Discours du Président de la République au siège du gouvernement de la Polynésie française.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République au siège du gouvernement de la Polynésie française.

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Papeete (Polynésie), le samedi 26 juillet 2003.

Monsieur le Président du Gouvernement, mon cher Gaston, Madame la Ministre, Madame et Monsieur les députés, Madame la Présidente de l'Assemblée territoriale, Monsieur le Président du Syndicat pour la promotion des Communes, Monsieur le Président du Conseil économique, social et culturel, Mesdames, Messieurs les élus, Mes chers compatriotes et amis,

Je vous remercie, Monsieur le Président du Gouvernement, pour la chaleur de votre accueil. C'est pour mon épouse et pour moi une très grande joie de vous retrouver, en compagnie des élus de la Polynésie.

A travers vous, j'adresse un salut amical et fraternel à toutes les Polynésiennes et à tous les Polynésiens, dont vous êtes les représentants.

Je suis heureux et je suis aussi ému de revoir cette Polynésie française si belle, si riche de sa culture, de sa forte personnalité, mais également, si moderne, si entreprenante et si ouverte au monde.

Au cours des dernières décennies, et, en particulier au cours des dernières années, le visage de la Polynésie a profondément changé. Le territoire vit et redécouvre son histoire. Les traditions multiples de ses archipels retrouvent une nouvelle vigueur. Mais la Polynésie s'est aussi considérablement développée, avec l'essor de l'industrie hôtelière, du tourisme, de la culture perlière, de la pêche et des armements de thoniers. Malgré les nombreuses difficultés liées à l'isolement, au développement urbain, au chômage des jeunes, elle offre, au milieu du Pacifique, l'image d'une communauté soudée, où le niveau de vie égale celui des grands pays industrialisés de la région, l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

Je suis fier, Monsieur le Président, de cette réussite, qui est la vôtre, qui est celle de la Polynésie, qui est celle de la France. Vous savez tous combien, et vous l'avez gentiment rappelé, votre collectivité est proche de mon coeur et combien je suis attentif à son évolution.

Je vois dans le progrès de la Polynésie le fruit d'une longue histoire partagée. Votre présence au sein de la République repose sur l'adhésion à des valeurs communes. Elle s'est nourrie de solidarités réciproques qui ont permis, au fil des ans, d'avancer ensemble sur la voie du développement, de surmonter bien des épreuves, vous les avez évoquées, et de tisser les liens très forts qui fondent votre appartenance à la communauté nationale.

Car, si la France est présente, ici, en Polynésie, c'est bien parce que les Polynésiens ont fait le choix librement exprimé de leur adhésion à la Nation.

Depuis 1842, la Polynésie a toujours réaffirmé sa volonté d'être française. Aucun Français ne peut oublier cet attachement, confirmé aux heures les plus difficiles de notre histoire. Tous se souviennent du message de fierté et d'espoir que la Polynésie a envoyé en septembre 1940 à la communauté nationale en choisissant sans hésitation le général de GAULLE et la France libre. Tous se souviennent des volontaires du bataillon du Pacifique, venus défendre la liberté à des milliers de kilomètres de chez eux, comme ils l'avaient déjà fait au cours du premier conflit mondial.

Les survivants de ce glorieux épisode de notre histoire étaient à mes côtés lorsque j'ai rendu hommage aux Polynésiens morts pour la France. Nous devons nous souvenir de leur engagement au service de la Patrie.

Notre histoire commune est celle d'une rencontre entre la civilisation européenne et la civilisation polynésienne, au coeur de l'océan Pacifique.

De cette rencontre est né un dialogue, source d'enrichissement mutuel. C'est ce dialogue que nous devons faire vivre, dans le respect de l'identité de chacun, dans la fidélité bien sûr à votre histoire, à votre culture, à votre langue. Vous pouvez compter sur l'Etat pour s'engager pleinement dans ce partenariat, fondé sur l'autonomie de la Polynésie, et pour favoriser un développement harmonieux de votre territoire. * * * Lors de sa visite de 1966, le général de GAULLE avait dit au jeune maire de Piraé, M. Gaston FLOSSE : "Le fait que le peuple d'ici confonde son destin avec celui du peuple français n'empêche pas qu'il lui appartient de conserver ses traditions et son caractère". C'est la direction que vous avez prise et qui se trouve aujourd'hui confirmée. C'est la voie de l'autonomie au sein de la République. Confirmée par les statuts de 1984 et de 1996 et par la récente réforme constitutionnelle, cette autonomie est au service d'une relation équilibrée entre la métropole et votre territoire, une relation faite d'apports et de contributions réciproques.

La Polynésie française a participé de manière déterminante à la défense nationale et à la sécurité extérieure de la France, qui ne l'oubliera jamais.

A partir de 1960, comme l'avait voulu le général de GAULLE et jusqu'en 1996, le centre d'expérimentation du Pacifique a permis à notre pays de préserver sa souveraineté et son indépendance dans un monde de plus en plus dangereux. Sans la Polynésie, la France ne serait pas la grande puissance qu'elle est aujourd'hui, capable d'exprimer, dans le concert des nations, une position autonome, indépendante et respectée.

La République ne l'oublie pas. C'est pourquoi j'ai souhaité la pérennisation du fonds de reconversion de l'économie polynésienne, mis en place à la suite de l'arrêt des essais nucléaires et ceci à votre demande légitime, Monsieur le Président.

Ce fonds, dont la durée avait été initialement limitée à 10 ans, a été transformé en une dotation globale de développement économique d'un montant annuel de 18 milliards de FCFP.

Cela signifie que la Polynésie pourra utiliser librement cette enveloppe, c'était votre souhait, en fonction de ses propres choix, et non pas en fonction des priorités qui lui seraient dictées par une planification centralisée. Vous disposerez ainsi d'un outil financier permanent pour consolider le développement économique du territoire, dans tous les domaines, qu'il s'agisse des infrastructures, des équipements, du logement social, des aides aux entreprises ou à l'emploi, d'autres encore.

Dans le cadre de la même réforme, les prélèvements sur le fonds ont été supprimés et les arriérés non versés seront, je m'y suis engagé, réglés progressivement comme nous en sommes convenus.

Je sais, Monsieur le Président, que des projets importants ont été étudiés et préparés par vos services. Vous pourrez les réaliser selon les priorités de votre Gouvernement. Je suis attaché à cette autonomie financière. Elle donne à la solidarité nationale son sens véritable, c'est-à-dire un instrument de développement et de responsabilité, et non pas un instrument de dépendance.

Au-delà de la poursuite de cet effort financier, nous avons entrepris ensemble, Monsieur le Président, de construire un large partenariat fondé sur des relations de confiance renouvelées.

Tous ensemble, avec vous, Cher Gaston Flosse et votre Gouvernement, avec les Parlementaires et avec le Gouvernement de la France conduit par Jean-Pierre Raffarin, nous devons donner un nouvel élan à l'expérience originale que constitue, au sein de la République, l'autonomie institutionnelle de la Polynésie. C'est tout le sens de la mission qu'accomplit, aujourd'hui, Brigitte GIRARDIN.

Comme les autres collectivités d'Outre-Mer, la Polynésie française est en effet pleinement concernée par la réforme constitutionnelle adoptée le 17 mars dernier. Les collectivités d'Outre-Mer qui le souhaitent peuvent désormais bénéficier d'institutions et de compétences aménagées tout en renforçant leur ancrage dans la République.

L'article 74 de la Constitution trace le cadre dans lequel s'inscrira désormais votre autonomie. Nous l'avons, ensemble, évoqué et arrêté. Il permet notamment à votre assemblée de voter des « lois du pays » lorsque vos compétences s'exercent dans les matières qui relèvent en principe du domaine législatif. Ces lois du pays bénéficieront d'un contrôle juridictionnel spécifique, exercé directement, par le Conseil d'Etat. Vous pourrez également organiser la protection de l'emploi et du patrimoine foncier lorsque la situation le justifiera.

Le projet de loi organique statutaire, que votre assemblée a déjà examiné et approuvé, permettra de concrétiser pleinement ces nouvelles disponibilités, ces nouvelles possibilités. Dès que le Parlement l'aura adopté, il fera de la Polynésie française la collectivité qui dispose des plus vastes attributions, sans autre équivalent sur le territoire de la République. L'histoire le justifie.

La Polynésie va en effet bénéficier de nouveaux transferts, concernant des matières aussi diverses que le droit civil, la totalité du droit du travail, le droit commercial, l'enseignement supérieur ou la gestion des aéroports, si essentielle à votre développement économique.

En outre, comme le prévoit la Constitution, la Polynésie pourra participer à l'exercice des compétences qui restent du ressort de l'Etat, comme l'entrée et le séjour des étrangers ou la communication audiovisuelle. Elle pourra aussi intervenir ponctuellement dans le domaine de la sécurité publique et réprimer les infractions aux réglementations qu'elle édicte.

Nous disposerons ainsi d'un cadre adapté pour donner à l'autonomie de votre territoire toute sa signification. Cette autonomie n'est pas pour l'Etat synonyme de désengagement. Elle est au contraire l'expression d'un partenariat visant à favoriser le développement économique de la Polynésie au sein de la République.

* * *

L'Etat demeurera en effet le garant du fonctionnement régulier des institutions polynésiennes, en même temps qu'un partenaire indispensable.

Les grandes réformes engagées par le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin trouvent, bien sûr, leur application en Polynésie française dans les domaines de compétences de l'Etat, qu'il s'agisse de la sécurité comme de la justice. Nous devons poursuivre l'effort entrepris, car ici, comme ailleurs, c'est la sécurité qui permet d'assurer la liberté de nos concitoyens.

L'Etat continuera également, avec vous, son action en faveur de la jeunesse, qui représente un atout formidable pour le développement du territoire.

40 % de la population a moins de 20 ans et 3 500 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail, vous me l'avez si souvent rappelé, Monsieur le Président. Cette jeunesse doit trouver sur place, mais aussi ailleurs et notamment en métropole, des perspectives de formation réelles, débouchant sur un emploi durable. L'Education nationale prend toute sa part de cet effort, avec les 6.300 enseignants que l'Etat met à la disposition du territoire. L'université a aussi un rôle à jouer, université dont vous êtes à l'origine, Monsieur le Président, en multipliant les partenariats avec les autres établissements d'enseignement supérieur, que ce soit en métropole ou dans le reste du Pacifique.

Le «passeport mobilité », mis en place par Brigitte Girardin et qui va encore s'améliorer, permet désormais aux étudiants de bénéficier chaque année d'un billet d'avion aller-retour gratuit pour venir suivre des études ou une formation qualifiante en métropole.

La reconnaissance par l'Etat des diplômes délivrés localement va être étendue.

Ces mesures ont été préparées en pleine collaboration avec votre Gouvernement. Elles faciliteront, pour votre jeunesse qui le réclame et qui en a besoin, l'ouverture au monde, le dialogue des cultures, l'exercice des responsabilités.

J'ai demandé, vous le savez, que soit votée avant le 1er juillet, la loi de programme pour l'Outre-Mer. Vous y avez été étroitement associés et c'est chose faite. Cette loi met en oeuvre les engagements que j'avais pris pour l'Outre-Mer. Elle rompt avec les politiques d'assistanat et de dépendance pour promouvoir un développement fondé sur l'activité et la responsabilité. Représentant un engagement financier important en faveur de l'Outre-Mer, elle s'inscrit dans un horizon de long terme, ce qui était capital, 15 ans, pour favoriser la création d'activités et d'emplois.

Elle vise notamment à donner un nouveau départ à l'investissement, grâce à une profonde réforme de la défiscalisation. Un retard important a en effet été pris dans ce domaine au cours des dernières années. Le montant cumulé des investissements aidés dont la Polynésie a bénéficié entre 1998 et 2001 atteint à peine la moitié du niveau de la seule année 1997. J'ai en son temps dénoncé cette situation, il fallait la redresser. C'est le résultat d'une approche qui, au fil des ans, était devenue trop procédurière et risquait de paralyser le développement de l'Outre-Mer.

La quasi-totalité des secteurs économiques sera désormais éligible à la défiscalisation. Le tourisme, qui est essentiel au développement de la Polynésie, bénéficiera de dispositions plus favorables.

En particulier, la double défiscalisation, qui conjugue l'effort de l'Etat et l'effort de votre collectivité, est désormais possible. Votre Gouvernement sera informé des projets de défiscalisation avant décision par les services de l'Etat. Vous pourrez ainsi prendre toutes dispositions utiles. Je sais que vos parlementaires, Béatrice Vernaudon et Michel Buillard, se sont fortement impliqués, avec vous-même Monsieur le Président, dans l'élaboration de cette loi afin qu'elle soit adaptée aux besoins de l'économie polynésienne. Je les remercie chaleureusement pour cette collaboration.

L'urbanisation et le développement économique, vous le savez, ont des conséquences directes sur l'environnement et plus que d'autres, vous avez conscience de la nécessité de prendre en compte l'environnement et de maîtriser ce qui pourrait le mettre en question.

L'environnement de la Polynésie française, si riche, mais également si fragile, constitue un atout majeur qu'il convient de préserver. La beauté des paysages de la Polynésie étonne depuis toujours les visiteurs qui viennent dans vos îles. Une faune et une flore uniques s'épanouissent dans les montagnes, les atolls, les lagons de votre territoire. Nous devons transmettre ce patrimoine exceptionnel aux générations futures.

Dans ce but, la France a pris une initiative pour la protection des récifs coralliens. Cette action est menée dans les trois océans, au sein de chacune des collectivités d'Outre-Mer. La Polynésie y tient une place majeure compte tenu de l'intérêt culturel, patrimonial et économique de ses récifs.

Dans le Pacifique Sud, la France a aussi décidé d'apporter son soutien aux Etats voisins pour la conservation et la gestion durable du milieu corallien et de ses ressources.

Au-delà de cette démarche, la France est, avec la charte de l'Environnement, l'un des tous premiers pays à inscrire dans sa Constitution les principes nécessaires à la protection de la nature. Nous disposons ainsi d'un puissant levier pour assurer l'équilibre entre protection de l'environnement et développement économique.

Je sais, Monsieur le Président, que vous partagez cet engagement en faveur du développement durable.

Vous avez tenu récemment des états généraux de l'environnement à Moorea, avec l'ensemble des maires de Polynésie.

Vous savez que la protection du milieu marin passe par la protection de certaines espèces. Vous y êtes attentifs et votre action rejoint celle que nous menons, par exemple dans le cadre de la commission baleinière internationale.

En matière de pêche, la politique que vous conduisez vise à donner tout son sens à la notion, si nécessaire, de juste prélèvement. La Polynésie a notamment démontré l'efficacité des « Plans de gestion des espaces maritimes ».

Dans le futur, des lois du pays pourront définir la réglementation locale polynésienne la plus adaptée à vos objectifs.

Dans le respect de vos compétences, l'Etat est bien sûr prêt à mettre à votre disposition ses moyens et sa capacité d'expertise pour vous aider à trouver, ici, les voies de ce développement durable. * * * Monsieur le Président, Mon Cher Gaston, Mesdames et Messieurs, mes chers amis,

Au cours de ces derniers mois, au plus fort de la crise irakienne, la France a porté dans le monde et devant l'organisation des Nations Unies un message de paix, de respect du droit et de solidarité.

J'ai été sensible au très fort soutien que l'Outre-Mer et vous-même, Monsieur le Président, m'avez apporté. Aujourd'hui, j'ai la conviction que l'organisation du monde ne peut être que multipolaire et ne peut que reposer sur le multilatéralisme.

Dans cette perspective, l'Outre-Mer représente un atout et un modèle. Vous êtes porteurs, ici, dans le Pacifique, du message, des valeurs et de la vision de la France. Votre Gouvernement s'est largement engagé dans cette voie en multipliant les actions de coopération avec les pays voisins et en confirmant la valeur exceptionnelle, exemplaire de la tradition et des cultures de votre pays.

Le moment est venu d'amplifier cette politique d'ouverture en y impliquant plus encore les collectivités d'outre-mer. La France souhaite contribuer à la stabilité et au développement de cette région du monde. C'est pourquoi j'ai voulu organiser, ici, à la demande et avec l'aide précieuse de Gaston Flosse, une rencontre avec les chefs d'Etat et de Gouvernement du Pacifique Sud.

Nous allons, avec l'aide de nos trois collectivités du Pacifique, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna, revivifier le dialogue et la coopération avec les Etats voisins.

Avec le statut d'autonomie renforcée dont elle bénéficie, la Polynésie aura plus de liberté pour s'impliquer dans la construction de ce nouveau partenariat que la France souhaite promouvoir dans le Pacifique. Je remercie le Président Gaston Flosse pour les nombreuses initiatives qu'il prend dans ce domaine.

Mes chers compatriotes, vous avez défini un projet et des priorités pour la Polynésie française. Ensemble, dans le respect de cette autonomie, je souhaite que nous trouvions les voies d'un progrès partagé. Cette tâche est exaltante. Vous pouvez compter sur ma détermination et sur celle du Gouvernement pour vous accompagner dans cette voie. C'est la voie du rayonnement de la Polynésie et donc de la France, que vous représentez avec tant de talent, ici, dans le Pacifique.

Vive la Polynésie française, Vive la République, Vive la France.





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