Toast prononcé par le Président de la République à l'occasion du dîner d'État offert en l'honneur du Président d'Afrique du Sud.

Toast de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du dîner d'État offert en l'honneur de M. Thabo MBEKI, Président de la République d'Afrique du Sud.

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Palais de l'Élysée, le lundi 17 novembre 2003

Monsieur le Président, Madame,

Mon épouse et moi-même sommes particulièrement heureux de vous accueillir à l'Elysée, pour votre première visite d'Etat à Paris. Les Français sont honorés de recevoir le Président d'un grand pays qui symbolise à la fois le combat inlassable pour la dignité de l'homme et la Renaissance africaine. Par ma voix, ils vous souhaitent très chaleureusement la bienvenue ainsi qu'à Madame MBeki, à qui je présente mes respectueux hommages. Je salue également les hautes personnalités qui vous accompagnent.

Dans la mémoire des hommes de notre temps et dans l'Histoire, la fin du XXe siècle restera marquée par deux grandes victoires de la liberté : la disparition de l'empire soviétique et la fin de l'apartheid. Vous êtes, Monsieur le Président, l'un des héros de cette révolution glorieuse et pacifique. Entre la France et l'Afrique du Sud démocratique et moderne s'est établie une fraternité. Votre pays incarne aux yeux des Français l'un de ceux qui défendent le mieux les valeurs universelles de la civilisation. Voilà pourquoi la France veut être votre meilleur allié dans le nouveau combat que vous avez engagé, la Renaissance africaine. Ainsi, nous contribuerons ensemble à une mondialisation plus juste et plus solidaire, où chacun trouvera sa place.

L'Afrique du Sud, nous savons tout ce qu'elle doit à celles et à ceux qui ont mené, dans la peine, mais avec un courage, avec une obstination inébranlable, le dur combat de la libération et de la dignité. Vous-même, Monsieur le Président, vous avez été de ceux-là, aux côtés du Président Mandela. Marqué au plus profond par les années de lutte, jamais pourtant vous n'avez perdu confiance dans l'Homme et dans l'avenir. Jamais l'esprit de revanche ou de ressentiment ne vous a animé.

Au contraire, vous avez été en première ligne pour relever les défis de la paix, de la réconciliation nationale, de la transition démocratique. Votre pays donne au monde une admirable leçon de sagesse politique qui doit beaucoup à votre clairvoyance et à votre hauteur de vues. Le refus de la violence, la pratique du dialogue et du pardon ont permis l'adhésion des esprits et des coeurs à ce « nouveau patriotisme » que vous avez suscité. Grâce à lui, une nation est née, forte du sentiment d'appartenance de quarante-six millions de Sud-Africains désormais rassemblés par-delà leurs différences.

Nous saluons l'avènement d'un pays moderne, en plein essor, une ''Nouvelle Afrique du Sud'', transformée par un nouveau modèle économique et la modernisation de sa société.

En une décennie, cette économie fermée, repliée sur des rentes minières et agricoles, s'est assainie et diversifiée. Elle est devenue suffisamment forte pour s'imposer dans les échanges mondiaux, dans les nouvelles technologies notamment, grâce à de grands groupes qui comptent parmi les acteurs importants de l'économie internationale. Elle témoigne du dynamisme des Africains, de leur énergie, de leur esprit d'entreprise.

Vous avez voulu aussi corriger les injustices héritées du régime d'apartheid, apaiser les tensions si dangereuses qu'elles ont suscitées, construire une démocratie sociale fondée sur l'égalité des chances, sur l'accès universel aux services essentiels, sur l'insertion des populations défavorisées, dont chacun mesure les souffrances et, souvent, le désespoir.

La France salue cet engagement. Elle se reconnaît dans ce combat pour la justice et pour la solidarité. Elle veut y contribuer parce qu'elle y voit un devoir moral et une nécessité. Il faut que les peuples d'Afrique trouvent leur place dans une mondialisation dont ils se sentent exclus.

Voilà pourquoi j'attache une telle importance à l'intensification de nos liens.

Liens politiques d'abord, dont témoignent nos rencontres et les échanges constants entre les membres de nos gouvernements. C'est bien un partenariat que nous élaborons, notamment autour de notre "Forum de Dialogue Politique". Nous oeuvrons ensemble pour la paix, pour la résolution des crises qui déchirent le continent. La France appuie vos efforts de médiation aux Comores et au Burundi. De son côté, elle apprécie votre soutien à ses efforts pour la paix en Côte d'Ivoire. En République démocratique du Congo, nos soldats se sont trouvés côte à côte en Ituri pour protéger des populations civiles menacées.

Liens économiques également, avec le développement de nos échanges commerciaux et des investissements français en Afrique du Sud, témoins de la confiance des entreprises françaises. Avec la multiplication de nos coopérations dans les secteurs les plus variés et les plus prometteurs, comme l'aéronautique, l'énergie nucléaire ou l'aluminium. Je souhaite que la France s'affirme comme un partenaire économique privilégié pour l'Afrique du Sud.

Liens de solidarité, puisque l'Agence française de Développement a fait de votre pays le second bénéficiaire de ses interventions. Elle s'est attachée, conformément à vos priorités, au développement social des quartiers défavorisés, au financement des PME issues du "Black Economic Empowerment", au renforcement des services de santé. Et nous menons ensemble, en Afrique et sur la scène internationale, le dur combat contre le sida, ce fléau que nous ne devons pas laisser mettre en danger les espoirs de développement de votre continent.

Liens culturels enfin. Vous savez le prestige dont les artistes, les écrivains, les créateurs d'Afrique du Sud jouissent en France. Vous savez l'écho qu'a chaque fois trouvé en France l'attribution du Prix Nobel à six de vos compatriotes. Je souhaite que nous développions cette dimension essentielle de l'ouverture aux autres, du dialogue des cultures, si nécessaire à notre temps. Je souhaite que nous cherchions comment faire mieux connaître au monde les anciennes et prodigieuses cultures de l'Afrique, si riches de sens pour l'avenir de l'humanité, d'expérience, de joie et de beauté.

Monsieur le Président,

La "Nouvelle Afrique du Sud" apporte au continent africain le poids de son économie, la force de son rayonnement. Vous lui avez aussi conféré une vision pleine d'espoir, une ambition : la "Renaissance africaine". Ce projet, c'est l'Afrique qui refuse la fatalité et redevient maîtresse de son destin. C'est l'Afrique qui choisit la paix et la démocratie, la bonne gouvernance et la croissance économique, pour le progrès de l'homme.

Telle est l'ambition du NEPAD, dont vous êtes l'un des principaux promoteurs et artisans. Il fonde un partenariat dont la France est l'avocat le plus déterminé. Elle en a fait l'une des priorités de sa présidence du G8, pour que l'engagement sans faille de la communauté internationale réponde à l'engagement solennel des Africains. Le Forum que nous avons créé la semaine dernière à Paris sera le lieu où nous travaillerons à ce que l'Afrique devienne, comme elle y aspire, "le continent du XXIème siècle".

Au-delà de l'Afrique, nos deux pays partagent les mêmes vues sur bien d'autres sujets. Inspirées par une même approche, nos positions se rejoignent sur la question du Moyen-Orient ou celle de l'Iraq, sur le rôle des Nations Unies, ou encore sur le respect de la diversité culturelle. A Johannesburg l'été dernier, j'ai mesuré la force et l'efficacité de votre engagement en faveur du développement durable. Je tiens à souligner le rôle moteur que vous jouez parmi les grands pays émergents et l'influence que vous exercez sur les pays en développement.

Soyons ensemble de tous les grands combats, qui ne sont jamais finis, pour l'homme, sa dignité, son avenir, et la paix dans le monde. La coopération entre l'Afrique du Sud et la France est riche d'espérances qui dépassent le destin de nos deux peuples. Nous pouvons, nous devons, lancer des initiatives conjointes, ambitieuses, qui changeront la donne, qui démontreront que le Nord et le Sud sont conscients de ce qui les unit désormais, une communauté de destin au regard de laquelle les divergences pèsent bien peu. Travaillons ensemble, comme nous avons commencé de le faire à Johannesburg et à Evian, à construire cette gouvernance mondiale solidaire et démocratique nécessaire à notre temps et aux générations futures.

A l'aube de votre visite, le message de la France est un message de bienvenue et de confiance dans ce pays si prometteur, plus que jamais essentiel au continent, l'Afrique du Sud. C'est un message d'ambition, pour que s'enrichisse encore la relation d'exception qui se noue entre nos deux pays.

Fort de cette confiance et de cette ambition, je lève mon verre en votre honneur, Monsieur le Président. En l'honneur d'un combattant de la liberté, d'un artisan de la démocratie, d'un militant de la paix, de la justice et de la solidarité, d'un homme d'Etat dont l'amitié nous honore. Je le lève à l'amitié entre nos deux pays, aux liens toujours plus étroits qui doivent unir nos peuples.

Vive la Renaissance africaine, Vive l'Afrique du Sud, Vive la France.

Je vous remercie, Nkosi ! (Merci)





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