Allocution du Président de la République lors du dîner offert par le Président du Niger.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors du dîner offert en son honneur par M. Mamadou TANDJA, Président de la République du Niger.

Imprimer

Niamey, Niger, le mercredi 22 octobre 2003

Monsieur le Président de la République, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs,

Je voudrais, Monsieur le Président, tout d'abord vous dire ma gratitude et aussi ma joie pour l'accueil si chaleureux que vous m'avez réservé pour ma première visite officielle à Niamey. J'y ai été très sensible. Merci, Monsieur le Président, pour vos si belles paroles. Vous portez très haut l'hospitalité de votre grand peuple. Cette hospitalité légendaire, que les Nigériens n'ont cessé de me témoigner et qui a pris, tout au long de cette journée pour moi inoubliable, les mille couleurs et les mille musiques de l'amitié et de la fête.

A cela s'ajoute mon plaisir de fouler le sol du Niger, un pays, une civilisation, qui plongent loin leurs racines, aux sources même de notre humanité.

Fascinant Niger, uni dans une exceptionnelle diversité humaine et géographique : la région verdoyante du grand fleuve, qui lui a donné son nom, et puis l'Aïr, le Djado, le Ténéré, terres austères et grandioses qui gardent la trace, dans leurs étendues de sable, d'argile et de rochers, des fragiles conquêtes des premiers hommes sur une nature hostile.

Mystérieux Niger, aux antiques cités disparues, balayé par les vents brûlants du Sahel, alors que se transmet de génération en génération la mémoire de cette époque où le Sahara était encore un jardin !

Terre de passage et de brassage, votre pays, malgré les conflits qui l'ont meurtri, s'est voulu aussi terre d'ouverture et de tolérance. Nomades ou sédentaires, des populations, si diverses par leurs origines, leurs traditions, leurs cultures, y cohabitent depuis des siècles : Haoussas, Touaregs, Peuls bororos, Songhaïs ou Isawaghen, d'autres encore, toutes détentrices de savoirs ancestraux, toutes dépositaires d'une légendaire sagesse qu'immortalisent les oeuvres de Boubou HAMA .




Cette sagesse, Monsieur le Président, guide votre action à la tête du Niger depuis 1999. Elu démocratiquement au terme d'une période de grande confusion politique et institutionnelle, vous avez su depuis lors faire progresser votre pays sur la voie de la stabilité et sur la voie de la paix. Dans une Afrique blessée par de stériles luttes fratricides, l'exemple du Niger est pour le monde une invitation à agir et à espérer.

Votre engagement en faveur de la paix et du progrès, vous le poursuivez à la tête des organisations régionales que vos pairs vous ont appelé à présider : l'Union économique et monétaire ouest africaine, la Communauté des Etats sahélo-sahariens (CENSAD), l'Autorité du Bassin du Niger, d'autres encore. Vous vous montrez très actif dans l'exercice de ces mandats, en homme de vision et d'ambition pour l'Afrique.

La vigueur accrue que vous voulez donner à la dimension régionale se manifeste dans la "déclaration de Niamey" que vous avez fait adopter le 12 septembre dernier par l'Autorité du bassin du Niger. Déclaration de sagesse. Déclaration prémonitoire.

La préservation du fleuve, l'utilisation de ses eaux, c'est pour vous, vous l'avez rappelé à l'instant, un enjeu vital. Vous ne pouvez laisser ce grand fleuve s'ensabler alors qu'avec ses affluents, il peut vivifier les vastes terroirs qui bordent son parcours dans votre pays.

L'immense potentiel de ce fleuve africain, de plus de 4200 km, impose une coopération entre les pays qu'il traverse, de la Guinée, où il prend sa source, en passant par le Mali, le Bénin, dont il vous sépare, puis le Nigeria où il va se jeter dans les eaux de l'Atlantique.

En proclamant la nécessité d'une "vision partagée pour le développement durable du Bassin du Niger", la "déclaration de Niamey" répond très intelligemment à cette exigence. Vous vous insérez parfaitement dans les grands axes d'efforts sur lesquels la communauté internationale s'est engagée, au Sommet du Millénaire, comme à Kyoto ou dans le cadre du G8. Ils visent à "réduire de moitié d'ici 2015 le nombre de personnes n'ayant pas accès à l'eau et à l'assainissement".

La France, vous le savez, appuie fortement ces objectifs. C'est pourquoi, Monsieur le Président, elle apportera son soutien actif à la "déclaration de Niamey" en stimulant le partenariat international pour le bassin du fleuve Niger qu'elle soumettra à la Commission du développement durable des Nations Unies. Nous entendons y jouer un rôle moteur et, dès à présent, nous y contribuerons pour un montant de 10 millions d'euros, soit 6,6 milliards de francs CFA. La France est prête à s'investir et, éventuellement, à organiser à Paris une réunion des bailleurs de fonds en faveur de ce fleuve dont dépendent la vie quotidienne et aussi l'avenir de tant de populations riveraines.

Votre action, et par conséquent la nôtre, ne s'arrête pas là. La lutte contre la pauvreté est, pour nous, une exigence. Elle nous oblige par solidarité. Déjà gravement touchées par la grande sécheresse du Sahel de 1973, les populations du Niger ont été éprouvées par les troubles des années 90 et les turbulences politiques qui ont eu aussi pour malheureuse conséquence de réduire les aides extérieures.

La stabilité revenue, vous vous engagez, Monsieur le Président, courageusement et avec méthode dans le grand combat pour l'éducation et la santé. Vous lancez l'opération "mille classes". Vos intentions s'expriment dans cette pensée de Victor Hugo, gravée sur le mur du collège de Yantala : "chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne". L'éducation, la formation, sont les piliers du programme de Gouvernement de M. HAMA, votre Premier ministre que je suis heureux de saluer. Quelle éminente responsabilité, avec une population aussi jeune que la vôtre, mais que d'espoirs pour demain, qui ne doivent pas, qui ne peuvent pas être déçus !

Autre défi majeur, celui auquel répond le lancement des "mille cases de santé". S'y ajoute la nécessité de lutter contre le SIDA, et de donner aux malades la possibilité d'accéder aux traitements. Permettez-moi de souligner, Monsieur le Président, l'ouverture prochaine à Niamey d'un centre de traitement ambulatoire, auquel la Croix Rouge française a apporté son concours, à l'initiative de son Président, le Professeur Marc GENTILINI, qui nous fait le plaisir d'être parmi nous ce soir. Voilà une réalisation qui témoigne de la vitalité et de la dimension affective et profondément humaine de notre coopération.




Monsieur le Président, le Niger et la France sont unis de longue date. Notre histoire commune, malgré ses heures sombres, a fait naître une amitié confiante, une estime, et des liens qui, avec le temps, ont su s'adapter et se renforcer. Nous en sommes convenus lorsque j'ai eu le grand plaisir de vous recevoir en visite officielle en janvier 2000.

Notre proximité se traduit d'abord par une coopération soutenue, que le rétablissement d'institutions démocratiques a permis de remettre au niveau souhaité et nous permet aujourd'hui de développer. La présence à mes côtés de M. Hervé GAYMARD, ministre de l'Agriculture et de M. Pierre-André WILTZER, ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, souligne notre volonté d'approfondir cette coopération, conformément aux priorités que vous avez sagement définies, Monsieur le Président, pour le Niger de demain.

Pour ma part, j'ai bien retenu l'attention que vous accordez aux questions de sécurité. Votre pays, immense, avec des étendues désertiques qui ne s'arrêtent pas à vos frontières, avec des circuits d'échanges millénaires, que peuvent aussi emprunter les armes, nécessite assurément une surveillance particulière. Notre coopération militaire vous apportera son appui, je vous l'ai dit tout à l'heure. Au-delà, vous pouvez compter sur la France pour soutenir la stabilité et la paix, dans votre région comme dans l'ensemble du continent.




Trop fréquemment hélas, la paix et la stabilité en Afrique sont ébranlées par des conflits, des crises, aux causes multiples, en particulier le mal-être des sociétés ou la contestation des processus électoraux.

Conscients qu'il s'agit du premier obstacle pour le développement du continent, les dirigeants africains se sont résolument engagés dans la prévention des crises. Les organisations régionales jouent désormais leur rôle, à l'image de celles dont vous exercez actuellement, Monsieur le Président, la présidence. Avec le NEPAD, s'exprime une volonté renforcée de respecter et d'appliquer les principes qui assurent la paix civile et la cohésion nationale.

Plus que jamais, les partenaires de l'Afrique doivent se mobiliser pour la soutenir dans ses efforts de réforme et pour consolider ses premiers succès. C'est pourquoi, j'ai fait de l'Aide publique au développement une priorité de la France. Dans un monde marqué chaque jour davantage par l'interdépendance, il est de notre intérêt à tous de ne laisser personne au bord du chemin.

C'est encore pourquoi j'ai voulu que le G8, sous présidence française, associe étroitement les pays en développement, avec la participation de chefs d'Etats qui les représentaient.

L'ampleur de la tâche ne doit pas nous faire hésiter. Elle doit nous mobiliser. Je connais, Monsieur le Président, votre résolution, celle de votre gouvernement et celle du peuple nigérien. Vous pouvez compter sur celle de la France. Comme nous le rappelle la sagesse nigérienne : "Ce que veut le coeur met les jambes en marche !"

Vive le Niger ! Vive la France ! Vive l'amitié franco-nigérienne !





.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2004-11-11 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité