Discours du Président de la République à l'occasion du 40e anniversaire de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du 40e anniversaire de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale.

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La Sorbonne, Paris, le jeudi 13 février 2003

Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les Ministres, Messieurs les élus, Monsieur le Commissaire européen, Monsieur le Délégué,

Je suis très heureux de m’associer à ce quarantième anniversaire de la DATAR, la DATAR voulue par le Général de GAULLE et par Georges POMPIDOU, et dont vous avez été, Cher Olivier GUICHARD, l’initiateur et le premier responsable.

En 40 ans, la DATAR a contribué à la modernisation de la France, à son ouverture sur le monde, et au développement équilibré de son économie. Le visage de la France d’aujourd’hui lui doit beaucoup.

Je pense aux premières étapes de la décentralisation et à la création des régions. Il a fallu maîtriser la croissance de la région parisienne, promouvoir les métropoles d’équilibre, développer les villes moyennes.

Je pense à la modernisation des infrastructures : au TGV, au réseau routier qui a mis fin notamment à l’isolement de la Bretagne, au développement des lignes aériennes, aux grands aménagements touristiques, à tant d’autres réalisations qui ont brisé la fatalité de l’enclavement et rendu à une région ou à une ville leur force d’attraction.

Je pense aussi aux reconversions douloureuses auxquelles la France a été confrontée, dans les charbonnages, la sidérurgie, les chantiers navals ou le textile.

Je pense enfin au soutien de l’activité dans les espaces ruraux ou en zone de montagne.

Avec le recul de ces quarante années, nous mesurons l’apport essentiel de la DATAR, ainsi que des administrations et des collectivités qui ont relayé son action. Nous comprenons aussi la nécessité de renouveler ses approches. Les tables rondes d’aujourd’hui le montrent bien : les défis de l’aménagement du territoire se sont profondément renouvelés.

Il faut certes continuer à lutter contre les inégalités territoriales : les effets de la désertification et du vieillissement démographique n’ont pas fini de se faire sentir. Mais nous devons aussi répondre aux défis de la mondialisation en aidant toutes les régions à prendre part à la compétition des territoires. Il nous revient encore de définir une politique d’aménagement durable, respectueuse des ressources naturelles : je n’oublie pas que c’est à la DATAR qu’est née l’idée de créer le ministère de l’environnement. Et il faut, enfin, renforcer les échanges de nos territoires avec le reste de l’Europe, qui est aujourd’hui devenue le cadre naturel de notre développement économique.

Avec l’euro, avec l’élargissement de l’Union européenne, nous donnons corps à l’unité politique et économique de notre continent. Dans la compétition mondiale, l’ampleur du marché européen offre une assise plus large à notre modèle économique et social, et l’élargissement nous ouvre d’importantes perspectives de croissance.

Mais nous devons aussi nous préparer à plus de concurrence en Europe, à l’arrivée de nouveaux opérateurs dans le champ des services publics, au redéploiement de la politique régionale de l’Union européenne.

La politique d’aménagement du territoire doit s’adapter à ces nouveaux enjeux, donner sa chance à tous les territoires par le développement économique, par la libération des initiatives locales et par le renforcement de la cohésion nationale.




Réussir l’aménagement du territoire suppose d’abord de conforter l’attractivité des régions françaises pour favoriser dans tous les bassins d'emploi la création d’activité et la qualité de la vie.

Avec raison, vous avez consacré l’une de vos tables rondes à l’attractivité de la France. Cela doit être pour nous une préoccupation constante. Nous devons faire en sorte que notre pays soit solidement arrimé à une croissance mondiale qu’il faut contribuer à faire repartir, que cette croissance profite à tous les territoires, et qu’elle se traduise pour les Français par des emplois stables et de meilleures conditions de vie.

Dans le contexte de la mondialisation, il est indéniable que la France a perdu du terrain ces dernières années, qu’elle attire moins les talents et les investissements.

Pour inverser la tendance, nous ne devons pas opposer une région ou un territoire à un autre. La région parisienne, les grandes agglomérations, les villes moyennes, les campagnes : tous les territoires ont leur place dans la mécanique d’entraînement qu’il faut aujourd’hui relancer. Retrouver la voie du dynamisme et de l'emploi, c'est l'affaire de tous.

Baisse des impôts et des charges, simplification des réglementations, politique en faveur de la création et de la transmission des entreprises, aide aux PME et aux entreprises innovantes, soutien au secteur touristique : le Gouvernement mène l’action pour que nos territoires ne soient pas pénalisés dans la compétition mondiale.

Parallèlement, le programme d'équipement de la France se poursuit, grâce notamment aux contrats de plan Etat-région. Il est loin d’être achevé. Les besoins sont encore nombreux. Pour y faire face, il faudra recourir à des formes de financement innovantes. Il faudra aussi faire des choix, de vrais choix. Car, compte tenu du nombre important de projets actuellement à l’étude, ne pas choisir entre les priorités pourrait conduire à les retarder toutes. Je souhaite que ces arbitrages s’effectuent dans la plus grande transparence. C'est pourquoi les principes de notre politique d’équipement seront débattus au Parlement, sur la base de l’audit qui s’achève et des propositions qu'élaborera la DATAR.

A côté de ces infrastructures traditionnelles, il faut aussi continuer l’effort entrepris pour les infrastructures de télécommunications. Elles sont et seront de plus en plus indispensables pour se renseigner, pour se cultiver, pour travailler, pour assurer l’avenir d’un territoire à l’heure de la mondialisation. L’accès à la téléphonie mobile doit s'étendre dans toutes les régions. L'internet à haut débit devra être disponible dans chaque commune d’ici 2007.

Pour profiter à l’ensemble des régions, notre politique économique et notre effort d’équipement doivent s’accompagner d’une action spécifique en faveur des territoires les plus fragiles.

En cas de restructuration industrielle, la solidarité nationale doit pleinement jouer pour favoriser les reconversions et prendre en charge les situations difficiles. Mais c'est aussi l'anticipation de ces restructurations qu'il faut développer, en tenant compte de l'évolution des marchés, des liens de sous-traitance, des vulnérabilités propres à certains secteurs industriels ou à des territoires déjà fragilisés.

Les contrats de site, dont le Gouvernement a annoncé la mise en oeuvre, permettront à l'Etat et aux collectivités locales d’unir leurs forces à celles des partenaires sociaux pour définir des stratégies de reconversion et de réindustrialisation des sites lourdement touchés par le chômage.

Cette stratégie active d’anticipation ne doit pas seulement concerner les entreprises. C'est, d'abord, aux salariés qu'il faut penser en préparant l’évolution des métiers et des compétences dans chaque secteur d'activité. Nous pourrons ainsi améliorer l’offre de formation professionnelle, dans le cadre du droit à la formation tout au long de la vie qu’il s’agit maintenant de créer.

La meilleure des protections contre le chômage, c'est la possibilité offerte à chacun de s’adapter pour faire face aux changements, quels que soient son lieu de vie, la taille de l’entreprise qui l’emploie, ou son secteur d'activité. Les discussions qui s’engagent sur la formation professionnelle et sur l’emploi sont prometteuses. Trop de salariés perdent leur emploi sans même bénéficier d’un plan social. Il faut leur donner accès à des mesures d’accompagnement, de reconversion et de reclassement comparables à celles qui existent déjà dans beaucoup de grandes entreprises.

J’attends beaucoup des négociations entre les partenaires sociaux et de la Conférence pour l'emploi que le Premier ministre vient d’annoncer pour que la mobilisation nationale dont nous avons besoin se mette en oeuvre. La conjoncture économique et les difficultés que subissent nos compatriotes dont l’entreprise a fermé, parfois brutalement, justifient en effet qu’une action forte et déterminée soit poursuivie.

Au-delà de cette politique active pour l’emploi, nous devons aussi mieux prendre en compte les réalités très diverses sur lesquelles repose notre cohésion nationale, et notamment celles de la montagne, du littoral et des territoires ruraux.

L’espace rural est un espace de vie, d’équilibre social et de création de richesses. Délaissée au cours des dernières années ou mal comprise, la ruralité doit bénéficier d’une attention renouvelée dans notre politique d’aménagement du territoire.

Accueillir les familles en milieu rural, soutenir le dynamisme des économies locales, développer les infrastructures modernes de communication et les services publics pour les habitants du monde rural : afin de répondre à ces objectifs, le ministre chargé des affaires rurales présentera un projet de loi au Parlement dès le printemps prochain.

La ruralité est une chance pour notre pays. C’est la responsabilité des pouvoirs publics de lui donner les moyens d’être un pôle d’équilibre de notre société.

Dans cette mise en valeur des territoires, les services publics jouent un rôle de premier plan. Il ne s’agit pas, bien sûr, de figer notre administration et nos services mais d’assurer un niveau homogène de prestations, par des structures différenciées, adaptées aux réalités locales, aux attentes de nos concitoyens ou aux difficultés particulièrement graves que rencontrent certains quartiers.

Il ne faut s’interdire ni redéploiement, ni réorganisation, mais avoir le souci constant de faciliter les démarches de l’usager, de conforter son autonomie, de respecter ses droits et de faire prévaloir partout le même idéal républicain. Toutes les administrations devront s’engager à appliquer une charte de qualité définissant notamment les objectifs qu’elles se fixent pour favoriser l’égal accès des Français aux services publics.




Pour soutenir le développement local, nous devons donner à chaque territoire les clés de son avenir. C’est le sens de la réforme constitutionnelle que j’ai souhaitée et qui sera soumise le mois prochain à l’approbation du Congrès.

L’écart qui persiste encore entre Paris et les grandes villes de province est la rançon d’une organisation politique qui, des siècles durant, a fait converger toutes les forces de la Nation vers la capitale. Il est temps de rompre avec ce que notre tradition centralisatrice a de paralysant, avec les déséquilibres, mais aussi les lourdeurs, les inefficacités qu’elle engendre.

C’est une question de démocratie. Par la voie de leurs représentants ou par celle du référendum local, les Français pourront participer davantage aux décisions qui les concernent, par exemple en matière de solidarité, d’initiative économique, de projets d’infrastructures et d’équipement ou d’organisation des services publics locaux.

C’est aussi une question d’efficacité. L’éloignement des centres de décision, la lenteur des procédures freinent aujourd’hui les initiatives. Ils empêchent le dialogue et la concertation de se nouer à l'échelon où des solutions concrètes et rapides pourraient être trouvées. Revoir l’organisation des pouvoirs dans notre pays est une nécessité absolue. Pour attirer et retenir les emplois, pour répondre rapidement aux mutations économiques, les régions, et l’ensemble des collectivités territoriales, doivent être en mesure de faire valoir leurs atouts.

Les assises des libertés locales ont montré la diversité des situations régionales en même temps que l’aspiration des forces vives de chaque territoire à plus de responsabilité, d’efficacité et de démocratie.

Construire une véritable République des territoires, c’est donner toute sa force au principe de subsidiarité, c’est-à-dire permettre à chaque décision d’être prise au niveau le plus adapté, et à chaque territoire de trouver l’organisation qui convient le mieux à ses besoins. C’est aussi inscrire le principe de l’autonomie financière des collectivités dans la Constitution, pour renforcer la transparence et le contrôle démocratique des dépenses publiques.

Avant l’été, une nouvelle loi de décentralisation transférera de nouvelles compétences aux communes, aux départements et aux régions en fixant précisément le rôle de chacun.

Désormais reconnues par la Constitution, les régions seront garantes de la cohérence des politiques de développement ainsi que de l’offre de formation professionnelle. Au département, il reviendra d’organiser et de renforcer la cohésion sociale et les solidarités territoriales, grâce aux blocs de compétence qui lui seront reconnus en matière d’action sociale et d’équipement. Cette réorganisation fera toute leur place aux structures intercommunales, qui jouent un rôle essentiel en matière d’aménagement et de développement économique.

Dans cette nouvelle architecture des pouvoirs, l’Etat devra profondément réorganiser ses services, afin de ne pas faire une concurrence inutile aux collectivités locales. Mais aussi afin d’être capable d’exercer efficacement les responsabilités qui resteront les siennes : la sécurité, la protection contre les risques de toute nature, la conduite des projets d’intérêt national et le maintien de la solidarité entre tous les territoires.

Donner toute leur force aux libertés locales ne met pas en cause l’indivisibilité de la République. Au contraire, depuis la création des régions sous forme d’établissements publics, la décentralisation chemine côte à côte avec la politique d’aménagement du territoire conduite par l’Etat. La décentralisation manquerait d’ailleurs son but si elle pouvait se traduire par un déséquilibre entre les régions et par un relâchement de la solidarité nationale. C’est pourquoi les inégalités de ressources entre collectivités territoriales seront corrigées par la loi, à travers une péréquation qui tiendra compte des évolutions démographiques et du devoir de solidarité envers les plus démunis. L’Etat continuera, au côté des régions, à mener une action volontaire pour équilibrer les conditions de vie entre tous les territoires.

Je souhaite qu’une attention particulière soit portée aux régions d’outre-mer. Leur isolement géographique et l’étroitesse de leurs marchés justifient en effet la mise en place de mécanismes correcteurs. La loi de programme préparée par le Gouvernement permettra de renforcer la continuité territoriale avec la métropole et de soutenir l'emploi par des mécanismes puissants de baisse des charges et d’aide aux investissements.




Mesdames, Messieurs,

L’histoire de ces quarante dernières années nous le rappelle : quels que soient les obstacles naturels, quelles que soient les difficultés économiques et sociales, le destin des territoires n’est jamais scellé. Il dépend d’abord d’une volonté politique. Il dépend ensuite de l’engagement des acteurs économiques. Il dépend enfin de la qualité des infrastructures de transport et de communication, de la pertinence des choix d’investissement et de formation.

En imprimant un nouvel élan à notre démocratie locale, la réforme constitutionnelle participera à la relance d’une politique d’aménagement du territoire ambitieuse. Elle donnera aux collectivités les moyens d’adapter l’action publique aux particularités de chaque territoire et de mieux répondre aux besoins des Français.

Face aux responsabilités nouvelles des élus locaux, l’Etat ne doit pas se replier, mais se refonder. Plus que jamais, il lui appartiendra d’assurer la cohésion nationale en remédiant aux inégalités sociales ou territoriales et en se portant garant de la sécurité des Français et de leur solidarité. C’est en conjuguant le maintien d’une forte solidarité nationale avec le dynamisme des initiatives locales que nous donnerons leurs chances à tous les territoires. Je souhaite que la DATAR s’engage avec enthousiasme dans cette voie nouvelle.

Je vous remercie.





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