Allocution du Président de la République à l'occasion de la cérémonie de remise de décorations aux victimes de la tragédie de Nanterre.

Allocution prononcée par M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la cérémonie de remise de décorations aux victimes de la tragédie de Nanterre.

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Palais de l'Elysée, le samedi 14 septembre 2002

Madame la Maire, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs,

Ce qui nous rassemble aujourd'hui à l'Élysée, c'est une profonde émotion, c'est le souvenir, c'est la révolte contre l'intolérable.

Le 27 mars dernier, à une heure du matin, le Conseil municipal de Nanterre achève une longue soirée de travail lorsque l'impensable se produit : un individu armé prend pour cible les membres de l'assemblée.

Avant que les élus ne parviennent à maîtriser et à désarmer le forcené, huit d'entre eux sont tués, dix-neuf sont blessés. Parmi eux, dix sont très grièvement atteints.

Au petit matin, nos compatriotes apprennent avec horreur et stupéfaction les événements terribles qui viennent d'endeuiller la ville de Nanterre et la Nation tout entière.

Six mois après ces événements, ils continuent à susciter les mêmes sentiments de douleur et de consternation.

Aux familles des disparus, qui ont été si cruellement meurtries, à celles et ceux qui ont échappé à cette tragédie et qui en sont blessés à jamais, à tous celles et ceux qui doivent vivre avec la mémoire terrible de ces instants, je voudrais exprimer à nouveau la profonde compassion que j'éprouve bien sûr et que notre pays éprouve, pour leur douleur, ainsi que mon respect, notre respect pour la dignité dont ils font preuve.

Il serait vain de chercher une signification à ce qui demeure, six mois après, un acte de démence. Rien ne peut justifier, ni même expliquer, ce geste terrible. Écrasé par l'horreur qu'il a déchaînée, celui qui l'a perpétré s'est donné la mort.

Des femmes et des hommes ont été pris pour cible, assassinés par un forcené parce qu'ils avaient accepté de se mettre au service des autres. Ils l'ont été dans l'enceinte même de la démocratie, le lieu où les élus viennent agir et rendre compte de leurs actions. Le lieu où s'exprime le lien profond vital, essentiel, qui unit les élus à leurs concitoyens.

Leurs engagements politiques étaient différents bien sûr, mais ils partageaient le même désintéressement, la même générosité, la même volonté de se mettre au service des autres. Ils partageaient aussi la même exigence, le même sens de la responsabilité, les mêmes contraintes librement acceptées, pour être disponibles aux autres.

C'est à eux que la Nation rend hommage aujourd'hui. C'est à leur engagement municipal sans lequel il n'y aurait pas de démocratie vivante. C'est aux libertés communales qui sont au coeur de nos institutions républicaines. Puissent-elles inspirer à chaque Français le profond respect qui doit s'attacher à l'exercice de toutes les grandes libertés publiques !

En remettant à titre posthume les insignes de Chevalier de la Légion d'honneur aux élus municipaux tués dans l'exercice de leur mandat, je veux leur rendre un hommage solennel, hommage qui s'adresse à toutes celles et à tous ceux qui font vivre, au plus près de nos concitoyens, nos institutions républicaines.


Louiza BENAKLI avait quarante ans. Elle était d'origine algérienne et elle avait toujours vécu à Nanterre avec sa famille. Avocate, brillante, membre de la Commission sociale du barreau de Nanterre, elle oeuvrait pour la condition des femmes, pour la défense des droits de l'enfance et des familles. Conseillère municipale depuis 1995, apparentée au groupe communiste, elle était adjointe au Maire et chargée de l'enfance. Elle laisse une petite fille de deux ans et demi.

Christian BOUTHIER avait quarante-six ans. Professeur d'histoire et de géographie, il enseignait au collège André-Doucet à Nanterre. Il avait rejoint le Conseil municipal depuis 1998 comme membre du groupe communiste. Il consacrait sa vie à ses élèves et aux jeunes qu'il emmenait notamment sur des chantiers d'entraide au Burkina Faso.

Jacotte DUPLENNE avait quarante-huit ans. Mère de deux enfants, elle était formatrice dans un centre pour jeunes handicapés moteurs à Suresnes. Conseillère municipale depuis 1995, membre du groupe communiste, elle était devenue, en 1997, adjointe au Maire, chargée de la jeunesse, puis, depuis 2001, chargée de l'enseignement secondaire et supérieur.

Monique LEROY-SAUTER avait quarante-trois ans. Mère d'une petite fille de dix ans, elle était commissaire aux comptes. Elle avait exercé la gestion de l'association "Nanterre maintenant" et, en mars 2001, elle était entrée au Conseil municipal où elle s'affirmait, au sein du groupe "Union pour Nanterre", comme une spécialiste des questions financières.

Olivier MAZZOTTI avait trente-huit ans. Il enseignait l'histoire et la géographie à Jouy-le-Moutier dans le Val-d'Oise et devait être nommé principal de collège dans le sud de la France. Petit-fils d'immigrés italiens, membre de la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme, il était conseiller municipal UDF depuis 1998. Il avait deux enfants, âgés de cinq et deux ans.

Valérie MEOT avait quarante ans. Institutrice de maternelle, elle s'était installée à Nanterre en 1985. Entrée au Conseil municipal en 1995, elle faisait partie du groupe communiste. Elle défendait avec passion son quartier du Petit Nanterre et ses derniers mots auront été pour les habitants de la cité du Cannibout.

Michel RAOULT avait cinquante-huit ans. Il était ingénieur à l'Aérospatiale et venait d'être élu au Conseil municipal, après avoir été, pendant six ans, administrateur de l'Office municipal HLM de Nanterre. Président de l'Association catholique de Nanterre, il s'était voué à la défense de la vie et des droits de la personne humaine. Il était père de trois jeunes filles de vingt-deux ans, vingt-cinq ans et vingt-six ans.

Pascal STERNBERG avait trente ans. Il était l'un des plus jeunes élus du Conseil municipal et du Conseil régional où lui avait été confiée la vice-présidence de la "commission sécurité". Il présidait le groupe des Verts, dont il avait été, durant le mandat précédent, le collaborateur. Il se passionnait pour l'environnement, pour l'économie, pour le secteur social et il militait au sein de l'Association des élus locaux contre le SIDA.




Madame la Maire,

Huit élus et un fonctionnaire ont contribué à maîtriser le forcené. Et je vais, au nom de l'ensemble de nos concitoyens, leur remettre la croix de la Légion d'honneur :

M. René AMAND, technicien de l'aéronautique, conseiller municipal de Nanterre depuis 1977 et adjoint au Maire depuis 2001.

M. Laurent EL GHOZI, chirurgien, chef de service des urgences de l'Hôpital de Nanterre et adjoint au Maire, depuis 1989.

M. André GOUTAL, commerçant à Nanterre et conseiller municipal depuis 1989.

M. Patrick JARRY, directeur général d'une entreprise d'environnement et conseiller municipal depuis 1989.

M. Philippe LACROIX, sociologue, conseiller municipal depuis 1995, et adjoint au Maire de Nanterre.

M. Patrice MARCHAL, inspecteur aux PTT, conseiller municipal depuis 1983, et ancien adjoint au Maire.

M. Gérard PERREAU-BEZOUILLE, professeur d'économie, conseiller municipal et adjoint au Maire depuis 1989.

M. Vincent SOULAGE, professeur agrégé d'histoire, entré au Conseil municipal l'an dernier, à l'âge de vingt-six ans.

M. Stéphane JAFFRAY, fonctionnaire de la Mairie depuis 1994.

Messieurs, je tiens à vous féliciter pour le sang-froid et la détermination que vous avez montrés : votre intervention conjuguée a permis de mettre fin à un cauchemar.

Je salue aussi naturellement l'ensemble des élus et des membres du personnel qui, avec un courage et une détermination admirables, ont fait face à cet attentat. Dans l'épreuve si imprévisible qui les attendait ce soir-là, ils ont donné comme vous-même, Madame la Maire, l'exemple d'une force morale et d'une solidarité admirables. Je voudrais également remercier les équipes de secours pour la rapidité, l'efficacité et la compétence dont elles ont fait preuve. Leur intervention immédiate est parvenue à limiter le nombre, malheureusement si lourd, des victimes. Pompiers, membres du SAMU et des services hospitaliers ont témoigné d'un dévouement exemplaire, tout comme les psychologues qui ont pris le relais.


Madame la Maire, Mesdames, Messieurs,

Les événements du 27 mars dernier marqueront durablement notre mémoire. Celles et ceux qui les ont vécus devront composer longtemps avec le souvenir de ces minutes terribles, où leur existence a basculé. Mais c'est aussi tous les Français qui ont été atteints dans l'attachement qu'ils portent à leurs institutions et à leurs élus.

Plusieurs mois après cet événement, j'ai souhaité vous réunir ici, à la Présidence de la République, pour vous manifester que notre émotion, l'émotion de toutes les Françaises et de tous les Français, était toujours aussi forte.

Le temps qui s'est écoulé n'efface ni notre douleur ni notre indignation. Nous n'oublions pas l'épreuve que vous avez subie. Nous n'accepterons jamais la violence aveugle qui vient détruire les vies de ceux qui mettent leur existence au service des autres, et au service de la démocratie.





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