Allocution prononcée par M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant la communauté française de Libye

AAllocution prononcée par M. Jacques CHIRAC, Président de la République Française devant la communauté française établie en Libye.

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Tripoli - Libye le mercredi 24 novembre 2004.


Messieurs les Ministres,
Monsieur l'Ambassadeur,
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Mes Chers Compatriotes,

Permettez-moi tout d'abord, de vous exprimer ma joie de partager avec vous, ce soir, un moment, pour moi, exceptionnel. Je salue bien sûr chacune et chacun d'entre vous, et, à travers vous, l'ensemble de la communauté française en Libye. Je veux aussi remercier, en notre nom à tous, l'Ambassadeur de France, M. Jean-Luc Sibiude, pour sa chaleureuse et sympathique hospitalité.

C'est bien un moment exceptionnel qu'il nous est donné de vivre aujourd'hui ensemble. La visite que j'effectue en Libye, sur cette rive sud de la Méditerranée qui nous est chère, dans cette Afrique du Nord dont nous nous sentons si proches, est en effet la première visite d'un Président de la République française dans ce pays. Elle reconnaît le chemin parcouru par la Libye au cours des dernières années. Elle illustre également la volonté conjointe de nos deux pays de se tourner dorénavant ensemble vers l'avenir.

La Libye a effectué en effet, au cours de la période récente, des choix décisifs : le choix de la responsabilité, le choix de la réconciliation et du règlement des derniers contentieux qui faisaient obstacle à sa réintégration dans le concert des nations, le choix plus simplement de l'ouverture au monde. C'est dans ce cadre qu'un certain nombre d'affaires particulièrement douloureuses -je veux parler de l'attentat de Lockerbie, de ceux contre le DC-10 d'UTA ou contre la discothèque "La Belle" en Allemagne- ont connu un dénouement, au terme de beaucoup d'efforts et de beaucoup de persévérance, et dans le respect bien sûr de la mémoire des victimes. Dès lors, les sanctions édictées par l'ONU contre la Libye ont pu être levées. Dans le même temps, la renonciation par la Libye à ses programmes d'armes de destruction massive lui a permis de renouer un dialogue normal avec la communauté internationale.

Ces événements, la France les appelait de ses voeux. Ils étaient nécessaires pour lui permettre d'engager un renouveau de ses relations avec la Libye. J'emploie le mot renouveau à dessein, car j'ai, comme vous tous et vous toutes en mémoire, la relation particulièrement forte et dense que nous avons entretenue dans les années 1970.

Nous avons connu ensuite de fortes turbulences. Cette période difficile est heureusement révolue. Nous voici entrés dans une phase dynamique et positive, avec la volonté de part et d'autre de reconstruire un dialogue fort et d'établir un vrai partenariat, à l'image de nos relations avec ce Maghreb qui occupe une place essentielle dans notre politique étrangère et aussi dans notre coeur.

Toute une série de visites et d'échanges ont témoigné, tout au long de cette année, du resserrement de nos relations. Ce fut d'abord, à la suite de l'accord conclu entre les familles des victimes de l'attentat contre le DC-10 d'UTA et la Fondation Qaddafi, la rencontre en janvier, à Paris, de nos ministres des Affaires étrangères. Ce fut ensuite, en mars, la visite à Tripoli du ministre du Commerce extérieur, M. François Loos, accompagné de plus de 70 chefs d'entreprises. Puis en avril, vous-même, Monsieur le Président de la Commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale, avez tenu à participer à la Foire internationale de Tripoli. Au même moment, je recevais le Premier ministre libyen, M. Choukri Ghanem. A cette occasion, nous avons conclu plusieurs accords : un nouvel accord de coopération culturelle, scientifique et technique, un accord de protection et d'encouragement des investissements, un accord de coopération en matière de tourisme, un autre enfin pour favoriser nos échanges universitaires. Il y a quelques semaines, notre ministre des Affaires étrangères, M. Michel Barnier, est venu préparer ici ma visite. Il y a quelques jours, enfin, c'est le ministre libyen des Finances, qui s'est rendu à Paris pour solder les dettes de la Libye à l'égard de la COFACE et dégager ainsi les dernières difficultés qui pouvaient exister dans le développement de nos relations commerciales.

J'ai souhaité, à travers ce rappel, vous convaincre du soin que nous avons mis à ce que ces retrouvailles soient solides. Le chemin parcouru s'annonce, je crois que l'on peut le dire aujourd'hui, prometteur. Nous devons, naturellement, maintenant le consolider et avancer.

Vous savez, vous qui habitez ici, et qui connaissez bien ce pays, tout ce qui nous unit depuis les temps anciens !

Il y a, en premier lieu, cet héritage grec et romain que nous avons en partage. A Leptis Magna, à Appollonia et à Sabratha, la Libye dispose de l'un des plus somptueux patrimoines archéologiques latins et helléniques d'Afrique. Depuis plus de trente ans, la France, à travers la Mission archéologique dont on ne dira jamais assez de bien, apporte sa contribution à la découverte et à la restauration de ces sites exceptionnels. Et je suis heureux de rendre ici hommage à la ténacité et à l'immense talent du Professeur Laronde, qui a été le grand artisan, comme chacun le sait, de cette coopération.

La Libye et la France sont liées aussi par leurs solidarités méditerranéennes. La France a toujours entretenu des relations fortes avec la rive Sud de la Méditerranée, et, au delà, avec l'ensemble arabo-musulman, dont nous savons ce qu'il a apporté, depuis le Moyen âge, à notre civilisation commune.

Enfin, Libyens et Français portent la même attention soutenue au devenir du continent africain tout entier. L'Afrique, son développement, sa stabilité, qui seront d'ailleurs au coeur du Sommet de la Francophonie qui s'ouvre demain à Ouagadougou.

Toutes ces raisons, mes chers compatriotes, nous invitent à accompagner les efforts de la Libye pour reprendre toute sa place sur la scène mondiale, au sein notamment des enceintes régionales où elle a vocation naturelle à jouer un rôle important.

Cette relance, nous souhaitons la développer avec les autorités libyennes par un dialogue politique approfondi et confiant sur les sujets qui nous tiennent à coeur : le Maghreb, la Méditerranée, l'Afrique ; par notre soutien aussi au mouvement de réformes et d'ouverture entrepris par la Libye ; par l'affirmation de notre engagement économique dans ce pays et la présence de nos entreprises dans les secteurs stratégiques de l'énergie, des infrastructures, des télécommunications, des transports, de l'eau, de l'environnement, d'autres encore ; par la relance de notre coopération dans des domaines prioritaires comme le tourisme, la formation professionnelle, l'accueil d'étudiants libyens dans nos universités. Enfin, nous encourageons le rapprochement de la Libye avec l'Union européenne dans la perspective, que nous souhaitons prochaine, de son adhésion au processus de Barcelone.

Voilà, mes chers compatriotes, le message que je suis venu transmettre au Colonel Qaddafi. Je tenais à vous en faire part, car c'est d'abord vous qui, par votre dynamisme et par votre compétence, faites rayonner en Libye les talents et les savoir-faire français. Vous qui participez ainsi au développement et à la modernisation de ce pays, et au renforcement de nos liens économiques et humains. Vous qui jouez un rôle essentiel dans notre rapprochement. Sachez que j'en ai parfaitement conscience et que je vous en suis extrêmement reconnaissant.

A toutes celles et à tous ceux d'entre vous qui sont restés ici pendant les années difficiles, je veux dire mon estime et ma gratitude. Par votre présence, vous avez témoigné de votre confiance dans l'avenir et dans le renouveau de la relation franco-libyenne. Vos efforts portent leurs fruits, puisqu'en quelques années seulement, votre communauté a, je crois, plus que doublé.

Je sais que vos conditions de vie restent parfois inconfortables. Vous rencontrez des problèmes pour les visas de résidence ou de court séjour. Avec les autorités libyennes, nous allons examiner ce qui peut être fait pour y mettre un terme. Nous avons également le projet, qui vous tient à coeur, Monsieur l'Ambassadeur, de construire une nouvelle Ambassade et nous allons faire des efforts pour trouver un nouvel emplacement, plus vaste, afin d'accueillir l'Ecole française. Une école présente en Libye depuis 1956 et dont je veux saluer le travail, qui dispense un enseignement de qualité, de la maternelle à la seconde, à près de 300 élèves représentant une trentaine de nationalités. Je tiens à saluer les enseignants et celles et ceux qui permettent à cette école de bien fonctionner. Je n'oublie pas naturellement l'Institut culturel français de Tripoli et son antenne de Benghazi, qui font vivre ici l'âme et le génie français et constituent la vitrine culturelle de la France en Libye.

Le moment est venu de redonner à la France les moyens de tenir sa place et son rang en Libye et de répondre ainsi aux attentes de nos partenaires libyens, comme à vos attentes.

A toutes et à tous, je veux dire une nouvelle fois la gratitude et l'estime de nos compatriotes. Je voudrais aussi vous remercier d'incarner ici, en précurseurs, l'esprit d'amitié de la France, son ambition pour une relation d'avenir solide avec la Libye, chaleureuse, confiante. Et bien sûr, j'adresse à chacune et à chacun d'entre vous mes voeux personnels de succès et de réussite.

Je vous remercie.





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