Discours du Président de la République lors de la visite à la base aérienne 110.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de sa visite à la base aérienne 110 à Creil.

Imprimer

Creil, Oise, le lundi 30 septembre 2002

Madame la Ministre, Mon Général, Monsieur le Délégué Général pour l'Armement, Messieurs les Chefs d'état-major, Mesdames, Messieurs,

Les présentations qui m'ont été faites ce matin témoignent sans l'ombre d'une réserve à la fois du dynamisme et de la détermination de nos armées dans la mise en oeuvre et dans l'approfondissement des réformes que j'ai décidées en 1996 et qui se sont poursuivies avec beaucoup d'intelligence et d'efficacité, de dévouement aussi, de la part des armées.

Dans les domaines clés de la préparation et de la conduite des opérations, du renseignement, des opérations spéciales, les réalisations, les projets, les démonstrations, dont j'ai pu apprécier l'intérêt et la qualité, sont exemplaires du sérieux avec lequel ce ministère prépare l'avenir pour mieux assumer les missions essentielles qui sont les siennes, au service de la France et au service de tous les Français.

Et je tiens à féliciter chaleureusement toutes celles et tous ceux qui ont participé à la préparation de cette visite et à vous dire le plaisir que j'éprouve à vous rencontrer, une nouvelle fois, dans l'exercice de mes responsabilités de chef des armées.




Dans le contexte que nous connaissons, contexte de tensions internationales accrues et d'émergence de menaces nouvelles, je veux d'abord souligner le caractère exceptionnel des décisions que j'ai prises avec le Gouvernement pour redresser, ce qui était nécessaire, l'effort de défense de notre pays.

Le projet de loi de programmation militaire et le projet de loi de finances pour 2003, qui ont été récemment adoptés en Conseil des ministres, témoignent de notre volonté d'améliorer la sécurité de notre pays, de sa population, de son territoire, et ceci face aux risques nouveaux de toute nature que nous voyons émerger. Ils permettront aussi à la France d'asseoir la crédibilité de sa parole et de ses actes en Europe et plus généralement sur la scène internationale.

L'effort consenti, après cinq années de retards accumulés, doit permettre à nos armées de restaurer leur capacité opérationnelle pour répondre à toutes les exigences de notre sécurité et de nos engagements internationaux.

La loi de programmation militaire 2003-2008 constitue, avec les lois de programmation sur la sécurité intérieure et sur la justice, le coeur d'un dispositif visant à rétablir l'État dans ses fonctions régaliennes pour garantir aux Français la liberté que seuls peuvent donner la sécurité et le respect du droit.

"La défense", disait le général de GAULLE, "est la première raison d'être de l'État. Il n'y peut manquer sans se détruire lui-même".




La scène internationale est aujourd'hui marquée par l'incertitude des situations et l'imprévisibilité, devenue chronique, des atteintes potentielles à notre sécurité. Les Français en sont bien conscients.

Les crises qui se sont multipliées ces trois dernières années, sur tous les continents, ont révélé des vulnérabilités au coeur même des nations les mieux protégées et ont développé un sentiment général d'insécurité.

Nos pays réapprennent que la paix se construit, qu'elle n'est pas une donnée naturelle, qu'elle n'est pas le fruit d'un hasard heureux. Elle implique des efforts, une volonté et des moyens.

Il faut aller plus loin dans la structuration des instruments internationaux de prévention des crises. Renforcer la légitimité et l'autorité du Conseil de sécurité des Nations Unies. Encourager l'affirmation de pôles multinationaux, au premier rang desquels l'Europe de la défense, relancer les efforts de désarmement et restaurer la crédibilité des instruments multinationaux de lutte contre la prolifération.

C'est dans ce cadre que s'inscrit la lutte contre le terrorisme international qui appelle des réponses multiples, diplomatiques, judiciaires, financières et militaires.

Mais si les efforts internationaux de prévention échouaient, si des menaces mettaient en jeu notre sécurité, celle de l'Europe ou celle des nations auxquelles nous attachent des liens particuliers, nous devons être prêts à assumer nos responsabilités. Ce peut être une question de vie ou de mort.




Dans ce cadre, trois priorités ont été assignées au projet de loi de programmation militaire.

Améliorer la protection des Français et du territoire national face aux nouvelles menaces. Restaurer la crédibilité de notre engagement international pour la paix, la défense de nos valeurs et de nos intérêts. Contribuer à la construction d'une Europe forte et solidaire.

Améliorer la protection des Français face aux menaces émergentes et restaurer la crédibilité de notre engagement international vont de pair. En pratique, l'atteinte de ces objectifs dépend de la réalisation du modèle d'armée 2015 dont les événements récents ont confirmé la pertinence.

La prise en compte des évolutions technologiques et des enseignements du conflit afghan a permis d'en adapter les contours. Dès avant 2008, la France disposera d'une palette d'options élargie, lui permettant, si la situation l'imposait, d'exercer des frappes dans la profondeur, d'engager sans délai des forces spéciales bien équipées ou de projeter à des milliers de kilomètres une force interarmées moderne et protégée dans un cadre national ou multinational.

L'acquisition des Airbus A 400 M et aussi d'avions à très long rayon d'action, le développement du deuxième porte-avions et de son environnement, l'équipement des premiers escadrons Rafale de l'armée de l'Air, la livraison des véhicules de combat d'infanterie marqueront, parmi d'autres, une étape décisive dans la modernisation de nos forces.

Prévenir les risques nouveaux et mieux protéger les Français, dont je rappelle que près de deux millions vivent à l'étranger, c'est aussi améliorer nos capacités de renseignement. Le choix a été fait de développer entre Européens des moyens satellitaires et de disposer d'une gamme élargie de vecteurs non pilotés. C'était, je crois, le bon choix.

Enfin, de nouveaux moyens de lutte contre les risques nucléaire, radiologique, biologique ou chimique seront mis en oeuvre. La protection contre les attaques informatiques fera l'objet d'un projet particulier. Un programme de défense anti-missiles de théâtre sera lancé.

Parallèlement, la protection du territoire national sera renforcée dans ses approches aérienne et maritime. Ce dispositif sera complété par l'augmentation significative des moyens de la Gendarmerie, augmentation qui a été décidée par ailleurs. Et naturellement notre force de dissuasion, modernisée, continuera de garantir la survie de la Nation et la protection de ses intérêts vitaux.

La loi de programmation 2003-2008, qui prévoit un accroissement sensible du rythme des fabrications et des livraisons d'équipement, dotera nos armées de capacités nouvelles devenues indispensables et permettra de restaurer la disponibilité d'un parc vieillissant.

Ne nous y trompons pas, cependant, certaines insuffisances, notamment en matière de transport aérien, ne pourront pas être comblées du jour au lendemain. Des solutions devront être trouvées, dans le cadre européen, pour maintenir la cohérence de nos moyens d'action.

Enfin, la mise en service des nouveaux équipements va de pair avec la modernisation des moyens de commandement et de contrôle, dans une parfaite interopérabilité avec nos partenaires et nos alliés.

Comme l'ont souligné les récents engagements en Afghanistan, l'objectif doit être la maîtrise de l'information en temps réel, par tous les acteurs engagés sur un même théâtre d'opérations.

C'est le sens des projets qui m'ont été présentés ce matin. C'est la condition nécessaire pour que notre engagement soit crédible en toutes circonstances.




La troisième priorité assignée à la loi de programmation militaire est liée à la construction de l'Europe.

La France est, avec la Grande-Bretagne, le plus gros contributeur à l'effort de défense européen. Notre pays respectera l'engagement qu'il a pris, lors du Sommet d'Helsinki de 1999, de satisfaire un cinquième de l'objectif global en matière de capacités militaires et, le cas échéant, d'assumer la responsabilité de nation-cadre. À ce titre, nous devons être capables, dès 2006, de préparer, de planifier, de conduire une opération multinationale d'envergure décidée par l'Union.

La loi de programmation militaire française contribuera également au renforcement de l'industrie de défense européenne en favorisant systématiquement des programmes en coopération.

Enfin l'augmentation sensible des crédits consacrés à la recherche constituera un appoint essentiel pour cette industrie, afin qu'elle reste compétitive. L'Europe de la défense n'est pas dissociable de l'industrie européenne de défense, qui ne pourra survivre sans une étroite coopération entre les Quinze et sans un effort budgétaire suffisant.

L'Europe de la défense est aussi un volet essentiel de la construction européenne. Sans elle, la voix des nations européennes ne se fera pas entendre sur la scène internationale. Sans capacités d'action militaire, l'Europe restera impuissante ou dépendante.

La France montre aujourd'hui le chemin et elle invite ses partenaires, tous ses partenaires, à consentir le même effort pour que l'Europe que nous construisons soit plus solidaire, plus forte et mieux respectée.




Je voudrais, pour terminer, insister sur deux points.

Tout d'abord, ce projet de loi de programmation militaire ne doit pas seulement permettre la modernisation des équipements militaires, il doit aussi renforcer la professionnalisation et améliorer les conditions de vie et de travail de la communauté militaire.

Les hommes et les femmes de la défense doivent conserver ou retrouver la fierté légitime qui s'attache à l'exercice du métier des armes.

Le malaise ressenti ces dernières années dans beaucoup d'unités des trois armées et de la Gendarmerie avait des causes multiples. L'ampleur des réformes, c'est vrai, la multiplication des activités, également, sur le territoire national ou à l'extérieur, tout cela l'expliquait en partie. Mais ce malaise était d'abord la conséquence d'une frustration profonde des militaires de tout rang devant la dégradation de leurs capacités opérationnelles. L'indisponibilité de plus en plus fréquente des avions, des chars, des hélicoptères ou des bâtiments et le niveau d'entraînement insuffisant des unités de combat étaient devenus insupportables.

En permettant le remplacement des matériels les plus anciens et en augmentant fortement les crédits consacrés à l'entretien et au maintien en condition opérationnelle des équipements, la loi de programmation contribuera directement à la restauration de notre outil militaire.

Pour la première fois, ce projet de loi fixe également de manière détaillée le niveau d'entraînement des unités, des bâtiments et des forces aériennes. Les critères retenus sont ceux des armées les plus modernes.

Il faudra un peu de temps pour que les mesures décidées produisent tous leurs effets. Mais je sais l'attention que porte à ce dossier votre ministre, Madame ALLIOT-MARIE, à qui je rends hommage devant vous pour la détermination qui l'anime dans cette mission exigeante de rétablissement de la confiance.

Je me dois, enfin, d'attirer votre attention sur les responsabilités que vous imposent les décisions qui viennent d'être prises.

L'effort consenti par la Nation avec la loi de programmation militaire et avec le budget 2003 de la défense est un effort très important dans le contexte économique et social que nous connaissons aujourd'hui.

Pour la première fois depuis des dizaines d'années, la hausse du budget d'investissement des armées atteindra plus de 11 pour cent par rapport à l'année en cours.

C'est la traduction d'un projet ambitieux pour notre défense et notre sécurité et l'affirmation d'une volonté politique.

Mais cet effort impose en contrepartie des devoirs au ministère de la Défense, à nos armées, à la Délégation générale pour l'armement et à nos industriels.

Le défi à relever est celui de la réduction des coûts, de la réalisation conforme des programmes et de la transparence des dépenses.

L'innovation et la créativité doivent être systématiquement favorisées dans le domaine des politiques d'acquisition et dans la gestion des procédures et des moyens qui concourent à la disponibilité des équipements.

Il ne s'agit pas de bouleverser une nouvelle fois, bien sûr, l'organisation de ce ministère, qui vient de conduire de manière exemplaire, je l'ai évoquée tout à l'heure, une réforme considérable, mais d'approfondir les acquis et d'améliorer ce qui doit l'être pour parvenir à une gestion optimale dans l'intérêt de tous, et dans l'intérêt d'abord des militaires eux-mêmes.




Mesdames et Messieurs,

Les arbitrages pris récemment par le Gouvernement l'ont été dans l'intérêt national, parce que la France a besoin d'une armée forte et moderne pour sa sécurité et pour faire entendre sa voix en Europe et dans le monde.

C'est à vous toutes et à vous tous maintenant qu'il revient de mettre en oeuvre ces projets.

Je compte sur vous pour conduire avec rigueur et détermination cet important programme de modernisation de notre outil de défense.

Vous avez ma confiance, vous avez mon estime.

Je vous remercie.





.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2004-07-27 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité