Propos introductifs du Président de la République lors de la réunion avec les ONG, les organisations professionnelles et les collectivités locales.

Propos introductifs du Président de la République lors de la réunion avec les ONG, les organisations professionnelles et les collectivités locales

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Palais de l'Élysée, Paris le mardi 18 mai 2004.


Notre rencontre d'aujourd'hui s'inscrit dans le prolongement du dialogue que nous avions engagé avant le G8 d'Evian l'an dernier.

Je tiens à dire aux organisations de solidarité internationale que je suis informé de leurs difficultés financières actuelles. J'ai ainsi souhaité, avec le Premier Ministre, qu'une solution rapide puisse être trouvée. Un effort significatif - dans le contexte budgétaire actuel - vient d'être décidé par le gouvernement afin de remédier à cette situation.

A plus long terme, je souhaite qu'une part plus importante de l'aide française au développement puisse transiter par vos organisations dont l'action porte sur le terrain le témoignage de l'engagement des Français pour un monde plus solidaire.



A la veille de la réunion de Sea Island et avant de vous donner la parole, je voudrais vous faire part de quelques priorités.

Pour la France, vous le savez, le G8 a un rôle d'impulsion utile, mais limité. Il n'a pas vocation à s'ériger en directoire du monde ni à se substituer aux institutions multilatérales, à commencer par les Nations Unies. Sa légitimité découle du poids économique de ses membres, qui leur confère une responsabilité particulière pour promouvoir la croissance et l'emploi et rechercher ensemble des réponses aux grands défis de notre temps :

- le défi de la solidarité, notamment vis-à-vis de l'Afrique ;
- le défi de la responsabilité, pour mettre les forces de la mondialisation au service du progrès social et humain et pour remédier à la dégradation de notre environnement.


Les priorités françaises pour Sea Island

1) Première priorité : promouvoir une croissance durable et équitable.

La vocation du G8 est d'abord économique. Ainsi, comme chaque année, nous allons discuter à Sea Island de la situation économique mondiale. Une situation marquée par la reprise de la croissance.

Je suis néanmoins préoccupé par la persistance de déséquilibres importants. Au moment où la France et l'Europe poursuivent des réformes indispensables, mais difficiles, la croissance plus forte dont jouissent aujourd'hui les Etats-Unis est financée par le creusement des déficits (budgétaire et commercial). Cette situation est porteuse de risques, notamment sur l'évolution des changes et des taux d'intérêt. Nous en parlerons.

Nous évoquerons également les conséquences possibles de la forte hausse des prix du pétrole sur la croissance mondiale.

Nous devrons également discuter à Sea Island de l'évolution à plus long terme de l'économie mondiale. Cette évolution se caractérise par des phénomènes très positifs comme l'émergence de la Chine ou de l'Inde, qui permet à des centaines de millions de femmes et d'hommes d'échapper à la pauvreté.

Mais elle s'accompagne également de phénomènes préoccupants comme la marginalisation persistante des pays les plus pauvres, et notamment de l'Afrique.

Nous assistons enfin à la poursuite d'un mouvement de délocalisations, dans des conditions parfois contestables. Nous essayons avec nos partenaires européens, notamment l'Allemagne, d'avoir une approche commune sur cette question.

Nous devrons examiner à Sea Island la possibilité de relancer les négociations du cycle de Doha à l'OMC. Je suis naturellement favorable à la libéralisation des échanges. Mais il ne faut pas en oublier la finalité : créer de nouvelles richesses au bénéfice du plus grand nombre, et notamment des plus pauvres.

La raison d'être de ce cycle est le développement. J'avais d'ailleurs formulé l'année dernière, lors du Sommet Afrique-France, des propositions en faveur de l'Afrique subsaharienne - ce continent marginalisé de la mondialisation. Ces propositions - qui portaient sur les préférences commerciales, les prix des matières premières et les subventions agricoles à l'exportation des pays riches vers cette région du monde - restent sur la table.

Je constate cependant aujourd'hui que nous sommes en train de perdre de vue l'objectif premier du cycle et que les débats se concentrent sur l'élimination des restitutions européennes. Cette mesure aurait un coût social pour nos agriculteurs.

Toute la question est maintenant de savoir dans quelle mesure elle serait équilibrée par des mouvements similaires de nos partenaires et profiterait vraiment aux agriculteurs des pays pauvres. C'est pourquoi je compte insister sur un strict parallélisme dans le traitement de toutes les formes de soutiens agricoles à l'exportation, directs ou indirects.

La poursuite de la libéralisation des échanges doit être le vecteur de progrès humain, social et environnemental. C'est pourquoi je compte soulever à Sea Island le thème du « commerce responsable », dans le prolongement des conclusions d'Evian et du rapport de la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation, que M. SOMAVIA viendra me présenter le 25 mai.

Je proposerai ainsi de renforcer les mécanismes d'engagement volontaire des entreprises déjà existants (principes directeurs de l'OCDE pour les entreprises multinationales, Pacte mondial des Nations Unies) et d'examiner la faisabilité de nouveaux instruments fondés sur un renforcement de la responsabilité des entreprises multinationales ou un renforcement de la responsabilité des Etats quand il s'agit de veiller au respect par leurs entreprises de certains droits humains ou sociaux fondamentaux.

J'ai en outre proposé que le G8 prenne, dès cette année, une initiative sur l'esclavage. 2004 a été déclarée par les Nations Unies « Année internationale pour la commémoration du combat contre l'esclavage et son abolition ». Or, ce fléau que l'on croyait disparu renaît avec la mondialisation. Vingt millions de femmes et d'hommes, dont de très nombreux enfants, en sont aujourd'hui victimes de par le monde. J'ai ainsi proposé à nos partenaires du G8 l'adoption de législations nationales dans chacun de nos pays afin de permettre les poursuites pénales contre nos entreprises qui, en connaissance de cause, auraient recouru à des formes modernes d'esclavage dans des pays tiers.



2) Deuxième priorité : le développement.


Les Nations Unies feront en 2005, au tiers du parcours, le point sur la réalisation des Objectifs du Millénaire. Des efforts supplémentaires seront indispensables pour tenir l'échéance de 2015. Le combat sera gagné ou perdu en Afrique autant qu'en Chine ou en Inde.

Nous adopterons ainsi à Sea Island un plan d'action afin de mobiliser l'initiative et les financements privés au service du développement. Ce plan visera notamment à :

- réduire les coûts des transferts des migrants vers leurs pays d'origine et à canaliser ces flux, qui représentent plusieurs dizaines de milliards d'euros par an, vers des investissements productifs. Je rappellerai toutefois que cet argent appartient à ceux qui l'ont gagné par leur travail et ne saurait donc constituer un substitut à l'aide publique au développement ;
- sur une proposition française, ce plan d'action devrait également comporter une initiative sur la microfinance. Notre objectif doit être le changement d'échelle de ces mécanismes, qui ont déjà permis à plusieurs dizaines de millions de femmes et d'hommes trop pauvres pour accéder au système bancaire traditionnel, dans les pays en développement, de réaliser leur projet et d'améliorer leur sort. J'ai reçu ce matin M. Mohammed YUNUS (Grameen Bank) ainsi notamment que Mme Maria NOWAK et M. Xavier LAMBLIN.

L'initiative et les financements privés ne sauraient se substituer à l'aide publique au développement, notamment dans le domaine des infrastructures ou dans les secteurs sociaux (éducation, santé).

Nous devrons également faire le point à Sea Island sur la mise en oeuvre de l'initiative de réduction de la dette des pays les plus pauvres, qui arrive en principe à échéance à la fin de cette année. Cette initiative a pris du retard, même si le règlement récent du cas du Niger, pour lequel je suis personnellement intervenu, constitue une très bonne nouvelle.

Il faudrait, d'après les experts, quelque cinquante milliards de dollars d'APD supplémentaires par an d'ici 2015 pour atteindre les objectifs du Millénaire. L'augmentation, à laquelle nous nous sommes engagés à Monterrey - et vous connaissez l'effort particulier de la France -, n'y suffira pas.

Une réflexion internationale, que soutient pleinement la France, est engagée sur des mécanismes de financements innovants, comme les facilités financières ou la taxation internationale. Nous avons ainsi organisé avec les Britanniques, le 8 avril dernier à Bercy, une conférence ministérielle sur le financement du développement et la Banque Mondiale devrait rendre un rapport sur le sujet à l'automne.

J'ai reçu par ailleurs, le 14 mai dernier, les conclusions préliminaires du groupe de travail que j'avais constitué, sous la présidence de Jean-Pierre LANDAU, pour examiner la faisabilité des différentes formules possibles de fiscalité internationale. Sans méconnaître les difficultés soulevées par de tels mécanismes, ces travaux ont permis d'ouvrir des pistes prometteuses.

J'écrirai prochainement à nos partenaires du G8 ainsi qu'à un certain nombre d'autres dirigeants pour les informer de ces conclusions et je compte évoquer le sujet à Sea Island. Je souhaite que ce débat continue à se développer et je fonde, à cet égard, beaucoup d'espoir sur la présidence britannique du G8 en 2005.


3) Troisième priorité : le NEPAD.

Le NEPAD est aujourd'hui dans une phase particulièrement délicate : le passage de la théorie à la pratique. Sa mise en oeuvre progresse et les premiers examens par les pairs ("peer review"), enjeu majeur de bonne gouvernance, devraient débuter très prochainement. Dans cette phase décisive, le G8 ne doit pas relâcher son soutien. Et ce sera d'ailleurs l'une des priorités de la présidence britannique de 2005.

La présidence américaine du G8, cette année, envisage désormais d'inviter quelques dirigeants africains à Sea Island, pour un dialogue au sommet. Nous devrions également adopter plusieurs textes qui appuient la démarche du NEPAD :

- un plan d'action sur la sécurité alimentaire, la productivité agricole et le développement rural, qui vise notamment à briser le cycle de la famine en Ethiopie ;
- un plan d'action sur le renforcement des capacités de maintien de la paix, qui sera d'abord concentré sur l'Afrique.

4) Quatrième priorité : la santé et la lutte contre le sida.

La présidence américaine propose que le G8 adopte à Sea Island une initiative visant à mieux coordonner les efforts pour la recherche d'un vaccin contre le sida. Nous soutenons le principe de cette initiative utile mais nous ne devons par perdre de vue que la mise au point d'un vaccin contre cette terrible maladie demeure, hélas, une perspective lointaine. Ainsi, la priorité doit rester la prévention et l'accès au traitement.

Je souhaite ainsi que le G8 à Sea Island réaffirme explicitement son soutien au Fonds mondial. Je suis particulièrement préoccupé, à cet égard, par le financement pérenne de ce Fonds.

Je rappellerai également à Sea Island l'importance d'une bonne application de l'accord trouvé à l'OMC sur la propriété intellectuelle et l'accès aux médicaments. La France, pour sa part, a proposé aux pays africains qui le souhaiteraient son assistance pour mettre en oeuvre ces flexibilités. Par ailleurs, la transposition des dispositions de cet accord dans notre droit interne est en cours et je souhaite qu'elle aboutisse rapidement.

5) Cinquième priorité : l'environnement et la lutte contre le changement climatique.

J'entends rappeler à Sea Island l'urgence absolue de la lutte contre le réchauffement climatique. Il s'agit là d'un enjeu qui engage l'avenir de la planète, même si certains grands pays ont adopté sur ce sujet une position regrettable et intenable à terme. Dans cette perspective, je continuerai à plaider auprès du Président POUTINE pour que la Russie ratifie sans plus tarder le Protocole de Kyoto, afin d'en permettre l'entrée en vigueur.

Nous devrons également discuter de la biodiversité, dans le cadre du suivi du sommet d'Evian.





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