Allocution pour le 60ème anniversaire de la libération de Paris

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du 60ème anniversaire de la libération de Paris

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Place de l'Hôtel de Ville - Paris le mercredi 25 août 2004.


Monsieur le Maire de Paris,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames, Messieurs,

Ici, il y a soixante ans, le général de GAULLE saluait la Libération de Paris : Il saluait la France qui rentre à Paris, chez elle, "éclairée par l'immense leçon mais plus certaine que jamais de ses devoirs et de ses droits".

Peuple de France, souvenons-nous de cette journée qui a forgé notre histoire. N'oublions jamais le sacrifice de celles et ceux qui ont donné leur vie pour libérer Paris. N'oublions jamais qu'ils l'ont fait pour que la France redevienne elle-même, forte de ses valeurs d'égalité, de justice, de liberté, des valeurs qui fondent notre Nation. N'oublions jamais que c'est nous maintenant qui avons le devoir de porter et de défendre ces valeurs.

Paris libéré ! En ce mois d'août 1944, la nouvelle, extraordinaire, étourdissante, va bouleverser la France et redonner espoir au monde. En ces heures exaltantes, chacun sent que tout a changé. Paris est de retour au coeur du monde libre et désormais plus rien n'est pareil.

Paris libéré ! Soixante ans ont passé, mais les mots claquent avec la même force, réveillant les images folles d'une ville en liesse, d'une foule toute au bonheur de la liberté retrouvée.

Avec cette audace et cette insouciance qui lui font braver tous les dangers ; dans un mélange irrésistible de violence, d'enthousiasme, de joie de vivre, Paris, une fois encore, s'était soulevé. Une fois encore, Paris avait brisé le carcan de la servitude. Une fois encore, Paris avait tonné ce patriotisme qui l'anime depuis des siècles, et qui s'alarme chaque fois que la liberté est en cause.

Paris libéré ! et déjà se dessine dans nos mémoires la haute silhouette d'un homme qu'une foule vibrante d'allégresse porte des Champs-Elysées jusqu'à Notre-Dame. Ce jour-là, les Parisiennes et les Parisiens venaient à la rencontre du général de GAULLE. Ils allaient enfin découvrir le visage de celui qui avait incarné la voix de la France et de l'espérance dans la nuit de l'occupation. Ils vivaient avec lui ce jour tant attendu : Paris libre. Paris intact, grâce au concours de tous, résistants, soldats français, combattants alliés, mais aussi grâce à l'engagement total du peuple de Paris.

*

La Libération de Paris, c'est en effet, aux côtés des armées françaises et alliées, la victoire de la Résistance et du peuple de Paris.

Depuis le 6 juin, Paris serre les dents et se prépare. Il s'organise et se mobilise. La Résistance appelle la population à la grève et multiplie les coups de main et sabotages. Le 15 août, le colonel ROL-TANGUY, chef des FFI. d'Ile-de-France, qui sera, par son intelligence et son patriotisme ardent, l'âme de l'insurrection, en appelle à la police parisienne et à toutes les formations régulières qui se trouvent à Paris. Le 18 août, ROL-TANGUY, ce combattant qui, dès 1940, a choisi la clandestinité plutôt que l'asservissement, lance un "Appel aux barricades" qui enflamme le peuple de Paris. Le 19 août, c'est la mobilisation générale et le début de l'insurrection. Le 22 août, le combat de rue s'engage partout.

La libération de Paris, c'est aussi le résultat d'une volonté politique.

Pour le général de GAULLE, qui a délégué Jacques CHABAN-DELMAS, ce grand résistant, auprès des forces insurgées, il faut que la capitale de la France, symbole de notre Histoire, de notre unité, de notre indépendance, soit libérée par les forces de la Nation. Avec sa ténacité habituelle, le chef de la France libre obtient des alliés que la première unité combattante à entrer dans Paris soit une unité française.

Car la libération de Paris, c'est enfin la victoire des armées françaises avec la 2ème DB. Ce sont les Sahariens de LECLERC, unis dans le serment scellé à Koufra, auréolés de leurs victoires en Afrique et jusqu'au Levant. Ceux qui ne furent d'abord qu'une petite poignée d'hommes libres, de Français libres, unis dans la même résolution, la même intransigeance, la même foi ont signé, par la seule force de leur engagement, une épopée glorieuse qui reste gravée au plus profond de nos mémoires.

Le 24 août, la 2ème DB peut enfin se lancer sur Paris et la compagnie du capitaine DRONNE se fraye un chemin en banlieue jusqu'à la Seine, pour s'immobiliser ici, devant l'Hôtel de Ville, qui est déjà tenu par la Résistance. Le lendemain, en fin d'après-midi, le général LECLERC peut rendre compte de la victoire au général de GAULLE, au prix, hélas, de très nombreux sacrifices.

Certes la guerre est loin d'être achevée. Il reste à la gagner. Les souffrances seront encore nombreuses et lourd le prix de la victoire. Dans l'enfer des camps, la machine nazie poursuivra encore longtemps son oeuvre de mort.

*

La Libération de Paris, c'est une étape essentielle vers la capitulation du régime nazi. Mais c'est aussi la France debout. La France restaurée dans son honneur, dans ses valeurs et dans ses droits.

Ces journées marquent la victoire de tout un peuple. La victoire de toute la France, victoire sur ses déchirements, sur ses luttes intestines, sur ses renoncements. La victoire de la France sur elle-même, d'une France enfin rassemblée, qui a vaincu ses divisions pour s'unir fraternellement autour de ses valeurs et d'une ambition nouvelle pour la Nation. Une ambition incarnée par un homme que le peuple français acclame comme son libérateur, qu'elle reconnaît

comme le chef légitime de la République. Cette cohésion nationale, si longtemps rêvée, poursuivie dans l'ombre par les fédérateurs de la Résistance, au premier rang desquels Jean MOULIN, permet à la France de recouvrer sa place et son honneur. Elle ouvre la voie à la reconstruction de notre pays.

Paris s'insurge, LECLERC et ROL-TANGUY qui reçoivent ensemble la reddition des autorités d'occupation, c'est la France qui retrouve sa place dans le monde ! C'est de LATTRE recevant neuf mois plus tard à Berlin, aux côtés des chefs alliés, la reddition du Reich. C'est LECLERC signant pour la France, sur le cuirassé Missouri, l'acte de capitulation du Japon. Paris qui se libère, c'est la France à la table des vainqueurs.

La France où, partout, sous l'autorité du général de GAULLE, va s'imposer l'ordre républicain, épargnant ainsi à notre pays l'humiliation d'une administration extérieure. La France, pays fondateur de l'Organisation des Nations Unies et membre permanent du Conseil de Sécurité. La France restaurée dans son prestige et dans son rang, qui peut de nouveau faire entendre son message de paix et de solidarité en Europe et dans le monde.

*

Soixante ans ont passé, mais le souvenir de ces instants extraordinaires nous rappelle l'exigence et le prix de la justice et de la liberté.

Aujourd'hui, je rends hommage à celles et à ceux qui se sont battus. A celles et à ceux qui sont tombés. A ces héros, admirables de courage, et si souvent anonymes. Je rends hommage à celles et à ceux qui ont dit "non". Non au renoncement, à l'abandon, à l'abaissement. Non à la barbarie, au nazisme qui fut la négation même des valeurs les plus sacrées de l'humanité.

Français libres, résistants, combattants de la libération de toutes origines, de toutes convictions, aux côtés de nos alliés, vous avez dessiné notre avenir et l'avenir de nos enfants dans une espérance commune. Celle d'un monde meilleur où chaque homme, chaque nation, verrait sa dignité reconnue ; où justice, solidarité et progrès seraient bien plus que des mots ; où respect, dialogue et tolérance seraient un devoir pour toutes celles et tous ceux qu'animent la même exigence ; où la paix et la réconciliation éclaireraient enfin une Europe réunifiée.

Aujourd'hui, rassemblés dans le souvenir de la Libération de Paris, j'appelle nos compatriotes, et notamment les plus jeunes d'entre eux, à être fidèles à cet idéal de liberté, d'égalité et de fraternité pour lequel vous vous êtes battus et sacrifiés. Je leur dis que rien n'est impossible. Que l'audace, la volonté, le courage permettent tout. Que c'est avec confiance qu'ils doivent regarder l'avenir pour construire ce monde de justice auquel ils aspirent.

Je les appelle à la vigilance, à l'esprit de résistance, pour faire barrage au mépris, à cette haine de l'autre, toujours à l'oeuvre, qui est la face la plus sombre de l'âme humaine.

Je les appelle à défendre, partout et toujours, nos valeurs. Elles sont notre héritage commun. Notre message. Notre fierté. Le grand combat de la France.

Vive la République ! Et vive la France !





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