Allocution du Président de la République devant la communauté française à Alger.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant la communauté française établie en Algérie.

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Alger, Algérie, le lundi 3 mars 2003

Mes chers compatriotes,

C'est avec beaucoup d'émotion et beaucoup de joie que je m'adresse à vous ici, au parc Peltzer, site de l'ambassade de France à Alger, et lieu de tant de souvenirs. J'éprouve aussi l'émotion personnelle d'être le premier Président de la République Française à effectuer une visite d'Etat dans ce pays cher, pour mille raisons, au coeur de nos compatriotes.

Une charge symbolique exceptionnelle s'attache à cette visite. Le Président BOUTEFLIKA et moi, nous avons voulu marquer notre désir conjoint de bâtir, enfin, entre nos deux pays, une relation sereine et solide.

De cette relation, vous êtes évidemment les acteurs essentiels, dans la durée et au contact quotidien des attentes, des aspirations des Algériens. C'est pourquoi j'attache une grande importance à notre rencontre d'aujourd'hui.

J'ai eu, avec le Président BOUTEFLIKA, des entretiens non seulement chaleureux, mais particulièrement stimulants et porteurs d'avenir. Nous avons adopté une déclaration solennelle qui proclame notre volonté commune de construire ensemble un avenir partagé. Cette déclaration ouvre des perspectives et amplifie les progrès accomplis depuis la visite d'Etat en France du président algérien au mois de juin 2000. Elle constitue un véritable pacte d'amitié entre nos deux pays. Et elle sera la feuille de route de notre relation future.


Oui, nous donnons résolument un nouveau tour à nos relations et ceci dans tous les domaines. Que de chemin déjà parcouru en peu de temps !

Pour approfondir notre dialogue politique, nous sommes convenus de donner un caractère régulier à notre concertation, en multipliant les rencontres telles que celles qui se sont tenues au cours de ces derniers mois au niveau des responsables politiques comme au niveau des responsables économiques, culturels, sociaux.

Notre dispositif culturel a entamé sa remontée en puissance. Nous avons rouvert les centres culturels d'Annaba et d'Oran. Ceux de Constantine et de Tlemcen le seront cette année. A Alger, le lycée international Alexandre DUMAS a été récemment inauguré. Et il sera doté de classes supplémentaires à partir de la rentrée prochaine.

Signe manifeste de notre volonté commune de faciliter à la fois les échanges de personnes et l'installation en Algérie de nos concitoyens, notre réseau consulaire continue de s'étoffer, avec la réouverture du consulat général d'Annaba fin 2000. Je visiterai demain, à Oran, le site du futur consulat général, qui devrait ouvrir ses portes en 2004.

Nos échanges économiques et commerciaux ont connu ces dernières années un essor important, qui traduit notre confiance dans l'avenir de l'Algérie. La France a consolidé sa place de premier fournisseur de l'Algérie. Elle en est devenue cette année le second client. Notre pays mise aussi sur l'avenir : premier investisseur hors hydrocarbures en Algérie, il contribue ainsi à l'effort de diversification de l'économie, à la création d'emplois et à la formation des travailleurs.

Enfin, il y a trois ans, avec le Président BOUTEFLIKA nous avons voulu qu'une Année de l'Algérie symbolise en France la renaissance de nos échanges. Depuis deux mois, les manifestations culturelles se multiplient avec un très grand succès dans toutes les villes françaises, plus de 200 villes dans chacune de nos régions. Concerts, expositions, colloques, séminaires font alterner la création et le débat, le plaisir des découvertes et aussi l'émotion des nostalgies. L'Algérie met ainsi en valeur sa longue et riche histoire, la diversité de ses traditions, de ses héritages. Tout cela témoigne des aspirations à la modernité du peuple algérien auquel la jeunesse imprime toute son énergie.

Surmontées les passions, l'Algérie et la France se voient maintenant en partenaires. Liées par le coeur, bien sûr, comme j'ai pu le mesurer lors de l'émouvant accueil que nous ont réservé les Algérois hier, sur le front de mer. Mues aussi par la raison et par d'importants intérêts partagés, et ceci dans tous les domaines.


Je me suis adressé ce matin au Parlement algérien. J'ai souligné devant les députés le ferme engagement de la France aux côtés de l'Algérie dans ses efforts de réformes, politiques, économiques, sociales. Je pense, comme le Président BOUTEFLIKA, que l'ouverture politique, la prospérité économique et la justice sociale sont le meilleur antidote aux dérives extrémistes.

J'ai également souligné l'importance d'un développement de la coopération décentralisée et des échanges entre les sociétés civiles. C'est aux forces vives des deux pays, opérateurs privés, collectivités locales, associations, qu'il revient d'amplifier la dynamique lancée par les autorités algériennes et françaises.

Par leurs initiatives innovantes, par leur esprit d'ouverture et leur proximité du terrain, ces acteurs non gouvernementaux contribuent de manière déterminante au développement de nouveaux partenariats. Je pense notamment aux liens noués entre les villes d'Alger, de Marseille et de Paris, entre les municipalités de Grenoble et de Constantine, entre Annaba et les régions Provence-Alpes-Côte-d'Azur ou Rhône-Alpes et demain, entre Oran et Bordeaux.

Lors de mes entretiens, j'ai aussi pu constater que, sur l'évolution du monde et de la région, la France et l'Algérie avaient des vues souvent très voisines. C'est vrai s'agissant du Proche et du Moyen-Orient. La situation en Iraq a été, vous pouvez l'imaginer, au coeur de nos discussions sur les problèmes internationaux.

Il y a aussi une détermination à aborder ensemble la question de la menace terroriste. Vous le savez mieux que d'autres, nous faisons face à des incertitudes, des difficultés, des défis. Et les seules réponses appropriées, ce sont l'union face aux menaces, le partage des informations et le développement des coopérations en matière de police et de justice.


La relation entre la France et l'Algérie plonge très loin ses racines. Cet avenir, que nous voulons bâtir, doit aussi nous permettre d'assumer nos 132 années d'histoire commune. 132 ans au cours desquels des générations de Français ont donné le meilleur d'elles-mêmes pour développer cette terre qu'ils ont tant aimée. La séparation fut tragique, avec cette guerre qui longtemps ne voulut pas dire son nom, avec ses destructions, ses souffrances, ses victimes, ses déchirements, et l'exode enfin de plus d'un million de personnes.

Malgré les affres du déracinement, malgré souvent un sentiment d'injustice face à l'incompréhension des autres, les rapatriés de toutes origines ont su trouver peu à peu leur place dans la communauté nationale, grâce à leur dignité, à leur travail, à leur talent, à leur courage. Que de brillantes réussites parmi eux, dans tous les domaines ! Certains me font l'honneur et l'amitié de m'accompagner ici. Et je tiens aussi à saluer avec émotion celles et ceux qui n'ont jamais quitté cette terre : ils témoignent de l'extrême intensité de la relation nouée, dans l'épreuve comme dans la joie, avec le peuple algérien.

La France s'est engagée dans un travail de mémoire, qui doit se poursuivre dans la sérénité et de manière conjointe. Nos partenaires algériens ont fait preuve de compréhension à l'égard des attentes légitimes de l'ensemble de notre communauté rapatriée. J'ai rappelé à mes hôtes combien il est important que tous les citoyens français qui désirent revoir leur terre natale ou celle de leurs aïeux puissent se rendre dignement en Algérie. Et je pense bien sûr, notamment, aux Harkis.

Nous nous sommes entendus aussi sur la nécessaire préservation des cimetières, où reposent tant de nos compatriotes. Dès que les conditions de sécurité l'ont permis, les autorités algériennes ont commencé à apporter leur aide active, généreuse, au niveau local ou régional, à notre représentation diplomatique et consulaire pour que les milliers de sépultures de nos compatriotes bénéficient du respect qui leur est dû.

J'ai pu constater ce matin avec émotion, lorsque je suis allé me recueillir à Saint-Eugène, que des progrès importants ont été réalisés. Mais il faut aller plus loin. C'est pourquoi nos deux gouvernements ont décidé de donner une nouvelle impulsion aux efforts entrepris en matière de protection et de sauvegarde des cimetières et des sépultures. Le gouvernement français saura accompagner ces efforts en mettant en oeuvre les moyens nécessaires, dans le cadre d'un plan d'action global, que j'ai le plaisir de vous annoncer aujourd'hui. Le regroupement des petits cimetières dans les zones rurales et reculées sera par ailleurs encouragé, en liaison avec les associations et les familles. Et je compte aussi, naturellement, sur la mobilisation des associations concernées, en France et sur place, qui doivent réactiver leur mission, avec le soutien de nos postes consulaires et des autorités algériennes.

Qui dit mémoire dit également archives. Certains de nos compatriotes, issus de cette terre, pâtissent de ne pas toujours pouvoir disposer d'informations sur leurs origines et sur celles de leurs familles, car les archives d'état-civil sont restées dans les mairies algériennes. Je vous annonce que le processus de duplication de ces archives, déjà engagé mais non achevé, va prochainement reprendre, avec l'accord des autorités algériennes. Cette coopération technique va permettre la numérisation de plus d'un million et demi d'actes d'état-civil d'avant l'Indépendance. Les familles concernées étaient très désireuses de voir cette décision prise.


La communauté française d'Algérie a une histoire douloureuse. Au cours de la période récente, elle a payé un lourd tribut au terrorisme et je rends hommage à nos 55 compatriotes, particuliers, religieux, fonctionnaires, qui sont tombés sous ses coups, 55. La situation sécuritaire s'améliore en Algérie, mais nous devons rester vigilants. J'ai pu constater que les autorités algériennes tiennent le plus grand compte de nos attentes à cet égard.

Notre rencontre est aussi pour moi l'occasion d'être attentif à vos préoccupations, relayées au quotidien par vos délégués au Conseil supérieur des Français de l'étranger et par nos parlementaires qui m'accompagnent ici aujourd'hui, que je salue, ainsi que les délégués. Et je sais combien la communauté française en Algérie est diversifiée et intégrée. Traditionnellement nombreuse, malgré les drames qui l'ont frappée, elle compte aussi beaucoup de compatriotes qui ont la double nationalité. Et c'est à vous, tous ensemble, de promouvoir les intérêts de la France et de porter sa voix. Et je compte sur vous.

Je sais aussi quel dynamisme vous mettez au service de notre présence économique. La communauté d'affaires française installée en Algérie n'est pas nombreuse, mais elle est particulièrement active et volontaire. Des sociétés françaises ont investi ces dernières années dans de nombreux secteurs aussi divers que l'agro-alimentaire, les pneumatiques, la banque, les services financiers, l'industrie pétrochimique, l'électricité, la distribution automobile, d'autres encore. D'autres s'apprêtent à réaliser des investissements dans de nouveaux projets ou dans la reprise de structures existantes. D'autres enfin prennent acte de l'apaisement des tensions en Algérie. Demain, je me rendrai sur le site de l'usine Michelin, symbole de la ténacité de nos opérateurs économiques, qui a récemment repris ses activités, après une interruption de près de dix ans.

Bien entendu, aucune position n'est acquise et je sais que vous ne relâchez pas vos efforts pour vous orienter vers les secteurs porteurs de la modernisation économique. Et le message que je souhaitais vous adresser est naturellement un message d'encouragement et de soutien.

Je salue également l'action de la Chambre française de commerce et d'industrie en Algérie, qui n'a jamais cédé à la fatalité, au découragement. Elle a maintenu, envers et contre tout, une présence économique française en Algérie, témoignant ainsi de sa confiance dans l'avenir de ce pays. Je me réjouis enfin de la reconstitution, l'an dernier, de la section locale des conseillers du commerce extérieur, dont l'appui sera précieux à l'action de notre ambassade.

Enfin, je veux assurer nos concitoyens, établis de longue date ou binationaux, et qui rencontrent des difficultés ou qui connaissent une situation précaire, de la solidarité de notre pays. Déjà, le ministère des Affaires étrangères a mis en place des moyens supplémentaires. Et j'entends poursuivre cet effort de solidarité, dans un esprit d'équité, afin de répondre au mieux aux besoins de nos compatriotes les plus démunis.

Devant vous, je tiens à rendre un hommage particulier à toutes celles et à tous ceux qui leur viennent en aide ici : l'Association française de solidarité d'Alger, celle de Bienfaisance d'Oran, les Sociétés St-Vincent-de-Paul d'Alger et d'Oran, les Petites soeurs des Pauvres d'Annaba et d'Oran, d'autres aussi. Je veux saluer leur action exemplaire, et cet esprit de fraternité et de persévérance qui les anime.

Notre présence en Algérie, c'est aussi la scolarisation dans le système français. Notre effort, dans ce domaine, souligne notre volonté de prendre en charge l'avenir et le destin des plus jeunes. L'ouverture, à la rentrée prochaine, de classes de terminale au lycée international Alexandre DUMAS, devrait encourager les expatriés à revenir à Alger en famille. Cet effort se traduit aussi par l'augmentation du budget consacré aux bourses destinées aux élèves scolarisés dans nos établissements et dans les écoles privées enseignant partiellement en français.


Je voudrais, enfin, vous réitérer ma confiance dans la solidité de la relation franco-algérienne. Je sais qu'il reste beaucoup à faire. Il nous appartient de convertir l'énorme potentiel de la relation bilatérale en une force dynamique et créatrice de nouvelles richesses dans tous les domaines.

A mon arrivée à Alger, j'ai rapporté le sceau qu'avait remis, en 1830, le Dey d'Alger au Maréchal de BOURMONT, nouveau maître de la ville. Le retour de ce symbole illustre une ambition commune : celle de montrer que les deux nations, algérienne et française, qui ont choisi ensemble la voie de l'avenir, l'ont fait dans le respect et dans l'amitié.

Et vous, Françaises et Français résidant en Algérie, vous êtes au premier rang de celles et de ceux qui assureront l'épanouissement de cette relation naturelle et nécessaire.

C'est pourquoi je tenais à vous exprimer à toutes et à tous mon estime, ma reconnaissance et ma confiance.

Je vous remercie.





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