Message du Président de la République, à l'occasion du deuxième Forum de Paris : "Le défi de l'Euro-méditerranée".

Message de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lu par M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à l'occasion du deuxième Forum de Paris : "Le défi de l'Euro-méditerranée".

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Palais de l'UNESCO (Paris) - Lundi 12 décembre 2005.

Messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,

Je suis heureux de m'associer à tous les participants réunis aujourd'hui pour cette seconde édition du Forum de Paris. Deux semaines après le sommet de Barcelone qui a donné un nouvel élan au processus euro-méditerranéen lancé voici dix ans, des responsables officiels, mais aussi et surtout des acteurs de la société civile, chefs d'entreprise, intellectuels, journalistes, tenteront ici de répondre au "défi de l'Euro-Méditerranée".

Le thème de votre conférence est porteur d'une double exigence : celle de la lucidité, celle, aussi, de l'ambition et de la volonté.

Être lucide, c'est reconnaître les urgences. Chacun voit bien les défis auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés. Ils sont communs aux deux rives de la Méditerranée et nous incitent à conjuguer nos efforts. Qu'il s'agisse des aspirations à la paix et à la sécurité, au progrès et à la prospérité, à la démocratie et au respect des droits de l'homme, le sentiment d'un même destin nous unit désormais. Car la Méditerranée ne peut et ne doit pas être une barrière ; elle doit affirmer sa vocation de trait d'union.

Le phénomène migratoire bouscule la notion traditionnelle de frontière. Les drames de Ceuta et Mellila nous rappellent la nécessité d'une réponse globale et équilibrée, dans un esprit de responsabilité partagée. C'est la recherche de cette approche commune entre pays d'origine, pays de transit et pays d'accueil qui nous a mobilisés à la réunion européenne d'Hampton Court, à Barcelone et au sommet Afrique-France de Bamako. Elle sera au cœur de la conférence euro-africaine envisagée en 2006, à laquelle nous oeuvrons pour combiner efficacement la lutte contre les trafics clandestins et des projets donnant aux populations du Sud de meilleures perspectives de développement dans leur pays.

La nécessité du développement économique et de la promotion de l'emploi invite à aller plus loin que la zone de libre échange à laquelle nous travaillons à l'horizon 2010. Il faut attirer les investissements sur la rive Sud et pour cela, transformer fondamentalement l'environnement des affaires.

La lutte contre le terrorisme, dans le respect du droit international, des droits de l'homme et de nos valeurs communes, nous rassemble et doit nous conduire à renforcer nos instruments de coopération policière et judiciaire. Ainsi venons-nous d'adopter un code de conduite contre le terrorisme. N'oublions pas cependant que la perpétuation de crises régionales, au premier rang desquelles le conflit israélo-palestinien, entretient les sentiments de frustration. La communauté internationale doit redoubler d'efforts pour le résoudre. Il y va de sa crédibilité.

Démocratie et meilleure gouvernance sont l'ambition partagée des peuples et des gouvernements réformateurs. L'Europe doit les aider dans leur démarche et s'est dotée des instruments nécessaires.

Dans cette mer commune, nous devons apprendre aussi à relever ensemble le défi écologique. La pression démographique croissante en menace l'exceptionnel patrimoine naturel aussi bien que culturel. Il nous appartient de léguer aux générations futures un environnement sain et respecté.

La multiplicité des initiatives consacrées à la Méditerranée, qu'elles soient internes ou extérieures à la région, prouve par ailleurs la vitalité de cette zone, jadis épicentre de fractures entre les empires, aujourd'hui confrontée au défi de la coexistence, de la paix, et de la diversité culturelle. La singularité de l'aventure euro-méditerrranéenne nous vient d'une longue histoire commune dont nous tirons chaque jour les enseignements. Elle nous permet de nous appuyer sur le passé pour construire un devenir commun. Sans être exclusif des autres initiatives, notre partenariat mérite bien de voir préserver sa spécificité et son autonomie.

Autant d'urgences qui doivent nous insuffler une ambition nouvelle. La Méditerranée, il faut le dire clairement, doit demeurer une priorité stratégique pour l'Europe. Aussi la poursuite des engagements de l'Union, y compris financiers, doit-elle être assurée. La nouvelle politique de voisinage devra, de mon point de vue, consolider cet engagement, avec une clé de répartition assurant les deux-tiers de l'aide au bénéfice de la Méditerranée. Pour être plus efficaces, pourquoi ne pas s'inspirer de la méthode des fonds structurels qui a si bien réussi au sein de l'Europe, et pourrait bénéficier au développement de certaines régions-pilotes ?

A cette ambition renouvelée, il faut de nouveaux instruments. L'un des thèmes de votre forum est la création d'une véritable Communauté de la Méditerranée, avec instance exécutive, institution financière consacrée au développement régional et instance consultative associant la société civile. Laissons-nous guider par cette vision stratégique porteuse d'avenir.

A Barcelone, j'ai pour ma part proposé la création de premières institutions communes, telles un secrétariat politique paritaire et un mécanisme renforcé de consultation politique au niveau des Ministres des affaires étrangères. A terme, une banque euro-méditeranéenne de développement pourrait dynamiser les échanges et attirer les investissements au Sud. Ce pourrait être, dans un premier temps, une filiale de la BEI. Ces institutions viendraient s'ajouter aux nouvelles structures que sont l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, la fondation Anna-Lindh pour le dialogue des cultures, ou encore la plate-forme des organisations non-gouvernementales, qui vise à refléter les aspirations de la société civile. Tout ce qui est de nature à promouvoir le sentiment d'appartenance à cette collectivité méditerranéenne me semble devoir être encouragé.

Je souhaite plein succès à votre conférence. Ses résultats nourriront la réflexion des décideurs et des acteurs. Tous les efforts sont aujourd'hui les bienvenus dans cette aventure collective en vue d'un espace commun de paix, de stabilité, de prospérité et de liberté.





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