Message de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'ouverture du Forum ministériel sur le financement du développement

Message de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'ouverture du Forum ministériel sur le financement du développement

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Paris le 8 avril 2004.

Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames, Messieurs,

Vous êtes réunis pour faire progresser la solidarité entre les nations.C'est une exigence majeure de notre temps. Je suis avec vous dans ce combat.

C'est un combat pour l'éthique. La Déclaration universelle des Droits de l'Homme affirme l'égale dignité de tous. Alors que s'accélèrent les échanges humains, elle doit inspirer un effort soutenu pour compenser les handicaps qui pèsent sur les plus pauvres. Un monde ouvert qui laisserait sans avenir des centaines et des centaines de millions de femmes et d'hommes trahirait nos idéaux. Nous ne pouvons pas l'accepter. Nous devons réagir.

Construire la solidarité entre les nations, c'est aussi une question d'intérêt bien compris. L'économie mondiale gagne à l'émergence de nouveaux marchés, dynamiques et prospères, avec leur potentiel d'innovation, leurs besoins d'équipement. A l'inverse, la grande pauvreté agit comme un boulet qui freine la croissance.

Construire la solidarité des nations, c'est enfin une question de sécurité. Contre les fléaux des temps modernes, tels que les réseaux internationaux du crime organisé, du trafic de drogue ou du terrorisme, une croissance économique soutenue aide à agir beaucoup plus efficacement. En diffusant l'espoir, elle aide aussi à apaiser les rancoeurs, les frustrations, les humiliations.

En 2002, à Monterrey, nous avons su nous unir autour d'une coalition pour la solidarité. En fondant ce partenariat pour le développement, la communauté internationale a parlé le langage de la confiance et de l'engagement. Il n'y a plus d'un côté des puissances qui prescrivent et assistent et de l'autre des pays qui reçoivent et appliquent. Il y a désormais des partenaires unis autour d'un objectif commun. Aux termes du contrat de Monterrey, tout pays qui conduit des politiques de croissance équilibrées et soutenues doit pouvoir accéder aux ressources nécessaires au financement de ses efforts. Telle est, dans cet esprit, la démarche du NEPAD, si prometteuse pour l'Afrique.

Depuis deux ans, des progrès ont été accomplis, notamment avec une augmentation sensible de l'Aide Publique au Développement. La France y prend toute sa part.

Chacun sait pourtant que ces progrès ne sont pas à la mesure de l'enjeu. Au rythme actuel, nous n'atteindrons pas en 2015 les objectifs de développement du Millénaire, ce but commun que nous nous sommes assigné à New York, en septembre 2000, à l'aube du siècle nouveau.

Ces objectifs nous engagent. Nord et Sud confondus, nous serons tous responsables du succès ou de l'échec devant les générations futures.

Les conditions de leur réalisation ont été établies par les experts des institutions internationales. Pour provoquer le changement critique qui permet à un pays pauvre de s'arracher à la misère, de s'imposer sur les marchés internationaux, de pousser son taux de croissance à un rythme nettement plus rapide que celui de l'augmentation démographique ; pour lui donner les moyens d'engager les politiques éducative, sociale, sanitaire indispensables à la satisfaction des besoins fondamentaux de sa population, il faut une impulsion très forte. Elle vient évidemment d'abord des Etats eux-mêmes. Mais elle a bien sûr besoin de l'assistance internationale.

Aussi, quand Tony BLAIR m'a présenté l'idée d'une facilité financière internationale, destinée à réunir à terme les 50 milliards de dollars supplémentaires nécessaires chaque année pour la réalisation des objectifs du Millénaire, j'ai immédiatement approuvé. Et je me réjouis que le Royaume-Uni et la France travaillent ensemble à sa concrétisation, si talentueusement initiée par M. Gordon BROWN.

Cette proposition peut faire avancer les choses.

C'est une solution pragmatique. Pour satisfaire une exigence impérieuse, elle propose une solution simple et efficace. Celle d'un emprunt sur les marchés internationaux, garanti par les pays riches.

C'est une solution généreuse, car elle prévoit le remboursement non pas par les pays bénéficiaires des fonds, mais bien par les emprunteurs, au titre de l'Aide Publique au Développement.

C'est une solution économiquement rationnelle puisqu'elle consiste, en bonne orthodoxie, à financer l'investissement par l'emprunt. Et c'est bien d'investir qu'il s'agit, puisque les fonds seront alloués au développement économique.

Je ne méconnais pas les difficultés qui peuvent freiner la réalisation d'un tel programme, les multiples questions qu'il soulève, par exemple pour inscrire cet effort dans la longue durée et pour assurer un usage efficace et démocratique des ressources ainsi réunies. C'est de tout cela que vous parlerez aujourd'hui, en toute liberté, mais en vous demandant toujours s'il est d'autres solutions crédibles pour libérer le monde des souffrances de la misère et ouvrir la voie d'une prospérité partagée.

Au-delà, il faut réfléchir à la façon dont les richesses créées aujourd'hui par la mondialisation peuvent être mieux mobilisées pour doter la communauté internationale de ressources suffisantes et, surtout, de ressources stables pour couvrir des besoins essentiels : l'éducation pour tous, l'accès à l'eau et à l'assainissement, la lutte contre le sida, le paludisme, la tuberculose, la sécurité alimentaire, la prévention et la réparation des désastres écologiques.

Cette recherche d'une fiscalité internationale au service du développement durable est très complémentaire de l'approche que propose le Royaume-Uni. Elle doit être entreprise sans a priori, dans le même esprit de pragmatisme, et avec imagination. Je ne méconnais pas, là encore, les difficultés qu'il faudra surmonter, au premier rang desquelles les réticences bien naturelles devant l'impôt. Mais nous ne pouvons pas continuer à faire progresser à marches forcées la mondialisation de l'économie sans construire, en parallèle, à l'échelle mondiale, ces mécanismes compensateurs que nous avons eu tant de mal à établir au plan national au cours des deux derniers siècles.

J'ai constitué un groupe de haut niveau chargé de réfléchir en toute indépendance à cette question. Une question que je crois essentielle à la solidarité internationale. Il me remettra ses premières conclusions en mai et tirera profit de vos discussions.

Mesdames et Messieurs,

Réussir la mondialisation, c'est surmonter de vieux clivages. Clivage entre souveraineté et supranationalité, qui doit laisser la place à l'idée de responsabilité partagée. Clivage entre Nord et Sud, si nuisible en un temps où il nous faut construire un avenir commun. Clivage entre privé et public, qui relève d'un autre âge. Clivage entre société civile et société publique, stérile alors qu'il nous faut établir une démocratie planétaire.

En vous souhaitant la plus cordiale des bienvenues à Paris, j'exprime le voeu que vos travaux, placés sous le signe du progrès humain et du devoir d'humanité, contribueront à tracer ces perspectives nouvelles dont nous avons tant besoin.

Je vous remercie.





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