Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la Journée Mondiale de la Santé consacrée à la sécurité routière

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la Journée Mondiale de la Santé consacrée à la sécurité routière

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Centre de Conférences internationales, Paris le mercredi 7 avril 2004.


Monsieur le Directeur général de l'Organisation mondiale de la santé, cher Docteur LEE Madame et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Mesdames et Messieurs, Chers amis,

Vous êtes venus du monde entier pour dénoncer une hécatombe et pour vous engager à tout faire pour l'arrêter.

Chaque année, on l'a dit mais il faut le répéter, un million deux cent mille personnes sont tuées sur les routes et cela fait des accidents de la circulation l'une des premières causes de mort violente dans le monde.

C'est pour y mettre fin que l'Organisation mondiale de la santé a consacré, cette année, la Journée mondiale de la santé à la sécurité routière. Car les accidents de la route ne peuvent pas être regardés comme le fruit d'un hasard malheureux ou comme la rançon de la modernité. Ils constituent un problème de santé publique à l'échelle du monde.

Beaucoup de ces décès pourraient être évités par une démarche systématique de prévention, par des comportements plus responsables, et un comportement cela s'apprend, par une action résolue des pouvoirs publics.

Au-delà de l'indignation, nous devons porter un message de vie et de responsabilité, comme l'a dit tout à l'heure Ari VATANEN.

La France est particulièrement honorée d'avoir été choisie par l'OMS pour vous accueillir à Paris. En son nom, je vous exprime, Monsieur le Directeur général, cher Docteur LEE, nos remerciements. J'y vois une reconnaissance de l'effort collectif entrepris dans notre pays pour faire reculer l'insécurité routière.

Jusqu'à une période récente, la France se distinguait, malheureusement, par une mortalité sur les routes très supérieure à celle de ses voisins.

C'est la raison pour laquelle la lutte contre l'insécurité routière figure parmi les chantiers prioritaires conduits par le gouvernement français. L'effort doit se poursuivre. En deux ans, les accidents ont fortement baissé. Ces résultats n'ont pu être obtenus que par une mobilisation sans faille des pouvoirs publics mais aussi par une évolution importante des comportements, évolution car ce n'est jamais facile, pour laquelle je tiens à rendre hommage à l'ensemble des Françaises et des Français. * * * Les chiffres de la violence routière dans le monde sont effrayants. On le sait, plus d'un million de morts par an, mais aussi cinquante millions de personnes blessées ou rendues invalides.

Ces chiffres, de surcroît, ne rendront jamais compte de la douleur, de l'incompréhension, du désarroi des familles devant des tragédies que rien ne peut réparer, devant des drames d'autant plus insupportables qu'ils n'ont d'accident que le nom.

Derrière les statistiques, il y a le scandale des vies brisées en plein élan. Tant de jeunes, en particulier, qui sont particulièrement frappés par l'insécurité routière.

Il y a aussi un véritable fléau social. De nombreuses familles tombent dans la précarité en raison des dépenses occasionnées par des soins médicaux prolongés ou par la perte d'un soutien de famille.

Il y a enfin un prodigieux gâchis, à la mesure du potentiel humain sacrifié. Le coût économique de l'insécurité routière est aujourd'hui estimé par l'OMS à cinq cent milliards d'euros par an, soit pour chaque pays un à deux points de sa richesse nationale.

L'insécurité routière frappe douloureusement les pays à revenu élevé. Mais elle frappe plus durement encore les pays à revenu faible ou intermédiaire. Près de neuf victimes sur dix sont recensées dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, bien que l'équipement en automobiles y soit nettement inférieur. Pour ces pays, la violence routière est une menace d'autant plus inquiétante que la circulation routière est destinée à augmenter sensiblement.

Nul gouvernement ne saurait se désintéresser d'un tel fléau. Si nous ne réagissons pas vivement, la violence routière s'accroîtra des deux tiers d'ici 2020. Les accidents de la circulation deviendront alors la troisième cause de mortalité dans le monde.

Nous faire prendre conscience de la gravité de la situation et du risque de catastrophe sanitaire dans les pays à faible revenu est l'un des grands mérites de l'excellent rapport de l'Organisation mondiale de la santé et de la Banque mondiale que le Docteur LEE vient de rendre public et je lui exprime une fois encore toute notre reconnaissance et, il le sait, toute notre estime. * * * Cette Journée mondiale de la santé consacrée à la sécurité routière est donc destinée à adresser au monde un avertissement, empreint de gravité, mais aussi de solidarité. Un appel à la mobilisation de tous. Car cette hécatombe routière n'est pas une fatalité. Elle peut reculer, pour autant que soient mobilisés les moyens appropriés et que les pouvoirs publics fassent preuve d'une totale détermination.

Malgré la régularité effrayante des statistiques, on s'est longtemps refusé à voir dans l'insécurité routière un problème de responsabilité politique. Les accidents de la circulation restent cantonnés à la rubrique des faits divers. Les victimes sont laissées à leur sort, presque oubliées, comme si leur douleur avait quelque chose de dérangeant. Surtout, les accidents sont encore trop souvent présentés comme des drames individuels, alors qu'ils engagent notre responsabilité collective. Notre adversaire, dans cette affaire, en vérité, c'est le fatalisme.

Car ce n'est pas la route qui tue. Ce n'est pas la voiture qui tue. Mais, à travers chaque accident, ce sont des hommes ou des femmes qui causent la mort des hommes. Par négligence. Par imprudence. Par refus délibéré des règles auxquelles obéit le partage de cet espace public qu'est la route. Ou plus simplement par indifférence des autres.

Au-delà de la responsabilité individuelle de chaque conducteur, il faut souligner l'importance capitale des actions menées par les pouvoirs publics pour influer sur les comportements de tous.

Ils doivent bien sûr prévenir et réprimer les agissements des chauffards. Mais il leur faut aussi amener l'ensemble des conducteurs à rouler plus prudemment, en étant plus vigilants et particulièrement vigilants aux autres.

La politique de sécurité routière vise aussi à corriger une inégalité majeure. Nous ne sommes pas égaux face à l'accident. Certains bénéficient de voitures lourdes et solides, équipées de toutes les protections intérieures pour eux-mêmes, tandis que d'autres usagers de la chaussée sont extrêmement vulnérables : véhicules plus légers, piétons, engins à 2 roues, traction animale···. Les plus vulnérables sont évidemment les plus touchés, comme toujours.

Au coeur de l'engagement pour la sécurité routière, il y a au fond un combat pour une société plus humaine, plus solidaire, plus respectueuse de l'autre. La route, nous la partageons. La sécurité routière, nous nous la donnons mutuellement. * * * Lorsque la volonté politique est au rendez-vous, il est possible d'agir contre l'insécurité routière. L'expérience de plusieurs pays au cours des vingt dernières années en atteste. Les avancées techniques permettent aussi d'envisager de nouvelles mesures de protection. Le rapport de l'Organisation mondiale de la santé et de la Banque mondiale recense l'ensemble de ces moyens pour agir sur le comportement de l'usager, sur le véhicule et sur la route. Il faut développer une approche globale pour être efficace.

La recherche pour une meilleure connaissance des accidents de la route doit être soutenue par les pouvoirs publics. C'est le préalable à une politique de prévention adaptée et efficace.

On ne peut tolérer, c'est vrai, Madame JURGENSEN, la vitesse excessive, qui aggrave dramatiquement les accidents, chacun le sait. On ne peut transiger avec l'alcool ou les drogues au volant, facteurs majeurs de risque, on le sait. Il nous faut enfin développer de façon considérable l'utilisation des dispositifs de retenue, comme les ceintures de sécurité et les sièges adaptés pour les enfants, dont les effets bénéfiques pour la sécurité ont été largement démontrés.

Ces évolutions supposent une formation, et même une éducation dès le plus jeune âge. Elles passent aussi par la mise en place d'une politique de contrôle et de sanction efficace, assurant à la fois le respect de règles clairement définies et la garantie des droits des personnes. Prévention et sanction sont deux volets totalement complémentaires de l'action.

Dans le même temps, la route et le véhicule doivent continuer à s'adapter pour mieux protéger les usagers. Le combat contre l'insécurité routière commence avec la conception, avec l'entretien des routes, avec la signalisation. Quant aux voitures, elles ne cessent de progresser, grâce aux efforts des constructeurs, pour une meilleure sécurité des passagers mais aussi, de plus en plus, des piétons en cas de collision. C'est vrai, des progrès restent à faire, surtout pour respecter des vitesses convenables.

De ce fait, les pays qui abritent une industrie automobile ont une responsabilité particulière vis-à-vis de tous les autres.

Le développement d'une culture de sécurité passe enfin par l'engagement des principaux relais d'opinion, notamment les médias, et aussi des associations et des organisations non gouvernementales dont le rôle est absolument essentiel dans la prise de conscience collective de ce phénomène.

Le thème de cette journée doit également nous conduire à réfléchir à la prise en charge des blessés de la route ainsi que des familles des victimes. Nous devons améliorer la situation de celles et de ceux qui, de façon directe ou indirecte, sont confrontés aux conséquences d'un drame de la route : perte de mobilité, handicap lourd, traumatisme crânien et bien d'autres. N'oublions jamais que les accidents de la circulation sont à l'origine d'un très grand nombre de handicaps. Refuser la fatalité des accidents de la route, c'est aussi renforcer la solidarité de la société en faveur des victimes de ces accidents. * * * Monsieur le Directeur général, Mesdames et Messieurs,

Je souhaite bien sûr que cette Journée mondiale de la santé marque une étape dans la prise en compte collective de ce mal qui frappe notre monde moderne comme l'a si bien dit tout à l'heure notre ami Kofi Annan.

La France est décidée à prendre toute sa part dans une politique mondiale de santé publique contre l'insécurité routière. Elle le fera notamment en participant aux actions de coopération et de partage d'expériences.

C'est un combat qui place chacun d'entre nous devant ses responsabilités, individus et Etats.

C'est un combat contre le malheur, contre la résignation.

C'est un combat pour la vie, pour le respect de l'autre, une attitude que nous devons considérablement renforcer dans le monde d'aujourd'hui.

Vous pouvez compter sur l'engagement de la France dans ce combat.

Je vous remercie.





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