Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de la présentation des voeux aux Corrèziens (Tulle)

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de la présentation des voeux aux Corrèziens (Tulle)

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Tulle - CORREZE - samedi 10 janvier 2004

Messieurs les Préfets, Monsieur le Président du Conseil régional, Monsieur le Président du Conseil général, Monsieur le Député-Maire de Tulle, Mesdames et Messieurs les élus, Mes Chers Amis,

Je suis heureux de cette tradition qui me permet, chaque année, de présenter mes voeux aux Corréziennes, aux Corréziens et à leurs élus. C'est l'occasion de retrouver un département auquel je suis, vous le savez, profondément attaché. L'occasion aussi de revoir beaucoup de visages connus, dont chacun évoque le souvenir de l'amitié, de liens personnels et qui n'ont cessé de se fortifier avec le temps.

Grâce à Bernadette, votre élue, je ne suis jamais très éloigné de la Corrèze. Vous savez la passion qu'elle met à la défense des intérêts de la Corrèze et des Corréziens, dont je suis toujours proche. En son nom et en mon nom personnel, je souhaite chaleureusement, à chacune et à chacun d'entre vous, une bonne, une heureuse année pour vous-même et pour toutes celles et tous ceux qui vous sont chers.

Mes pensées vont aussi vers ceux qui nous ont quittés, et en particulier vers mon ami Henri BELCOUR, dont je salue la mémoire. Henri BELCOUR incarnait une manière exemplaire de se mettre au service de ses concitoyens. Les habitants d'Ussel n'ont jamais cessé de lui renouveler leur confiance et très largement. J'adresse à nouveau à ses proches mes sincères condoléances et mes pensées les plus affectueuses.


L'année 2003 a été importante pour notre pays. Dans une situation économique difficile, des bases solides ont été posées pour l'avenir.

La réforme des retraites, trop longtemps différée, a été faite. Elle demande des efforts, mais elle permet à tous de regarder l'avenir avec confiance. Notre système de retraite pourra faire face aux évolutions démographiques des prochaines années en préservant le pouvoir d'achat des retraités.

Dans le même temps, grâce aux efforts des Françaises et des Français associés à l'action résolue du Gouvernement, notre pays s'est donné les moyens du retour à la croissance. Beaucoup a été fait également pour les salariés les plus modestes et je voudrais le rappeler. La hausse du SMIC -une hausse sans précédent depuis vingt ans-, l'augmentation de la prime pour l'emploi, la possibilité de recourir plus largement aux heures supplémentaires : toutes ces mesures ont en commun de rendre du pouvoir d'achat aux Français qui, en période de crise, en ont besoin, et de permettre une rémunération plus juste du travail.

L'Etat n'est pas resté à l'écart de cet effort. Il a restauré son autorité. La police et la gendarmerie ont uni leurs forces pour assurer plus efficacement la sécurité intérieure, agir contre, agir mieux, contre la criminalité organisée ou la délinquance et lutter contre l'immigration clandestine.

Les tribunaux ont également vu leurs moyens se renforcer. Avec l'élargissement des procédures de comparution immédiate, la création des juges de proximité, la mise en place de centres éducatifs fermés, notre système judiciaire acquiert une capacité à répondre de manière plus rapide et mieux proportionnée aux actes de violence ou d'incivilité. Beaucoup naturellement reste à faire pour rétablir le droit de chacun à la sécurité. Mais après dix-huit mois, la délinquance a commencé à reculer.

Les progrès ont été particulièrement importants sur les routes. En un an, le nombre de décès a reculé de près de 2 000. Je remercie les Françaises et les Français de leur effort, car ce résultat est en réalité le leur. Il reflète une meilleure prise de conscience collective. Nous devons consolider et accélérer les progrès essentiels accomplis l'an dernier grâce à cette mobilisation nationale.

Restaurer l'autorité de l'Etat et la force de la démocratie, c'est aussi moderniser nos institutions. La décentralisation a franchi cette année un nouveau cap.

Vous savez à quel point je suis, depuis longtemps, attaché au renforcement des libertés locales. L'organisation centralisée autour de laquelle notre pays s'est construit était possible au XIXe siècle, lorsque l'action de l'Etat se limitait à des missions de souveraineté : la défense, la sécurité publique, le recouvrement de l'impôt. Elle est de moins en moins en rapport avec les aspirations d'une société moderne et avec les interventions de proximité que les politiques publiques exigent désormais.

L'enjeu, aujourd'hui, est de permettre aux Français de participer plus directement à l'organisation des services publics locaux, notamment à travers le droit de pétition et le référendum local.

Il est aussi de favoriser une gestion plus responsable. C'est le sens du principe d'autonomie financière des collectivités, désormais inscrit dans la Constitution, et aussi du choix fait par le législateur de ne pas leur confier de nouvelles compétences sans leur donner, en même temps, la maîtrise des ressources et des personnels nécessaires à leur action.

Enfin et surtout, cette nouvelle étape de la décentralisation doit permettre de rendre l'action publique plus efficace, avec des missions claires. Aux régions, tout ce qui contribue à renforcer l'attractivité des territoires, à leur donner les moyens de prendre en mains leur destin et de concourir dans la compétition européenne et internationale : les transports, le soutien à l'industrie, la formation professionnelle, les lycées. Aux départements, tout ce qui nécessite un réseau d'interventions plus dense : l'aide sociale de proximité, l'entretien des routes, les collèges.

Pour ne prendre qu'un exemple, la solidarité ne peut plus aujourd'hui s'exercer dans un cadre anonyme et centralisé. Accueillir une personne en grande difficulté, parfois depuis plusieurs années, faire le bilan de ses compétences, l'aider à retrouver une activité à partir des caractéristiques locales du marché de l'emploi. Ou bien encore, dans un autre registre, donner à une personne handicapée les moyens qui permettront de compenser son handicap. Ces actions ne peuvent pas être menées de manière impersonnelle et uniforme. Elles requièrent une connaissance de la situation locale, des liens permanents avec le monde associatif, un accompagnement personnalisé. C'est dans cet esprit que la loi les confie aux départements.

Evidemment, les Françaises et les Français conserveront les mêmes droits et les mêmes devoirs sur l'ensemble du territoire national. C'est la conséquence directe du caractère indivisible de notre République. La solidarité nationale continuera aussi à s'exercer, pour donner les mêmes chances de développement à toutes les régions. Mais notre pays pourra s'appuyer davantage sur les initiatives locales, profiter des innovations que les collectivités ont apportées au cours des dernières années en matière de formation professionnelle, d'action sociale ou de sécurité. C'est un atout important dans un monde où il faut constamment s'adapter à des situations nouvelles.

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Grâce aux efforts de tous, les signes de reprise économique se multiplient. Nous devons tout mettre en oeuvre pour renforcer cette dynamique, avec naturellement, je l'ai dit à maintes reprises, une priorité : l'emploi.

Dans les jours qui viennent, le Gouvernement ouvrira des concertations nécessaires en vue de faire voter dans les prochains mois par le Parlement une grande loi de mobilisation pour l'emploi. Il faut permettre aux entreprises de donner toute leur mesure, lever les réticences encore trop nombreuses à l'embauche. Il faut encourager l'investissement qui est un moteur essentiel d'une croissance durable. C'est pourquoi les investissements qui seront faits dans les 18 mois qui viennent le seront en franchise de taxe professionnelle en veillant strictement, bien entendu, à la neutralité intégrale de cette mesure pour les finances des collectivités locales. Cela va de soi.

Il faut aussi donner de nombreux atouts aux salariés face à l'emploi. Beaucoup est à faire pour prévenir les licenciements et les plans sociaux. Améliorer le reclassement. Donner aux travailleurs des petites entreprises une protection comparable à celle des grandes. Ce qui n'est, hélas, pas le cas. Moderniser le service public de l'emploi, en favorisant la mobilisation des moyens de l'Etat, de l'ANPE, de l'UNEDIC et des régions.

Un effort spécifique devra être mené en faveur des jeunes. Il est particulièrement décourageant, pour celles et ceux qui sortent du système scolaire, de ne pas pouvoir trouver rapidement leur place dans la société. Il faut créer, pour les jeunes de 16 à 24 ans, un véritable droit à l'activité, à la formation ou à l'emploi. Autrement dit, aucun jeune ne doit être laissé sans solution ou sans accompagnement face aux difficultés d'entrée dans la vie active.

Dans ce combat pour l'emploi, la formation tient une place évidemment primordiale. Il est paradoxal qu'avec un chômage qui reste important, de nombreuses entreprises ne parviennent pas à recruter les salariés qualifiés dont elles ont besoin.

Il faut mettre fin à ce déséquilibre. Le droit personnel à la formation tout au long de la vie y contribuera. En complément de ce droit, l'Etat fera un effort particulier afin de donner une seconde chance à celles et à ceux qui sont sortis sans qualification du système scolaire. Tout sera également mis en oeuvre pour développer l'apprentissage, car c'est la grande formation de qualité et une formation qui débouche directement sur un emploi.

Cette mobilisation pour l'emploi manquerait son but si, dans le même temps, nous ne poursuivions pas nos efforts pour créer une situation bien plus favorable à l'activité, et surtout aux petites et moyennes entreprises. Trop souvent, la politique économique est vue à travers le prisme des grandes sociétés, sans prendre en compte les particularités du commerce, de l'artisanat, des services de proximité, de toutes les entreprises personnelles construites autour d'une idée innovante ou d'une compétence professionnelle particulière.

Ce sont pourtant ces petites entreprises qui créent l'emploi et forment le socle de la puissance économique. C'est la facilité avec laquelle elles se créent qui donne leur force et leur dynamisme aux sociétés modernes.

Avec la loi sur l'initiative économique, le Gouvernement a fait franchir un saut quantitatif à la création d'entreprises. C'est l'assurance que l'emploi pourra se développer.

Mais il faut aller plus loin. Il faut renforcer la protection sociale des travailleurs indépendants et celle des créateurs d'entreprise.

Il faut que les entreprises dont les dirigeants souhaitent se retirer puissent trouver un repreneur. Plus de 500 000 chefs d'entreprise cesseront leur activité dans les quinze années à venir. Cette transition démographique, qu'il est facile d'anticiper, ce que l'on n'a jamais fait, ne doit pas se muer en un espèce d'exode industriel et commercial. C'est pourquoi le Gouvernement mettra en place un grand plan pour favoriser la transmission des entreprises, sécuriser l'avenir des deux millions de femmes et d'hommes qui y travaillent, ainsi que des régions dans lesquelles elles sont implantées.

Enfin, il faut permettre aux petites entreprises d'embaucher plus facilement, et pour cela alléger considérablement les procédures. Le titre emploi simplifié qui vient d'être créé leur donnera les moyens d'employer des salariés, avec, bien entendu, les mêmes droits, mais avec des formalités très allégées, sur le modèle de ce qui a déjà si bien réussi avec le chèque emploi service.

Ces simplifications doivent se poursuivre dans tous les domaines. On ne peut pas demander aux entrepreneurs de passer chaque mois plusieurs journées dans des formalités administratives qui sont loin d'être toujours justifiées.

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Parallèlement à cette mobilisation pour l'emploi, nous devons renforcer toutes les solidarités qui assurent la cohésion de notre pays.

Solidarité face à la maladie d'abord. La Sécurité sociale a permis à notre système de santé de se développer en conciliant le libre choix du médecin et la prise en charge collective des risques. Nous devons maintenir cette solidarité qui est coeur de notre cohésion nationale. Cela suppose de faire appel à la responsabilité de tous et de lutter contre les gaspillages et les abus. Dans les six mois qui viennent, le Gouvernement prendra les mesures nécessaires pour assurer le retour vers l'équilibre des comptes sociaux en étroite concertation, bien entendu, avec les partenaires sociaux. C'est indispensable pour que le progrès médical continue à être partagé par tous.

Dans le même temps, une nouvelle branche de la protection sociale est créée pour mieux aider les personnes handicapées et les personnes âgées dépendantes. Nous répondrons ainsi à une exigence de solidarité.

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La solidarité nationale, c'est aussi l'équilibre des territoires. Dans l'économie ouverte qui se dessine, les perspectives de développement d'une région dépendent largement de ses voies d'accès et de communication. Les Corréziens, peut-être plus que d'autres, en sont conscients depuis longtemps. Et quand je dis les Corréziens, je pense aux Limousins, bien entendu. Parce qu'ils ont connu, plus que d'autres, les difficultés de l'enclavement, ils savent que le progrès économique suppose un effort volontaire pour développer les infrastructures routières, ferroviaires ou numériques.

L'an dernier, ici même, je saluais avec vous la mise en service de l'autoroute A89, qui offre enfin à la Corrèze un axe rapide est-ouest raccordé à l'autoroute A20 Paris-Toulouse.

Le même esprit a présidé aux arbitrages du récent comité interministériel d'aménagement du territoire, qui a décidé d'engager l'étude sur la réalisation d'une voie nouvelle de TGV entre Limoges et Poitiers. Relier rapidement le Limousin au réseau européen du train à grande vitesse est devenu une exigence. Je m'attacherai personnellement, avec Bernadette qui s'en est beaucoup occupé et avec vos élus, à ce que cette liaison soit définitivement inscrite au schéma national des grandes infrastructures ferroviaires et à ce qu'un calendrier de réalisation puisse être arrêté et satisfaisant dans les meilleurs délais.

Assurer l'équilibre des territoires, c'est aussi maintenir une agriculture compétitive. C'est en étant assurée de son avenir dans le cadre communautaire et en étant économiquement forte que l'agriculture pourra répondre aux nombreuses attentes de notre société, qu'il s'agisse de la protection de l'environnement, de la sécurité alimentaire ou des équilibres entre la ville et la campagne.

Assurer l'équilibre des territoires, c'est enfin préserver le commerce et les industries existantes, favoriser les activités nouvelles, comme d'ailleurs, je le reconnais, la Corrèze a commencé à le faire.

Nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à apprécier la richesse du monde rural, la force de ses traditions bien sûr, mais aussi tout ce qu'il représente pour l'équilibre de notre société, l'épanouissement des individus, le développement économique et touristique. Après des années où cet apport n'a pas toujours été suffisamment valorisé, les modes de vie du monde rural commencent à être mieux compris et respectés. La loi relative au développement des territoires ruraux et les mesures qui l'accompagnent vont créer de nouveaux instruments pour prendre en compte ses particularités, favoriser l'accueil des familles et maintenir un service public de qualité.

Il ne s'agit pas, bien sûr, de figer notre administration, mais plutôt de garantir partout le même niveau de prestation, en mettant en place des structures adaptées aux réalités locales, en développant les nouvelles technologies et en encourageant les regroupements qui simplifient les démarches des usagers. C'est dans cet esprit que la Corrèze a souhaité devenir un département pilote pour expérimenter de nouvelles formes d'organisation des services publics en zone rurale. Et je m'en réjouis.

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Mes chers amis corréziens,

Beaucoup a été fait au cours de l'année écoulée. Notre économie a gagné en dynamisme et en compétitivité au sortir de la crise internationale que nous avons subie. Notre système de protection sociale a été consolidé. L'Etat a restauré son autorité et donné aux collectivités locales de nouvelles responsabilités.

Cette dynamique, nous devons la renforcer encore pour l'emploi et pour toutes les solidarités. Et cela en ayant toujours à l'esprit l'exigence absolue de la justice.

Voilà les quelques réflexions que je voulais vous livrer en tant que Corrézien, et en ce début d'année, Bernadette et moi renouvelons à chacune et à chacun d'entre vous, nos voeux les plus sincères et les plus chaleureux pour vous-même, pour les vôtres, pour notre département et notre pays pour l'année 2004.

Je vous remercie.





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