Allocution du Président de la République lors des obsèques du général d'armée Jean Simon.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors des obsèques du général d'armée Jean Simon.

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Hôtel national des Invalides, Paris, le jeudi 2 octobre 2003

Madame, Mesdames et Messieurs,

En rendant hommage au général d'Armée Jean Simon, c'est la mémoire d'un soldat de légende que nous saluons cet après-midi. Un soldat dont la modestie et la discrétion n'avaient d'égales que le courage et la détermination. Un soldat dont le sens de l'honneur et la force de l'engagement resteront comme un exemple. Un soldat dont l'histoire et le destin auront été marqués du sceau de la fidélité et de la loyauté.

"Agis ou meurs" ! Assurément, Jean Simon aurait pu faire de cette belle maxime du grand écrivain Joseph Conrad, qu'il avait placée en épigraphe à ses mémoires, sa devise, quand il choisit, le 17 juin 1940, la voie dont il ferait sa vie.

C'est ce jour là en effet que débute, aux côtés de Pierre Messmer, l'incroyable itinéraire de celui qui n'est encore qu'un jeune lieutenant. Enfourchant sa moto pour rejoindre Marseille, il participe peu après au spectaculaire détournement d'un navire pour rallier Londres et le général de Gaulle avec tous ceux qui refusaient la défaite.

De cette rencontre avec le général, naquit une fidélité que rien ne devait jamais ébranler. Jean Simon écrira dans cette "Saga d'un Français libre", où il raconte ses souvenirs :

"Soixante ans se sont écoulés depuis l'Appel, et notre reconnaissance reste toujours aussi vive pour celui qui nous a rendu l'espoir quand tout semblait perdu. Il ne disposait pas d'autre arme que sa résolution, ni d'autre force que l'amour de la patrie, mais cela suffisait pour que, malgré tous les abandons et toutes les trahisons, la France fût présente au moment de la victoire aux côtés des vainqueurs. Pendant cinq ans, nous avons participé à toutes les batailles, sur terre, sur mer, dans les cieux, au grand jour et dans l'ombre de la clandestinité. Nous avons été des combattants d'une espèce singulière, car nous étions tous volontaires et nous avons été les acteurs et les témoins d'une époque exceptionnelle".

En faisant, spontanément, avec une poignée d'hommes déterminés et intrépides, le choix du refus, du courage et de l'honneur, le lieutenant Simon faisait le choix de la France. Cette France, Terre des Lumières, dont le message universel n'autorise ni l'abandon ni le renoncement.

Jean Simon sera de toutes les batailles qui ont jalonné l'épopée glorieuse de la France Libre. Sans hésiter, à peine arrivé à Londres, il demande à servir au sein de la prestigieuse 13e demi brigade de la Légion étrangère, pour être sûr d'être envoyé sans délai sur les théâtres d'opérations.

C'est d'abord en Afrique équatoriale, puis en Erythrée, qu'il fait ses premières preuves de chef au combat, et de manière si éclatante qu'il est cité à l'ordre de l'Armée et fait, très tôt, Compagnon de la Libération par le général de Gaulle.

Ce fut ensuite la douloureuse campagne de Syrie où il reçut sa première blessure grave et perdit son oeil droit.

De retour en Afrique, il fut, en Libye, à la tête de sa compagnie, l'un des artisans majeurs du succès de Bir Hakeim qui rendit à nos armées prestige et considération.

Dès lors, le capitaine Simon, bientôt Chef de bataillon, s'illustre dans toutes les batailles qui feraient la fierté de nos armées et marqueraient le renouveau de l'espoir et de la liberté : campagne d'Italie avec le Garigliano, Pontecorvo, Rome et Radicofani ; débarquement en Provence ; combats des Vosges, où il est blessé pour la deuxième fois ; Belfort, Colmar et enfin Strasbourg.

C'est un chef de guerre exceptionnel qu'auront révélé ces combats acharnés pour la libération de notre pays. Courage hors norme, mépris du danger, sûreté du jugement, Jean Simon savait aussi gagner le coeur de ses hommes par une audace et par une intuition toujours en éveil, toujours judicieuses.

La guerre achevée, la France libérée, le voici, à nouveau, engagé au service de son pays, en Indochine puis en Algérie.

L'Indochine d'abord, où le lieutenant-colonel Simon prend le commandement du 3e Régiment étranger d'Infanterie et s'illustre dans les durs combats de la RC 4. Il y sera sévèrement blessé.

L'Algérie, dix ans plus tard, où il est avec ses pairs, confronté aux dures réalités d'une guerre de décolonisation. Mais pour le colonel puis général Simon, la ligne est claire : c'est son indéfectible fidélité au général de Gaulle qui le guide et lui permet d'assumer sans états d'âme les délicates missions qui lui sont confiées.

Le cessez-le-feu signé, de retour en métropole, il s'attache désormais à adapter notre outil militaire conformément à la volonté du fondateur de la Ve République : adaptation au fait nucléaire, renouvellement des structures, des doctrines et des comportements.

Au terme de sa carrière d'officier d'active, devenu Inspecteur général de l'Armée de Terre, il est nommé secrétaire général de la Défense nationale. Il prolongera dans ces éminentes fonctions l'action opiniâtre qu'il avait engagée au service de la modernisation de nos forces armées.

Il se retire en 1978, après 44 années de services exceptionnels.

Mais la tâche du général Simon est loin d'être achevée. Ce grand patriote entend désormais consacrer sa vie à l'indispensable devoir de mémoire qui fonde la cohésion de la Nation. Témoin et acteur de pages inoubliables de notre histoire, il veut en conserver le souvenir pour permettre aux générations futures de connaître leurs racines, de défendre les valeurs qu'ils ont en partage et de bâtir un monde de progrès et de paix.

C'est le sens de l'action énergique, déterminée et désintéressée qu'il conduira en ses qualités de Chancelier de l'Ordre de la Libération, de Président de la Fondation de la France Libre et de Vice-Président de l'Institut Charles de Gaulle.

Je connaissais bien le général Simon pour qui j'avais le plus profond respect et la plus grande admiration. Dans ces instants de recueillement, je salue la mémoire de ce très grand Français et exprime à Madame Simon, à ses enfants et à tous les siens mes condoléances attristées. Ils peuvent, et avec eux notre pays tout entier, être fiers de cet homme d'honneur, de courage et de fidélité dont l'engagement aura été l'une des plus belles illustrations de ces valeurs qui font la force de nos armées.




Général d'Armée Jean Simon, le moment est venu de vous dire adieu.

A vous qui avez si bien servi la France, à vous qui avez donné à votre pays le meilleur de vous même, à vous dont le sens du devoir restera comme un exemple, j'exprime le respect et la reconnaissance de la Nation.





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