Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de l'inauguration de l'esplanade Jacques Chaban-Delmas

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de l'inauguration de l'esplanade Jacques Chaban-Delmas.

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Paris, le jeudi 26 août 2004.

Monsieur le Président de l'Assemblée nationale,
Mesdames et messieurs les ministres,
Monsieur le maire de Paris,
Chère Micheline,

Je suis bien sûr heureux d'être avec vous aujourd'hui, réunis autour de la mémoire d'un homme cher à la France et aux Français. Avec Micheline CHABAN-DELMAS, avec sa famille, ses enfants, ses petits-enfants, avec ses amis, avec vous tous , je veux saluer un grand patriote, présent dans nos coeurs, présent aussi dans notre histoire.

Avec Bordeaux, bien sûr, sa ville tant aimée, le destin de Jacques CHABAN-DELMAS est indissociable de celui de Paris. Paris qui se libère, il y a soixante ans, de l'occupation allemande ; Paris où CHABAN, comme l'écrivit le général de GAULLE, "se tenait au centre de tout" : organisation des parachutages, financement des opérations, affectation des armes, supervision des dispositifs de sabotage et des combats dans la capitale.

Aujourd'hui, ce Paris dont il fut délégué militaire puis gouverneur, Paris pour lequel il se battit, et ceci à maintes reprises, au péril de sa vie, où il exerça successivement les plus hautes responsabilités d'Etat, Paris lui rend hommage. Paris qui inscrit ici au centre effectivement de l'une de ses plus belles avenues ce double nom, celui de l'homme : DELMAS ; celui du héros : CHABAN, afin que sa flamme continue à briller.

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Jacques CHABAN-DELMAS était un homme d'engagement et d'honneur.

Engagement au service d'un idéal de liberté, au nom d'un amour passionné de la France. Enfant, sa mère lui disait déjà : "Rappelles-toi que ta mère, c'est la France, et qu'il te faudra la servir". A vingt-neuf ans, il est le plus jeune général de l'armée française depuis l'Empire ; puis il devient député à trente et un ans, maire de Bordeaux à trente-deux ans, ministre, président de l'Assemblée nationale, Premier ministre : et à chacune de ses fonctions, Jacques CHABAN-DELMAS s'est donné sans compter pour la France.

Sa vie nous le rappelle à tous aujourd'hui : l'engagement, c'est aller au bout de ses convictions ; et c'est assumer tous les risques.

Le risque de la Résistance, il le prend dès 1940, avec le travail de fourmi dans le petit bureau de la rue de Grenelle où il rédige ses premières notes à destination de Londres. Après le travail de renseignement, c'est l'action directe, les poursuites le long des voies du métro, les quarante appartements servant de cache, les embuscades sur la voie publique. Puis, devenu délégué militaire de Paris par intérim, les négociations stratégiques au coeur même de la bataille. CHABAN accomplit sa tâche avec un tel succès que le colonel ELY, venu de Londres pour mettre fin à l'intérim et prendre ses fonctions de délégué militaire, veut au contraire se placer sous ses ordres, écrivant de lui dans un télégramme à Londres : "A réussi auprès de tous ici, non parce qu'il ne s'incline devant personne, mais parce qu'il domine les problèmes".

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Jacques CHABAN-DELMAS était un homme de fidélité, un homme d'idéal et de sang-froid qui agit avec élégance, éthique et conviction.

Sur tous les fronts, sans relâche il faut lancer le mouvement, accélérer, anticiper : à l'été 1944, alors que Paris restait pour les alliés un objectif secondaire, il insistait pour que sa libération intervienne au plus tôt et non comme prévu en octobre, conscient de l'impact moral de cette victoire et des risques d'une attente.

Une décennie plus tard, ministre des Transports de Pierre MENDES-FRANCE, il prépare la France à un nouvel âge, lance de grands projets d'équipement sur tout le territoire, plaide pour la construction du tunnel sous la Manche. Il fut le premier.

Dans un monde nouveau, marqué par l'affrontement des deux grands blocs et l'entrée dans l'âge de l'atome, la France, pour lui, doit se donner les moyens d'être entendue sur la scène du monde. Jacques CHABAN-DELMAS avait la conviction que notre pays a une mission, un rôle à jouer dans le monde, au nom des valeurs, au nom des idéaux de la République.

Conscient de l'importance de la dissuasion nucléaire, durant plus de huit ans il travaille sans relâche au développement de l'arme atomique. Il contribue, de manière décisive, au rang de la France sur la scène internationale, aux côtés des autres grandes puissances.

Le but véritable de l'action publique c'est, nous répète-t-il, "d'améliorer et si possible de transformer la condition des hommes". A l'heure des choix Jacques CHABAN-DELMAS fait celui de l'avenir : c'est le projet d'une société nouvelle, plus prospère, plus libre, plus audacieuse, et d'abord et avant tout au service des hommes. Il forge une méthode de gouvernement fondée sur la concertation et le dialogue : face au conflit, il veut substituer le contrat ; face aux inégalités, le partage; face aux querelles du passé, l'affirmation des potentialités extraordinaires de la France : sa jeunesse, sa vitalité, sa créativité. Les fruits en sont nombreux : modernisation de la démocratie sociale avec notamment la loi sur la formation professionnelle et l'instauration d'un dialogue permanent ; c'est aussi le développement de la participation dans l'entreprise.

La fonction de Premier ministre a plus que toute autre révélé l'ensemble de ses qualités : il savait réunir les énergies, guider l'action des ministres, déléguer et faire confiance, porter avec panache sa vision pour la France et sa volonté constante de changer le cours des choses.

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Et s'il faut dire aujourd'hui à quel point le message de Jacques CHABAN-DELMAS est vivant, c'est bien à travers cette élégance, mais aussi dans cette vision et cet engagement total au service de la France et des Français ; c'est bien ce goût du partage : partage d'expérience, partage d'amitié ; c'est bien cette passion de l'unité, cette formidable alchimie qui demande tant de dévouement et de désintéressement. Car la France, pour lui, n'est elle-même que rassemblée face à l'avenir.

Jacques CHABAN-DELMAS a su dépasser en permanence les clivages et les idéologies partisanes : que ce soit à la Présidence de l'Assemblée nationale, qu'il exerça pendant seize ans, admiré et reconnu de tous, portant haut l'image d'un débat parlementaire essentiel, aujourd'hui comme hier d'ailleurs, à la France. Que ce soit aussi, et bien sûr, comme Premier ministre, sachant fédérer toutes énergies : côte à côte sous son autorité, grands résistants, gaullistes, jeunes libéraux, réformateurs, conservateurs, tous pour le service de la France.

Jacques CHABAN-DELMAS a tracé un cap. Sa vie d'action, il l'a fondée sur l'amour de la France, sur l'humanisme, sur le goût du partage et de l'échange. C'est sur cette ligne de crête, fort de son énergie et de sa volonté, que CHABAN a situé son combat. Ce combat est plus que jamais d'actualité. Sachons le conduire en étant fidèles à son message d'exigence et de rassemblement !

Je vous remercie.





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