France par tant de liens historiques et culturels, ce sont plusieurs générations de Français qui ont grandi et vécu, et qui ont travaillé à construire une relation devenue aujourd'hui un partenariat, à la fois, amical et fraternel, dont nous sommes fiers. Sachez que la France, votre pays, vous est infiniment reconnaissante du rôle essentiel que vous avez joué dans l'affirmation et le développement moderne de ce partenariat.

La présence française a pris un sens tout particulier lorsque nos compatriotes résidant en Côte d'Ivoire ont, récemment, traversé la douloureuse épreuve que nous connaissons : ce sont plus de 360 personnes qui ont trouvé, ici, refuge après ces événements. Certains, je crois, sont parmi nous ce soir et je les salue particulièrement. Ils ont reçu, grâce à vous, au Sénégal un accueil généreux : l'élan de solidarité et de fraternité qui s'est manifesté les a, je le sais, réconfortés. Alors, permettez-moi de vous remercier, chaleureusement, au nom de la solidarité française.

Je tiens à dire à cette occasion que nous ne perdons pas espoir et que nous ne renonçons pas à aider les Ivoiriens à retrouver le pays paisible et prospère qui fut le leur et qui doit le redevenir.

C'est la raison de notre engagement actuel, sous mandat des Nations Unies, pour préserver la paix civile et pour faciliter la réconciliation nationale. Si les Ivoiriens le souhaitent, cet engagement de la France sera maintenu.

Dans le même temps, nous soutenons sans réserve les accords d'ACCRA III et la médiation de l'Union africaine menée avec méthode et autorité par le Président M'BEKI, ainsi que la mise en œuvre de la résolution 1572 du Conseil de sécurité des Nations Unies.

La communauté internationale doit continuer à se mobiliser pour que soient levés les obstacles qui empêchent la réunification du pays et qui risquent de retarder, ce qui serait fâcheux, le calendrier électoral en Côte d'Ivoire.

Le recours aux armes, loin de résoudre le conflit, ne pourrait que le relancer.

C'est seulement par des élections libres et honnêtes que les Ivoiriens pourront mettre fin à la crise qui, hélas, les déchire.

Ici, pour nos compatriotes de Côte d'Ivoire, nombre de mesures d'urgence ont été prises, notamment pour la scolarisation des enfants et, bien entendu, leur situation personnelle sera suivie, de façon particulière, compte tenu des décisions générales qui ont été adoptées par le Gouvernement français pour aider ou exprimer la solidarité de notre pays à l'égard de l'ensemble des Français de Côte d'Ivoire qui ont été victimes des événements.

J'ai évoqué la scolarisation des enfants et, en particulier, cet élan de générosité qui s'est traduit par le fait que tous les enfants venus de Côte d'Ivoire ont été scolarisés, grâce à vous, toutes et tous, dans les meilleures ou moins mauvaises conditions. Mais avant l'arrivée de ces nouveaux élèves, nous savons très bien que les capacités de nos écoles françaises au Sénégal étaient déjà tout juste suffisantes et que le lycée Jean Mermoz se révélait également inadapté.

J'ai donc pris la décision de faire reconstruire à Dakar, sur la proposition de notre ministre, M. DARCOS, que j'ai omis de saluer, mais cela allait de soi naturellement, sur sa proposition, un grand lycée français. Nous répondons ainsi à votre demande mais également à celle de nos amis sénégalais attachés eux aussi à cet établissement. Ce projet sera donc entrepris rapidement et devrait aboutir d'ici trois ou quatre ans au maximum.

Dès cette année, nous honorerons de nouveau la haute figure de Léopold Sédar SENGHOR. C'est pourquoi, en plein accord avec sa famille et avec le Président Abdoulaye WADE, j'ai décidé de baptiser de son nom l'Institut culturel et linguistique de Dakar, qui désormais sera l'Institut Léopold Sédar Senghor.

Ce lieu de rencontre et d'échange, si familier des Dakarois, portera ainsi très haut le message de tolérance, d'ouverture, et d'amour de la langue française que n'a cessé de prodiguer le Président SENGHOR.

Mes chers compatriotes, je sais que votre vie, hors de nos frontières, est une vie exaltante mais aussi contraignante. Certaines situations sont précaires. Des risques particuliers existent. L'ampleur de la catastrophe dans l'Océan indien n'efface pas de nos mémoires celle du Joola qui a fait tant de victimes sénégalaises et aussi françaises. Leur souvenir restera dans nos cœurs.

Vos représentants m'ont aussi parlé de l'environnement des affaires et des progrès qu'ils souhaitent sur le plan administratif, judiciaire ou fiscal. Je connais vos préoccupations sur ces différents points et j'en ai longuement parlé avec le Président WADE. C'est ensemble que Sénégalais et Français pourront contribuer à la dynamique réformatrice que vous appelez de vos vœux, pour améliorer votre cadre de vie et celui de vos affaires.

Je suivrai l'évolution de la situation, grâce notamment aux rapports qu'en feront vos élus. Mais vous savez que l'ambassade et l'ensemble de ses services sont à votre disposition à cet égard. Ils se sont déjà mobilisés avec efficacité sous l'impulsion de notre ambassadeur, très attentif et compétent sur ces questions.

Encore faut-il que les conditions d'accueil soient satisfaisantes dans nos propres locaux ! D'importants travaux seront entrepris dès cette année, pour donner au Consulat général de France à Dakar l'image qui convient à une véritable vitrine de la France, ce qui n'est pas, aujourd'hui, le cas. Dans le même esprit, j'ai demandé le maintien du Consulat général à Saint-Louis. L'histoire, comme l'avenir de cette région, l'imposaient tout naturellement.

L'année 2005, vous le savez mes chers compatriotes, sera celle du référendum sur la constitution européenne. Permettez-moi de saisir l'occasion de cette rencontre pour vous encourager à exercer, c'est essentiel, le moment venu, votre devoir de citoyen et à vous exprimer sur cette question cruciale pour l'avenir de votre pays, de notre pays.

A chacune et chacun d'entre vous, je tiens à témoigner ma reconnaissance, une grande reconnaissance pour son action quotidienne en faveur de l'amitié, de la solidarité, de la coopération entre le Sénégal et la France. Et du fond du cœur, je vous remercie de cette contribution essentielle au rayonnement de notre pays, la France.

Je vous remercie.





.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2006-04-06 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité