Discours de M. Jacques CHIRAC Président de la République en réponse aux voeux du doyen du Corps diplomatique représentant les pays ayant conclu des accords particuliers avec la France

Discours de M. Jacques CHIRAC Président de la République en réponse aux voeux du doyen du Corps diplomatique représentant les pays ayant conclu des accords particuliers avec la France

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Palais de l'Elysée, Paris le 8 janvier 2004.


Monsieur le Doyen, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Mesdames et Messieurs les Chargés d'Affaires,

Le Ministre des Affaires étrangères est en avion, de retour de Charm el-Cheikh. Chacun comprendra les raisons de son absence.

C'est toujours pour moi un réel plaisir - et le mot n'a rien de diplomatique, il exprime ce que je ressens - que de vous rencontrer en début d'année pour une réunion placée sous le signe d'une amitié singulière que nous avons à coeur de perpétuer.

J'en ai retrouvé le reflet dans les voeux que vous avez bien voulu m'adresser, Monsieur le Doyen, en termes particulièrement bien choisis. Je vous en remercie très chaleureusement.

Mes propos ne seront pas de circonstance car ils viennent du coeur. Ils s'adressent à un cercle uni par une confiance et une estime réciproques. Un cercle d'une solidité à toute épreuve et qui n'a sans doute pas d'équivalent dans le monde. Un cercle de nature familiale.

Aussi nul n'est surpris que nous échangions des voeux particuliers avant même la cérémonie avec l'ensemble du corps diplomatique. Nous ne nous considérons pas comme véritablement étrangers les uns aux autres. Nous parlons souvent la même langue et, bien souvent aussi, nous tenons le même langage.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs qui représentez avec beaucoup de distinction et de compétence des pays qui nous sont si proches, permettez-moi d'aborder avec la simplicité qu'autorise notre proximité, quelques uns des thèmes qui méritent notre réflexion et qui ont d'ailleurs été évoqués par votre doyen.

L'année qui s'achève a été celle des grands rendez-vous où l'Afrique incontestablement a tenu la première place. Ainsi, la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement d'Afrique et de France s'est tenue ici même à Paris avec la participation de 51 pays, dont 43 Chefs de l'exécutif. Elle a permis un vaste tour d'horizon et des prises de positions communes sur les grands sujets de l'heure, qu'il s'agisse du nouveau partenariat ou des crises internationales. Le Sommet d'Evian a été marqué par la très active participation de Chefs d'Etat africains aux réflexions du G8.

En activant le chantier du NEPAD, - que vous avez évoqué, M. le Doyen - les décideurs africains et multilatéraux ont désormais donné corps à cette vaste initiative d'origine africaine. L'édifice est désormais solidement charpenté.

Dans le même temps en désignant le premier Président de sa Commission, notre ami le Président Alpha Oma KONARE, l'Union Africaine s'est donnée à Maputo les moyens de ses ambitions.

D'une manière générale, cette année écoulée a permis dans le monde, une prise de conscience plus favorable à l'Afrique et aux intérêts des Africains. Je retiens en particulier la nécessité de procurer une meilleure rémunération des producteurs africains. Cette idée chemine et elle aboutira nécessairement aux réformes attendues. Cancun n'est qu'une étape. Elle ne préjuge pas des résultats du cycle de Doha. Je suis certain qu'ils rendront justice à l'Afrique.

Il faut également saluer la volonté nouvelle de la Communauté internationale en faveur de la prévention, de la médiation et du traitement des crises. Au Liberia comme dans la Région des Grands Lacs, au Soudan comme en Sierra Leone, s'esquissent des sorties de crises qui doivent beaucoup à l'engagement des Etats et des organisations internationales aux côtés des diplomaties africaines.

Cet engagement n'est pas seulement verbal, il se prouve sur le terrain.

Plus de 30.000 casques bleus préservent la paix sur le Continent. Dans le même temps, des milliers de militaires français participent, à titre national, en étroite association avec des organisations régionales africaines, à la sécurité et au maintien de la paix civile, notamment à Bangui et en Côte d'Ivoire.

Tout nous laisse penser qu'en Ituri comme à Bouaké, l'intervention française a épargné la vie de nombreuses personnes et préservé les chances de la réconciliation. Nous avons su prendre des risques à la hauteur des enjeux.

Mais ces lentes évolutions, ces quelques résultats, ne sauraient nous satisfaire et nous devons former les voeux les plus ardents pour que l'année 2004 soit celle des avancées décisives.

Il n'est pas acceptable que sur les 42 conflits qui sont en cours dans le monde, plus de la moitié déchirent la société africaine. Il n'est plus acceptable que tant d'Africains soient laissés au bord du chemin par l'illettrisme, la maladie ou l'exclusion.

De même, alors que la mondialisation se précipite, pouvons-nous laisser plus longtemps l'Afrique marcher à pas comptés sur les chemins du développement ?

Enfin, il faut mettre un terme à des crises qui s'éternisent.

En Côte d'Ivoire, il n'y a pas d'alternative au processus de réconciliation défini à Lomé, à Marcoussis et à Accra par les partis ivoiriens eux-mêmes. Des engagements ont été pris pour faire taire ressentiments et esprit de revanche au profit de l'intérêt national. Il faut les respecter et les mettre en oeuvre pour rendre l'espoir aux Ivoiriens, à toutes les populations qui aspirent à retrouver une vie normale dans leur pays.

Il n'y aura pas de véritable retour à la stabilité et à la prospérité de la Côte d'Ivoire si le scrutin présidentiel ne se déroule pas, selon le calendrier prévu, et au terme d'un processus irréprochable. C'est dès maintenant qu'il faut bâtir ce mécanisme et que l'esprit de violence doit céder la place à une compétition électorale loyale et transparente.

Nous comptons sur vous tous pour que la CEDEAO, l'Union Africaine, les Nations Unies, stimulées ou relancées par vos capitales, redoublent d'efforts pour rendre toutes ses chances à ce beau et grand pays qu'est la Côte d'Ivoire.

Il en est de même en RCA où les institutions financières multilatérales ne doivent pas laisser se dissoudre dans la misère les bonnes résolutions issues du dialogue national.

La région des Grands Lacs doit aussi retenir toute notre attention pour que s'éloignent les menaces, se consolident les avancées démocratiques et s'organise la conférence internationale qui devrait ouvrir des horizons nouveaux.

Cette mobilisation pour l'ensemble du Continent doit être celle de tous nos pays y compris des riverains de la Méditerranée dont les racines plongent au coeur de l'Afrique.

Toujours est-il que vous pouvez compter sur la diplomatie française pour continuer à stimuler l'engagement de l'Europe en faveur de l'Afrique. Nous serons, dans ce domaine, inlassables.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Au fronton du musée du CICR à Genève est inscrite cette maxime de Dostoïevski "Nous sommes responsables de tout devant tous". Il faut en tirer une leçon pour l'action, aussi lourde que soit la tâche. Si nous savons nous regrouper et rester unis, cette tâche paraîtra plus légère. Alors, nous pourrons ensemble concevoir les plus vastes entreprises. Le poids cumulé que nos Etats représentent dans le monde ne peut être ignoré ni négligé par la société internationale si nous le mettons au service des nobles causes. Cette influence est d'autant plus grande que vient tout naturellement se joindre à nous la communauté des Etats de l'Organisation Internationale de la Francophonie (dont je salue très chaleureusement ici, aujourd'hui, le Secrétaire Général.)

Je n'oublie pas la portée qu'avait eue, au moment où se créait l'OMC, la résolution unanime prise au Sommet de la Francophonie de Maurice en faveur de l'exception culturelle, vous l'avez évoqué M. le Doyen. C'était il y a 10 ans. Mais il y a quelques mois à l'UNESCO, cette même unanimité a fait céder les obstacles qui s'opposaient au lancement d'une convention sur la diversité culturelle.

Dans toutes les conférences, dans toutes les instances internationales, à commencer par l'O.N.U., nous pouvons si nous le voulons imprimer notre marque sur des décisions de portée mondiale. Si nous savons rester solidaires on ne pourra ni nous contourner ni nous en imposer. Soyons conscients de notre force, non seulement pour la défense de nos intérêts mais aussi pour la promotion des principes universels que nous partageons. C'est sur ces principes que se construira le monde plus juste et plus équitable que nous souhaitons pour les générations futures. C'est dans les conférences multilatérales que se forgeront les mécanismes du progrès.

C'est là que nous devons être vigilants, unis et déterminés.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, célébrer le multilatéralisme n'est pas, dans mon esprit, dévaloriser le bilatéralisme et la richesse de nos tête-à-tête. Je sais au contraire combien les relations entre nous sont faites de liens quotidiens et de sentiments partagés. Je sais le prix de nos échanges culturels, l'apport de nos mouvements migratoires -environ deux millions d'Africains vivent en France et près d'un million de Français vivent sur le continent-. Je mesure notamment ce que représente pour le futur de nos relations le nombre des étudiants qui s'inscrivent dans nos universités. C'est pourquoi j'avais réagi, il y a quelques années à la stagnation constatée. Nous pouvons nous réjouir en constatant qu'en 5 ans le nombre de visas délivrés aux étudiants issus de pays francophones a augmenté de 260%. Ils seront le "sel" de l'espace francophone de demain.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

De l'année 2003, je garderai tout particulièrement le souvenir des impressions très profondes que m'ont laissé mes déplacements sur le continent africain : celles de foules immenses, de jeunes visages souriants, enthousiastes, avides de vie et de respect, d'hommes et de femmes courageux et pleins d'espoir. On sent que les chances de l'Afrique sont là, dans cette vitalité, dans cette volonté de trouver toute sa place dans un monde où le progrès impose certes des contraintes, mais apporte aussi des bienfaits. Alors ne brisons pas cette espérance, oeuvrons en partenaires responsables pour porter à son plus haut niveau notre coopération pour l'éducation, la formation et l'emploi. C'est ce qu'attend la jeunesse africaine. La tâche est immense, mais elle est primordiale.

C'est mon souhait pour 2004. J'y ajoute les voeux les plus chaleureux que je forme pour vous-même, vos familles, tous ceux qui vous sont chers et toutes celles et tous ceux que vous représentez. Que tous connaissent le bonheur d'une année paisible et prometteuse. Je vous remercie.





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