Allocution du Président de la République devant l'Assemblée nationale du Niger.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant l'Assemblée nationale du Niger.

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Niamey, Niger, le jeudi 23 octobre 2003

Monsieur le Président, Messieurs les membres du gouvernement, Mesdames et Messieurs les Députés, Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie, Monsieur le Président, pour votre accueil si chaleureux, à l'image de celui que je n'oublierai pas que les Nigériens nous ont réservé depuis mon arrivée sur votre sol et auquel j'ai été infiniment sensible. Cet honneur, Monsieur le Président, que vous me faites et, à travers moi, à la France, en m'invitant à m'exprimer du haut de cette tribune. Cet honneur me touche au plus profond du coeur parce qu'il témoigne de l'amitié singulière qui unit votre pays et le mien.

Une amitié qui a des fondements anciens, une amitié faite de solidarité et d'estime pour le Niger d'aujourd'hui, pour l'image qu'il donne et qui est une belle image dans un monde trop souvent conflictuel et pour la volonté de progrès et de paix qui l'anime.

Comment, Monsieur le Président, ne pas saluer et se réjouir de l'unité retrouvée de votre pays ! Après les déchirements intérieurs, les armes se sont tues, le dialogue, facilité par des pays amis parmi lesquels, naturellement, figurait la France, d'autres aussi, et notamment vos voisins et frères africains, le dialogue a permis le retour de la sagesse et de la paix. Hommage doit être rendu à celles et ceux qui ont choisi cette voie et qui ont repris leur place dans la Nation. Ils ont choisi la paix plutôt que la violence, toujours porteuse de drames et de misère, ils ont choisi le progrès plutôt que l'aventure qui se déroule toujours au détriment du peuple.

Comment ne pas saluer la reprise de la vie démocratique au Niger, reprise dont l'Assemblée nationale est évidemment l'un des piliers ! Reprise qui a beaucoup impressionné, au-delà même de vos frères africains, l'ensemble de la communauté internationale. Mesdames et Messieurs les Députés, vous représentez ici le peuple du Niger, le peuple dans sa diversité, avec ses différences d'opinions, de culture et de vision sur l'avenir ou les destinées de la Nation, mais le peuple tout entier.

C'est par votre voix, à travers vos débats, et vos délibérations que les populations expriment leurs aspirations, leur souhait de les voir prises en compte, ces aspirations fondamentales, naturelles pour la vie, pour le mieux-être, ceci dans vos circonscriptions mais aussi et surtout au plan national. Lieu par excellence du dialogue, de la définition des enjeux pour l'avenir, votre Assemblée est le lieu où doit se dégager la volonté nationale. Exprimée à l'issue d'un débat libre et ouvert, elle désarme ceux qui tentent d'imposer la force au profit d'une minorité.

Mesdames et Messieurs les Députés, vous faites vivre la démocratie au Niger, avec une majorité assumant ses responsabilités, et une minorité aux droits légitimement reconnus, comme dans toutes les grandes nations modernes et qui veulent assumer le poids de la responsabilité nationale. Toutes et tous, vous oeuvrez au service du peuple nigérien, en sachant tout ce qu'il attend, à juste titre, légitimement de celles et de ceux qui ont reçu de lui mission de diriger le pays, conformément à l'intérêt général, à l'intérêt de chacune et de chacun des Nigériens.

Comment ne pas saluer les efforts mais surtout les réussites du Niger sur la voie du développement et du progrès ! Beaucoup reste à faire et sera fait mais mieux que d'autres, vous connaissez les immenses besoins du pays, en particulier ceux de cette jeunesse nombreuse, superbe, qu'il faut éduquer, former, préparer à un monde de plus en plus exigeant, pour lui permettre de s'y employer, d'y travailler, d'être intégré. En un mot, de s'y épanouir. En allant de l'aérodrome jusqu'à la capitale hier, et très ému par le nombre de vos compatriotes qui, très gentiment, avec cette conception africaine de l'accueil, étaient venus pour saluer le convoi, je regardais attentivement ces garçons, ces filles, si nombreuses et si nombreux, qui avaient le sourire, qui avaient le regard joyeux, qui exprimaient la vie. Et je me disais que, dans une Afrique qui a été si traumatisée par l'Histoire depuis des siècles, ils étaient la chance du redressement et de la reprise de toute sa place, avec la force de sa culture et de ses moyens de l'Afrique dans le monde de demain. La chance mais aussi un terrible défi.

Si cette jeunesse, qui attend qu'on réponde à ses besoins, qui ne doute pas à son âge, qu'on répondra à ses besoins, venait à être déçue, alors cette chance deviendrait un lourd défi à relever et serait porteuse de beaucoup de drames pour demain. Chacun doit en avoir conscience. Et c'est sur ce point que la communauté internationale doit jouer. Ne revenons pas sur les erreurs de l'Histoire mais aujourd'hui il faut en accepter le verdict. C'est en apportant la garantie, la certitude à tous ces jeunes regards qu'ils seront pris en compte et que tout sera fait pour leur donner les moyens d'une vie digne, que l'on répondra à ce défi. Vous ne le ferez pas seuls. Vous le ferez avec la coopération de chacun des Nigériens, dans cet esprit de stabilité et de paix sans lequel rien ne peut être fait. Mais vous le ferez aussi avec la solidarité de la communauté internationale pour rattraper les retards.

Vous parliez de mondialisation, le monde est de plus en plus une grande famille qui doit accepter les règles d'une famille, parmi lesquelles naturellement la solidarité. C'est en tendant la main à celui qui en a besoin que, dans une famille, on maintient l'harmonie et la sagesse, la paix aussi.

Votre pays, ses dirigeants, ses élus, ses citoyens ont pris la mesure des défis et ils y apportent des réponses que je sais et que je vois courageuses mais aussi prometteuses. Ce sont notamment les grands programmes de développement visant des secteurs essentiels comme l'éducation, la santé, le développement agricole, l'eau potable, l'eau pour irriguer et d'autres encore.

Cette marche résolue vers le progrès suppose une vraie coopération, avec les moyens dont disposent la communauté internationale. Ce matin, j'évoquais avec le Premier ministre, après l'avoir fait hier avec le Président, à la fois les ambitions du Niger dans tous ses domaines, mais aussi les difficultés d'obtenir une évolution efficace des coopérations internationales. J'ai souvent eu l'occasion de souligner, devant la Commission européenne, le caractère inacceptable des lenteurs de procédure qui émanent souvent de la mise en oeuvre de moyens qui ne sont pas adaptés à la réalité du terrain. Il est certain que la volonté de réforme ne peut être assumée que dans la mesure où les moyens financiers prévus au titre de la coopération internationale pour faciliter ces réformes sont mis en oeuvre. Mais, si on attend que les réformes soient faites pour envoyer les financements, alors naturellement, il n'y aura jamais de réformes. Je souhaite que la communauté internationale, et je pense tout particulièrement à nos amis de la Communauté européenne, de l'Union européenne, prennent conscience de la nécessité d'être plus réalistes et de répondre de façon plus rapide et plus efficace à la mise en oeuvre des programmes de développement qui ont été agréés d'un commun accord et qui sont une expression de la volonté nationale du Niger pour son développement.

Vous le faites aussi en veillant au respect des libertés publiques, en veillant au bon fonctionnement de la justice, au développement des entreprises et des investissements qui suppose des règles claires et la confiance. Vous avez la responsabilité, essentielle, d'assurer l'équitable contribution de tous aux charges de la Nation.

En remplissant ces multiples missions, avec une claire conscience de leurs enjeux, vous contribuez, Mesdames et Messieurs les Députés, à préparer le Niger à mieux s'insérer dans la communauté internationale, dans un contexte de mondialisation, de globalisation comme le disait tout à l'heure le Président, qu'il souhaite à la fois juste et humanisé, c'est-à-dire solidaire. Il n'y aura pas de mondialisation de l'économie s'il n'y a pas de mondialisation de la solidarité. En tant que premier partenaire du Niger, la France, je vous le confirme, vous soutiendra sur la voie que vous avez choisie. Je l'ai redit au Président de la République, au Président TANDJA et j'ai rappelé, publiquement, hier soir, en évoquant les grands axes de notre engagement.

Pour conclure, Monsieur le Président, permettez au représentant d'une vieille Nation, qui s'est construite comme vous au long des siècles, avant de s'enraciner, bien plus tard, dans la démocratie, et qui aujourd'hui se dépasse dans la construction d'une Europe unie, permettez-moi de partager amicalement avec vous, les leçons que la France tire de sa longue histoire.

La première est de préserver l'unité et la paix civile. Sans l'unité et la paix civile, comme obsession permanente de toute réflexion politique on n'engendre que la misère, le désordre et la faiblesse.

Ensuite respecter les exigences de la démocratie et garantir les libertés publiques. C'est cette voie que, délibérément, l'ensemble des représentants de la Nation ont empruntée et c'est en réalité la seule voie susceptible d'assurer cette paix et cette démocratie sans lesquelles, je le répète, il n'y a pas d'avenir possible pour les populations.

Il faut enfin cultiver patiemment des relations de bon voisinage, de solidarité, de fraternité. Des relations qui favorisent l'édification d'ensembles régionaux, d'espaces de paix, d'espaces, de progrès. De ce point de vue, l'action du Niger est, sans aucun doute, exemplaire et, vous le savez, sur le plan international, la France la soutient sans réserve.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, Messieurs les membres du gouvernement, cela a été pour moi un honneur et une émotion de m'exprimer devant les représentants de votre grand peuple chargé d'une longue histoire et dépositaire d'une grande culture, diverse et forte. Cela a été un honneur et une joie de m'exprimer devant vous et je vous en remercie.

Vive le Niger ! Vive la France ! Vive l'amitié entre le Niger et la France !





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