Discours du Président de la République devant le Parlement algérien.

Discours prononcé par M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant le Parlement algérien.

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Alger, Algérie, le lundi 3 mars 2003

Monsieur le Président de la République, Messieurs les Présidents du Conseil de la Nation et de l'Assemblée populaire nationale, Monsieur le Chef du gouvernement, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Mesdames, Messieurs,

La France est heureuse et fière de faire entendre sa voix sur le sol d'Algérie, dans la capitale de votre grand pays, au sein de ce Palais des Nations, lieu-symbole où vous m'avez invité à parler en son nom.

Nous vivons aujourd'hui, je crois, un moment d'histoire, puisque c'est la première visite d'Etat d'un Président français en Algérie depuis l'Indépendance. Mais, au-delà de la solennité qui souligne la force et la rareté des heures que nous sommes en train de vivre, c'est l'émotion des retrouvailles qui nous étreint. Des retrouvailles chaleureuses, fraternelles, comme en témoigne l'accueil exceptionnel que nous a réservé, à mon épouse et à moi-même, le peuple algérien. Qu'il en soit remercié du fond du coeur.

Cet accueil, cette chaleur prouvent que les liens quasi charnels qui unissent l'Algérie et la France sont bien vivants. Ils sont le socle de la confiance, de l'amitié, de la solidarité que nous voulons construire et renforcer entre nos deux nations.

Merci, Monsieur le Président de la République, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, du grand honneur qui m'est fait de pouvoir m'exprimer devant vos deux Chambres réunies, afin d'approfondir encore notre amitié et surtout de l'ancrer dans l'avenir.


Il y a bientôt trois ans, votre visite d'Etat en France, Monsieur le Président de la République, a ouvert une ère nouvelle. En cet été de 2000, pour les Algériens et les Français, le temps était venu d'une refondation de nos relations, autour des principes et des valeurs qui nous rapprochent et qui fixent son cap à notre amitié retrouvée.

Depuis lors, que de chemin parcouru ! C'est vrai, peu de pays entretiennent l’un pour l’autre des sentiments aussi forts et profonds que l’Algérie et la France. Pendant des siècles, la Méditerranée nous a séparés autant qu’elle nous a rassemblés. Ses flots ont porté vaisseaux de guerre et navires de commerce, depuis l’odyssée de Tarik jusqu’aux courses barbaresques. Au XIXème siècle, la révolution industrielle a donné à l’Europe de nouveaux moyens d’expansion. Nous connaissons la suite. Elle est écrite dans les archives et les livres. Elle est gravée dans les mémoires et dans les coeurs.

Ce fut le temps de la conquête de 1830, de l’épopée de l'Emir Abdelkader, de la colonisation de peuplement, des révoltes et des répressions, des rendez-vous manqués, des dialogues avortés, des incompréhensions réciproques. Puis ce fut la tragédie de cette guerre qui, longtemps, ne voulut pas dire son nom. Elle fut meurtrière, parfois inexpiable. Avec son cortège de destructions, de souffrances. Avec ses innombrables victimes, ses familles déchirées, ses destins et ses rêves brisés. Avec l’exode douloureux d’une communauté de plus d’un million de personnes.

Et quelle émotion pour moi de voir aujourd'hui les parlementaires algériens m’accueillir au Palais des Nations, à quelques kilomètres de cette baie de Sidi Ferruch où, il y a 173 ans, a commencé la présence française. Quelle preuve de notre volonté d'assumer ensemble notre passé commun !

Nos deux histoires ont été liées pendant 132 ans. C'est pourquoi je souhaite ici rendre solennellement hommage à tous ces enfants d'Algérie qui, en 1914-1918, en 1939-1945, ont participé, en sacrifiant leur vie, à la défense et à la victoire finale de la France, de ses alliés et du monde libre. Je pense à la glorieuse armée d’Afrique, aux héros de la campagne d'Italie de 1943-1944. La France sait ce qu’elle leur doit. Elle ne l’oublie pas. Vous avez touché bien des coeurs, Monsieur le Président de la République, en allant, en juin 2000, parcourir les cimetières de Verdun et rendre hommage à ces jeunes combattants d'Algérie et de France, tombés côte à côte au champ d'honneur.

Oui, nos deux peuples ont une histoire commune, avec ses ombres et ses déchirures, mais aussi avec ses pages de vie et d'harmonie. Ma pensée, aujourd'hui, va également vers ces millions de femmes et d’hommes, si différents par leurs religions, leurs origines, leur culture, qui ont vécu sous ce même ciel méditerranéen, et façonné ensemble cette terre à laquelle ils étaient si attachés.

Ce passé, complexe, encore douloureux, nous ne devons ni l'oublier ni le renier. Marcel Proust écrivait : "Certains souvenirs sont comme des amis communs, ils savent faire des réconciliations". Laissons nos souvenirs parachever la nôtre.

D'un côté comme de l'autre, sachons regarder ce passé en face. Reconnaître ses blessures, sa dimension tragique. Accueillons ensemble les mémoires, toutes les mémoires. Respectons toutes les victimes de la guerre d’Algérie, toutes celles et ceux qui ont combattu dans la sincérité de leurs engagements. Celles et ceux qui n’ont pu voir se lever les jours de l’Indépendance, comme celles et ceux qui ont dû se résoudre à l’exil.

Après l’Indépendance, des hommes de vision ont montré le seul chemin, celui de la réconciliation, du développement, de l’avenir. Malgré les obstacles et les hésitations, la coopération entre nos deux pays est devenue petit à petit une réalité. Le temps de l’indépendance ne fut jamais celui de la rupture. Le Général de Gaulle, pas plus que les dirigeants du jeune Etat algérien, ne la souhaitaient ni ne l’envisageaient. Au contraire, le mot-clé devint celui de "coopération". Le lien fut maintenu, à travers des milliers de jeunes Français qui ont participé à l’aventure de la naissance d’un Etat, à travers des milliers de jeunes Algériens qui sont venus étudier et travailler en France.

Notre relation s'est peu à peu affermie, sous l'autorité et l'impulsion des personnalités qui, en Algérie comme en France, ont su se rencontrer, à l’instar de Houari Boumediene et de Valéry Giscard D'Estaing, de Chadli Bendjedid et de François Mitterrand. Pendant la tragique épreuve des années 1990, au cours de laquelle votre pays a dû surmonter une profonde crise intérieure marquée par la barbarie et la violence, le fil a été préservé. Avec la politique de paix civile, nos liens se renforcent grâce à la détermination du Président Abdelaziz Bouteflika. La France entend développer avec l'Algérie une même vision de l'avenir, une même ambition pour le monde de demain, une même volonté de créer un partenariat d'exception entre nos deux pays.

Aujourd’hui, nous devons aller plus loin. Nous devons organiser notre communauté de destin, au service de la paix et de la stabilité en Méditerranée. Les destins de l’Algérie et de la France s’entrecroisent. Les âmes de nos deux peuples se mêlent intimement. Nous avons à disposition tellement d’atouts pour y parvenir. Privilégions ce qui nous unit, par le coeur et par la raison.

Le premier de ces liens, c'est naturellement une extraordinaire richesse d'hommes et de femmes. Un Français sur six vit un lien charnel avec l’Algérie, qu’il en soit originaire d’avant ou d’après l’Indépendance. Ce sont des millions de personnes. Première, deuxième, troisième générations de rapatriés ; première, deuxième, troisième générations d’immigrés. Et je saisis cette occasion pour saluer la communauté algérienne en France qui a fait souche dans mon pays, qui plonge aussi ses racines dans le vôtre et qui jette le pont le plus solide entre nos deux rives.

Ces liens sont également ceux de l’Islam, la deuxième religion en France. Et je voudrais dire combien nous partageons votre vision d’un Islam tolérant, ouvert aux autres religions, attentif aux Eglises chrétiennes d’Algérie, avec lesquelles vous avez su préserver des liens de confiance, de respect et d’amitié. En visite dans votre pays, je veux saluer les musulmans d’Algérie, mais aussi, bien sûr, les musulmans de France. Ils savent que la France tient au respect des consciences et à la sérénité des lieux de culte. A toutes ces femmes et à tous ces hommes qui vivent leur foi au travers d'un Islam ouvert sur le monde, j’adresse un message d'amitié, d’estime et de respect.

Si nos convictions rendent plus riche notre parcours humain, il en est de même de nos langues. La langue arabe est intégrée dans les programmes de nos établissements scolaires. Elle est pour les uns un héritage précieux, pour les autres un atout de valeur. Pour votre part, tout en préservant votre identité, vous avez su donner au français une place en Algérie. Vos écrivains comptent parmi les plus talentueux des auteurs francophones. Vos dramaturges s’expriment fréquemment sur les scènes françaises. Tous ces créateurs ont su plier le français à leur propre génie. Ils lui ont parfois crié leur attachement. C'est Rachid Boujedra qui proclame : "Grâce aux écrivains français, je me sens en paix avec cette langue avec laquelle j'ai établi un rapport passionnel, qui ne fait qu'ajouter à sa beauté". Ils sont la partie la plus visible de l’appartenance de l’Algérie à la famille francophone. A tous ceux qui prônent la lutte entre les cultures et entre les civilisations, nous voulons répondre par la force et la densité de nos liens, de nos coopérations, de notre dialogue, fondement de notre compréhension et de notre respect mutuels.


Ces trois dernières années, nous avons donné une nouvelle vigueur à notre relation. Notre dialogue politique s’est enrichi. Nous avons multiplié visites officielles et rencontres informelles. Nous avons renforcé nos échanges.

La France est le premier partenaire économique de l’Algérie, dans une relation équilibrée, solide et dynamique. Nos échanges représentent aujourd'hui près du double de ce qu’ils étaient en 1999. L'Algérie dispose d'atouts économiques considérables. De nombreuses sociétés françaises partagent cette conviction. Petites ou grandes, elles ont fait le pari de l'avenir en développant leurs investissements dans votre pays. Dans le secteur des hydrocarbures, nos entreprises sont actives. Au-delà, les opérateurs français ont renforcé leur présence dans des domaines aussi variés que l'agro-alimentaire, le pneumatique, le secteur bancaire, l'électricité, la distribution automobile, d’autres encore. La France veut continuer à contribuer ainsi à l'effort de diversification de l'économie algérienne, à la création d'emplois, à la formation des travailleurs.

S'agissant de la circulation des personnes, des progrès très importants ont été réalisés au cours des trois dernières années. Des améliorations sensibles ont été apportées aux conditions de délivrance des visas. Nous avons réactualisé, dans un sens favorable, l’accord de 1968 relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens en France. Enfin, notre dispositif consulaire s’est redéployé, avec la réouverture du Consulat général d’Annaba en 2000. Et nous poursuivrons dans ce sens, car les échanges entre les hommes doivent être au coeur de la relation algéro-française.

En matière de coopération, nous avons mis tous nos outils d'aide au développement à la disposition de votre pays, au service des réformes qu'il a si courageusement entreprises. Le fonds de solidarité prioritaire contribuera à l’amélioration du dynamisme économique des PME/PMI, à la formation professionnelle, à l’enseignement, au développement agricole. Quant à nos échanges universitaires et de recherche, ils sont en plein renouveau. Des dizaines d’accords entre universités algériennes et universités françaises ont été réactivés ou conclus ; plus d’un millier d’experts universitaires et de chercheurs français se sont rendus en mission en Algérie au cours de la seule année écoulée. Autres signes de ce renouveau : la réouverture des Centres culturels français d’Alger, Oran, Annaba. Sans oublier bien sûr l’inauguration, en décembre dernier, du lycée international Alexandre Dumas qui, dès la rentrée prochaine, s'enrichira de nouvelles classes.

Mais l’Année de l’Algérie en France est sûrement le plus fort symbole de ces liens nouveaux. Depuis deux mois, les manifestations culturelles se multiplient dans plus de deux cents villes françaises et dans toutes les régions de mon pays. Concerts, expositions, colloques, séminaires font ainsi alterner la création et le débat, le plaisir des découvertes et aussi l’émotion des retrouvailles. L’Année de l’Algérie en France, toutes les sensibilités, tous les talents qui s'y expriment, montrent l'extraordinaire effervescence créatrice de votre pays et ses racines si profondes et si diverses. Par le formidable écho réservé à ces manifestations, tant dans les médias que dans le public, en France, en Europe et chez vous, cette Année de l'Algérie s'avère un magnifique succès, la preuve la plus éclatante de notre amitié, le signe évident que le moment est venu d'une nouvelle alliance algéro-française.


Un champ neuf et immense s'ouvre devant nous. Nous nous y sommes engagés résolument. C'est le sens de la déclaration solennelle que le Président Bouteflika et moi-même nous avons signée hier. Elle scelle l’entente entre nos deux peuples et témoigne de notre vision partagée de l'avenir. Un traité viendra rapidement parachever ce rapprochement.

Sachons accomplir les gestes politiques à la mesure de ce que nous sommes l'un pour l'autre. Cela passe notamment par des rencontres régulières au plus haut niveau de l'Etat, ce que nous faisons, le Président BOUTEFLIKA et moi-même, des rencontres entre les ministres de plus en plus fréquentes. Et j'observe d'ailleurs que nous n'avons pas attendu cette Déclaration pour renforcer systématiquement cette concertation : depuis octobre dernier, c'est la quatrième fois que le Président BOUTEFLIKA et moi-même nous rencontrons ! Déjà, nos Premiers ministres, nos ministres des Affaires étrangères et les autres membres de nos deux gouvernements multiplient les visites.

Nous avons également décidé de poursuivre nos contacts permanents et informels. Ils porteront, notamment, sur la mise en oeuvre de l'Accord d'association à l'Union européenne, sur la construction d'une aire de paix et de stabilité en Méditerranée, sur les problèmes du continent africain.

Contre la tentation du fanatisme et de l'extrémisme, l'ouverture politique, la réforme économique, la justice sociale offrent les meilleures réponses. Et vous pouvez compter sur le plein soutien de la France et de l’Union européenne dans les efforts en faveur de ces réformes. Je n'ignore pas les obstacles de toute nature qui se dressent sur cette voie. Mais je suis convaincu qu’il s’agit là, pour l'Algérie, à la fois d'une chance à saisir et d’une impérieuse nécessité dans la perspective du retour complet à la paix civile. Dans ce processus, je suis sûr que prévaudront le dialogue et l'esprit de responsabilité à l'échelle du pays tout entier.

La prospérité économique de votre pays dépend bien sûr de vos immenses richesses naturelles, mais aussi de votre intégration dans la mondialisation des échanges. Le Président Bouteflika a engagé, il y a maintenant plus d’un an, un vaste programme de relance économique. Je tiens à vous assurer de l'entière disponibilité de la France et de l'Union européenne. Notre relation économique pourra s'approfondir dans deux directions : le développement des infrastructures et les investissements privés. Si vous le souhaitez, la France peut vous aider à relever de nombreux défis essentiels pour votre avenir et celui de vos enfants : celui de l'eau, du logement, des transports, d'autres. Les conventions signées hier par l'Agence française de développement, portant sur les secteurs de l'eau, de l'habitat et des banques, illustrent cet engagement. Par ailleurs, la France restera, soyez-en sûrs, votre avocat le plus ardent auprès des institutions financières internationales et auprès de l’Union européenne, pour qu'elles accompagnent vos projets.

Nos efforts devront également se concentrer sur le développement de l’investissement privé, créateur d’emplois et de richesses. Nos entreprises sont prêtes à s'engager davantage en Algérie. Les longs plaidoyers ne sont pas nécessaires pour inciter les opérateurs économiques français à prendre le chemin de l'Algérie: c'est un chemin que la plupart d'entre eux connaissent bien. Nous ne ménagerons pas nos efforts pour encourager leurs investissements et faciliter le développement du secteur privé autant que vous le déciderez. Il faut aussi répondre à l'attente des entreprises, créer les conditions de leur installation, de leur épanouissement, de leurs succès, qui seront aussi ceux de la société algérienne tout entière.

Nous avons confiance en l'avenir de l'Algérie, comme le montre la signature en décembre dernier d'un accord de conversion de dette en investissements privés ou la création prochaine d'une Ecole Supérieure algérienne des affaires. L'ouverture de l'Algérie sur le monde, qu'il s'agisse de son association avec l’Union européenne ou de la perspective d’adhésion à l’Organisation Mondiale du Commerce, doit aller de pair avec la poursuite nécessaire des réformes structurelles. Alors, notre partenariat ne sera plus seulement celui d’échanges marchands florissants mais aussi celui de grandes réalisations communes.

De nouveaux chantiers s'ouvrent également pour notre coopération culturelle, scientifique, universitaire, technique. Nous allons procéder en 2003 à la réouverture des Centres culturels français de Constantine et de Tlemcen. Un Haut-Conseil franco-algérien de coopération universitaire et de recherche va être mis en oeuvre, afin de mobiliser nos meilleures institutions, donner un nouveau souffle à notre coopération et apporter le soutien déterminé de la France à la rénovation, par l'Algérie, de son système d’enseignement supérieur et de recherche, rénovation bien commencée. Dans le même esprit, nous contribuerons à vos initiatives dans le domaine de l’enseignement du français et en français. Nous allons développer notre collaboration avec l’Académie algérienne de langue arabe et maintenir, avec votre appui, l’excellence de l’apprentissage de la langue arabe au lycée international Alexandre Dumas. Nous renforcerons, bien sûr, nos programmes de coopération en faveur de la dynamisation de l’économie, de la modernisation de votre secteur agricole, de la rénovation du système éducatif et de l'approfondissement de l'Etat de droit.

Tous ces nouveaux partenariats, que l’Année de l’Algérie en France aura tissés entre nos créateurs, entre nos institutions culturelles, nous les soutiendrons. De même, si vous le souhaitez, la France est prête à apporter sa contribution à la préservation et à la valorisation de votre exceptionnel patrimoine artistique, architectural, archéologique. Des ruines de Tipaza aux gravures du Tassili, des villes du M’Zab aux chefs-d'oeuvre d'architecture des années 1930, quel vaste et somptueux champ de coopération s'ouvre à nos experts et à nos chercheurs !

Notre partenariat doit être profond, solide, durable. Nos collectivités locales, nos sociétés civiles, nos forces vives doivent y jouer tout leur rôle. La coopération décentralisée est souvent la plus réactive, la plus inventive, la plus riche en relations humaines. Elle se déploie déjà entre Alger, Marseille et Paris, entre Grenoble et Constantine, entre Annaba et les régions Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Rhône-Alpes. Elle associera demain Oran et Bordeaux.

Tissons un vaste réseau de solidarités entre collectivités locales et associations algériennes et françaises. Favorisons le dialogue entre nos jeunesses. Encourageons les échanges entre nos universités, l’accueil des jeunes dans nos entreprises, dans nos centres de recherche mutuelle. Aiguisons l’intérêt de nos familles, de nos enfants pour la culture de l’autre.

L'ouverture, l'an prochain, du Consulat général d’Oran comme l'aménagement et la modernisation de notre Consulat général à Alger, traduisent notre volonté de faciliter la circulation des personnes et de mieux accueillir les Algériens souhaitant se rendre en France. Il faut, dans le même temps, permettre la libre circulation de tous les Français qui désirent revoir leur terre natale ou celle de leurs aïeux. Dans le même esprit, nous voulons, avec votre soutien, dégager les moyens qui permettront de préserver les lieux de sépulture de ces communautés, afin d'assurer le respect dû à ceux qui y reposent.

Ce sont de telles initiatives qui contribueront à l'ancrage de notre relation, dont la dimension historique, la densité humaine, doivent être constamment présentes à nos mémoires.

Enfin, Mesdames et Messieurs les parlementaires, permettez-moi de profiter de ma présence parmi vous pour plaider en faveur d’un rapprochement de nos Parlements. Il s'agit de montrer qu'à la relation entre les Etats s'est juxtaposée une multitude de liens entre les territoires, entre les élus, entre les citoyens. Echanges, jumelages, la liste est longue de ces initiatives communes auxquelles les parlementaires sont souvent associés et qui cimentent l'amitié. Grâce à vous, et à l'action que vous menez conjointement avec vos collègues français, nos deux pays vont se sentir encore plus proches et plus fraternels.


Enfin, devant la représentation nationale algérienne, je souhaite évoquer la situation internationale, en commençant par le sujet qui nous préoccupe tous : la crise en Iraq. La France, vous le savez, ne poursuit qu'un seul et unique objectif : désarmer l'Iraq, conformément à la volonté de la communauté internationale telle qu'elle est exprimée unanimement par le Conseil de sécurité des Nations-Unies. Mais le désarmer, dans toute la mesure du possible, par des moyens pacifiques, ceux des inspecteurs. Car la guerre est toujours, c'est vrai, un constat d’échec, c'est toujours un drame. C'est toujours la pire des solutions. Et le Moyen-Orient, aujourd'hui, n'a pas besoin d'un nouveau conflit aux conséquences incalculables.

Nous savons le prix du sang. Nous devinons les conséquences désastreuses, les ravages d'une nouvelle guerre dans une région déjà si meurtrie et si fragile.

C'est pourquoi la France veut donner toutes ses chances au désarmement dans la paix. Elle veut que les inspecteurs puissent agir en toute efficacité, en leur donnant tous les moyens prévus par la résolution 1441 et en leur donnant le temps nécessaire au succès de leur mission. Mais l'Iraq, bien sûr, doit faire plus, il doit coopérer davantage, plus activement. Nous devons maintenir sur lui une forte pression pour parvenir, ensemble et dans la paix, à l'objectif que nous nous sommes fixé : l’élimination des armes de destruction massive en Iraq. C'est notre responsabilité commune devant l'Histoire.

Les pays arabes, réunis au Caire le 16 février dernier, ont exprimé la même vision et fait entendre la même exigence de justice et de paix. Nous avons une ambition commune, celle d’un monde plus pacifique, plus juste, d’un monde régulé par le droit, sous l'égide des Nations-Unies qui incarnent la démocratie internationale. D'un monde organisé, où la paix et la guerre ne peuvent être décidées qu'au sein de cette instance qui représente l'ensemble de la Communauté des nations.

La tâche est immense. Je pense au Proche-Orient, où la crise n'en finit plus de produire ses ravages. Il nous faut soutenir inlassablement la recherche d'une paix juste et durable, d'une paix qui permette aux peuples de la région, aux Israéliens et aux Palestiniens, de vivre en sécurité et dans la dignité. Nous ne ménagerons pas, avec nos partenaires européens, nos efforts pour que cette région puisse sortir du piège de la peur, du ressentiment, de l'humiliation dans lequel elle s'est dangereusement enfermée.


Puisque je suis aujourd'hui parmi vous, sur cette terre dont vous portez les aspirations et les espérances, laissez-moi vous saluer, au nom de la France et des Français, laissez-moi saluer le courage et la dignité des Algériennes et des Algériens qui, dans les épreuves, ont su rester debout, fiers et dans l'honneur. L'Algérie et la France sont déterminées à joindre leurs efforts pour lutter, ensemble, contre le terrorisme international. Vous le savez mieux que beaucoup d’autres, nous faisons face à des incertitudes, des difficultés, des défis. Et nos meilleurs atouts, ce sont l'union et la solidarité.

Unis, nous devons l'être aussi pour préparer notre avenir. La France et l'Algérie partagent le même espace méditerranéen. La Méditerranée, nous voulons qu'elle redevienne un trait d'union entre les peuples. Plus que jamais, nos deux pays doivent mettre à profit l’Histoire. Nous pouvons, nous devons proposer, innover, ouvrir de nouveaux chemins entre les rives de notre mer commune. Savoir trouver les solutions équilibrées que, dans beaucoup de domaines, nous avons vocation à définir et à proposer à nos partenaires.

Le grand chantier de l'espace méditerranéen s'est ouvert à Barcelone avec le lancement du partenariat euro-méditerranéen en 1995. Mais il reste beaucoup à construire et nous devons aller, ensemble, plus loin dans cette ambition. Déjà, la France et l'Algérie sont des animateurs engagés du dialogue "5 + 5", un cadre d’échanges informels précieux pour la Méditerranée occidentale. Je suis attaché à cette enceinte, qui réunira nos ministres des affaires étrangères les 9 et 10 avril prochain. Et je serai prêt à participer, le moment venu, à une rencontre des chefs d'Etat du "5 + 5".

Nos deux pays prennent également une part active au partenariat de Barcelone. L’Accord d’association signé par l'Algérie avec l’Union européenne témoigne de la ferme volonté de votre pays d’être au coeur de cet espace euro-méditerranéen. Cela implique de mettre en oeuvre un modèle de société et de développement fondé sur les valeurs de la démocratie, des Droits de l’Homme, et sur une économie ouverte.

A l'heure où elle s'élargit à l'est, l'Union européenne n'oublie pas, au sud, ce rivage qui lui a tant apporté et qui invite aux projets les plus ambitieux. Pourquoi ne pas réfléchir à des coopérations renforcées entre l'Union européenne et le Maghreb dans le cadre du processus de Barcelone ? Nous sommes prêts à travailler pour la mise en oeuvre de ce grand projet, si vous y agréez.

Mais la construction d'une aire de prospérité partagée en Méditerranée prendra tout son sens et toute sa portée si progresse, dans le même temps, l'intégration du Maghreb. Elle suppose le renforcement du dialogue entre l'Algérie et le Maroc, dialogue fondamental pour l'intégration maghrébine et dont je salue les développements récents.

Enfin, l'Afrique, sa stabilité et son développement, sont aussi au coeur de nos préoccupations. Et je tiens à rendre un particulier hommage au rôle essentiel joué par le Président Bouteflika dans l’élaboration du NEPAD, ce nouveau partenariat fait d'engagements réciproques et qui doit permettre, si nous en avons la volonté et la détermination, aux Africains de maîtriser pleinement leur destin. Avec l'esprit de solidarité et d'amitié qui l'anime, la France est, comme l'Algérie, aux côtés des Etats africains. Nous l'avons dit, le Président Bouteflika et moi-même, il y a quelques jours à Paris, à l'occasion du sommet Afrique-France : nous soutiendrons toujours les efforts des pays africains vers la paix et le développement.


Monsieur le Président de la République, Mesdame, Messieurs,

Voilà le message de confiance, de solidarité et d'amitié que je voulais porter au peuple algérien, avec cette ambition d'un partenariat d'exception pour nos deux pays. Ambition qui se nourrit de tant de liens étroits et forts, tissés entre nos deux peuples par la géographie, par l’histoire et par une vision partagée du monde de demain.

Le temps et notre long dialogue, jamais interrompu, ont fait leur oeuvre. Nos deux nations cicatrisent les blessures du passé. Elles en assument la mémoire. Une ère nouvelle s'ouvre. De part et d'autre de la Méditerranée, Algériens et Français se tendent une main fraternelle. Dans notre monde secoué par les crises, traversé par le doute et l'incertitude, où certains sont tentés par le repli sur soi, le refus de l'autre et la violence, puissent l'Algérie et la France faire entendre leur voix. Puisse leur volonté obstinée leur permettre de délivrer un message de solidarité et de paix tout autour de la Méditerranée et au delà !

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, je vous remercie.





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