Allocution du Président de la République devant l'Assemblée générale de l'association internationale des maires francophones à Beyrouth.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant l'Assemblée générale de l'Association internationale des maires francophones (AIMF).

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Beyrouth (Liban) - jeudi 17 octobre 2002.

Monsieur le Président de la République libanaise, Monsieur le Président du Conseil des Ministres du Liban, Monsieur le Président de la municipalité de Beyrouth, cher Jean-Paul Lallier, vieil ami, Mesdames et Messieurs les Ministres, Monsieur le Secrétaire Général, mon cher Boutros, Très chers amis, membres de l'Association,

Mes premiers mots, vous le comprendrez, iront à notre Président, M. le Maire de Paris, Bertrand DELANOË. Et en tant que Président d'honneur de notre association, je tiens à exprimer notre profonde émotion après l'agression odieuse dont il a été la victime. Je tiens à lui dire que nous sommes consternés par cet acte dicté par la haine. Je remercie Monsieur SCHAPIRA, qui le représente aujourd'hui, et je lui demande de bien vouloir lui transmettre, en notre nom à toutes et à tous, nos voeux chaleureux de prompt rétablissement et notre message d'amitié.

Chacun comprendra que je veuille aussi saluer avec une affection toute particulière mes vieux amis, ceux de la première heure, les pionniers qui ont conçu, un jour de 1977, le projet de l'AIMF et lui ont donné vie. Beaucoup sont parmi nous. Comme chaque année, je me réjouis de les retrouver. Quelques-uns aussi nous ont quittés et nous pensons affectueusement à eux.

Je veux également saluer, pour les remercier, les piliers de notre Association : notre Secrétaire permanent, Pierre FIGEAC, notre chef du Protocole, Pierre BERNIMOLIN, et toutes celles et ceux qui, à leurs côtés, se dévouent avec beaucoup de savoir-faire et beaucoup de talent.

Enfin, je salue celles et ceux qui nous ont rejoints au fil du temps, qui ont agrandi le cercle familial, témoignant du dynamisme, du succès et de la vitalité de notre Association et de notre projet commun.

À chaque passage de témoin, l'AIMF acquiert autorité, puissance, elle affirme son efficacité. Il y a vingt-cinq ans, notre intuition était la bonne ! L'AIMF était une idée d'avenir, une idée à la fois modeste mais aussi ambitieuse. Modeste en apparence parce qu'elle fait appel aux volontés, aux énergies, aux outils de tous les jours, à la gestion quotidienne des problèmes. Ambitieuse pourtant puisqu'elle enracine la coopération, l'amitié, entre les métropoles établies sur les cinq continents de notre monde.

C'est pour cela que j'ai toujours eu à coeur l'efficacité et le devenir de notre association. À Cotonou, il y a sept ans, elle a gagné ses galons d'opérateur direct de la Francophonie. Elle est aujourd'hui, sous l'égide de notre Secrétaire général, Boutros BOUTROS-GHALI, un acteur à part entière de notre grand projet francophone. * Qu'est-ce que la Francophonie ? C'est un humanisme, fondé sur une langue et sur une culture communes. C'est une incessante quête du progrès. Le progrès démocratique, qui est l'un de ses objectifs prioritaires depuis la déclaration de Bamako, adoptée en novembre 2000. Le progrès de la paix. Nous avons voulu faire de la Francophonie une instance de rencontre et de dialogue lorsque tensions ou conflits surgissent entre nos pays ou déchirent l'un d'entre eux. Le progrès d'un développement bâti la main dans la main, au sein d'un mouvement qui soit à la fois solidaire et fraternel.

Enfin, plus que jamais, depuis le choc terrible du 11 septembre, nous comptons sur la Francophonie pour jouer un rôle moteur dans la mondialisation. Pour rappeler que le grand tourbillon des échanges et sa chance de développement ne doivent oublier personne. La Francophonie a toujours respecté les traditions, les valeurs, les langues de chacun de ses membres. Forte de son "éthique de la diversité et de la solidarité", elle est "une et plurielle", pour reprendre, Monsieur le Secrétaire général, Cher Boutros, votre belle formule. Nous lui demandons d'offrir l'exemple du dialogue harmonieux des cultures. Lorsque nous nous battons pour que, dans les villes et dans les villages du sud, les écoliers, les collégiens, filles et garçons, disposent d'Internet et naviguent en français, c'est pour que, demain, l'universel se compose de toutes les cultures et de tous les génies du monde. Cette volonté, notre choix de Beyrouth, au carrefour de l'Histoire, des civilisations, des hommes, cette volonté, ce choix l'incarne avec force. * Dans les États modernes, la décentralisation s'impose, comme un vecteur de démocratie et comme un facteur de bonne administration. Et nous avons besoin de l'AIMF, gisement d'initiatives au plus près de la réalité, laboratoire aussi, puisque les solutions qu'elle développe au plan local peuvent inspirer les États et l'ont déjà fait maintes fois. Les États ont beaucoup d'enseignements à tirer des coopérations décentralisées, pragmatiques et proches des réalités.

L'AIMF fait progresser la démocratie. La commune, la collectivité locale sont le premier niveau de la vie démocratique. Pour que des projets voient le jour et pour qu'ils soient efficaces, pour qu'ils apportent sur place une meilleure qualité de vie, il est nécessaire de consulter et d'entendre les citoyens. Vecteur de coopération entre les villes, l'AIMF encourage donc le développement démocratique des pays francophones.

Reconnaissons-le pourtant : dans la plupart de nos pays, les femmes ne sont pas assez représentées dans la vie publique. Voilà un progrès qui reste à accomplir, même dans les plus vieilles démocraties, alors même que les femmes s'engagent si nombreuses dans l'action locale, qu'il s'agisse de la vie associative, de celle des quartiers ou même au sein des municipalités. C'est là que commence la parité. L'AIMF, qui a engagé une réflexion sur le sujet, contribue à cette nécessaire prise de conscience.

L'AIMF est aussi, bien sûr, un acteur du dialogue entre les peuples. Là où, trop souvent hélas, les États échouent -se parler, établir des contacts, des passerelles, susciter la confiance et l'amitié, respecter l'autre-, les élus locaux peuvent réussir. Parce qu'ils ne sont pas dans la rivalité. Parce qu'ils sont libres de tout formalisme, guidés par le seul souci de l'efficacité et qu'ils doivent agir, par vocation, avec pragmatisme, aller au-delà des préjugés et des pesanteurs de la géopolitique.

L'AIMF est naturellement un promoteur du développement. Le développement, c'est-à-dire l'éducation, la santé, les équipements hospitaliers, l'assainissement et l'eau, l'approvisionnement en énergie, la maîtrise de l'urbanisme, les infrastructures et les transports, tout cela fonde la vocation de notre association.

Vous le savez, je souhaite, dans la ligne notamment du NEPAD pour l'Afrique, qui veut substituer, et c'est un grand progrès du monde d'aujourd'hui, une culture de partenariat à la culture d'assistance. Je veux que la coopération de la France cible mieux ses efforts. Je souhaite en particulier qu'elle soutienne des programmes plus modestes en apparence mais développés en liaison étroite avec les populations concernées et beaucoup plus nombreux. J'appelle à une plus grande ouverture de notre coopération, que nous recherchions systématiquement l'appui de tous ceux, organismes locaux, nationaux, internationaux, instances multilatérales, ONG, qui agissent sur place, dans le même sens que nous et parfois en concurrence avec nous, ce qui est dommage.

Là encore, l'AIMF est un pionnier. Elle a su animer une solidarité vivante, en faisant travailler la main dans la main ingénieurs et experts du nord et du sud. Ce n'est plus, comme dans les vieux schémas, le nord qui offre et le sud qui reçoit, mais un partenariat des municipalités, indépendamment de leur niveau de développement, dans le cadre de cette grande réflexion sur le NEPAD. C'est un progrès qui trouve l'une de ses origines dans nos propres réflexions.

Enfin, nous ne pourrons maîtriser ni équilibrer la mondialisation sans le soutien des municipalités. Parmi les grands combats du XXIe siècle, il y a le développement durable, la défense de notre planète, la bataille pour l'environnement et la lutte pour la préservation des ressources. Cet été, à Johannesburg, j'ai appelé à une forte mobilisation citoyenne, à l'engagement de la société civile, et à celui naturellement des municipalités. Et l'AIMF, je le sais, est pleinement engagée dans ce grand combat qui est celui pour l'homme de demain.

En bâtissant des villes plus propres, mieux équipées, plus fonctionnelles, en faisant reculer l'illettrisme, en luttant contre la maladie, les responsables municipaux aident nos concitoyens à mieux aborder les défis de la mondialisation. * Au moment de conclure, je veux vous dire une nouvelle fois mon attachement à l'AIMF dont je connais bien les préoccupations : celle du champ de ses interventions, autour de sa vocation première, la coopération municipale ; celle des moyens qui lui sont alloués dans sa mission d'opérateur et celle en particulier de sa reconnaissance par les États et de leur participation ; celle de son éventuel élargissement à l'ensemble des collectivités locales pour qu'elle incarne pleinement la coopération décentralisée au sein de l'Organisation de la Francophonie.

Notre association, je l'ai présidée pendant seize ans. J'ai le privilège aujourd'hui, et je vous en remercie encore, d'en être le Président d'honneur. Soyez-en sûrs : je veillerai, à la place qui est la mienne, à son avenir et à la continuité de son action au service de nos concitoyens. Je vous l'ai dit, notre mot d'ordre aujourd'hui, c'est la décentralisation. Ce sont donc de nouvelles responsabilités, un rôle accru pour l'AIMF, avec les conséquences que cela engage en termes d'écoute, de respect de l'autre et de moyens. À toutes et tous, je veux redire mon profond bonheur de me retrouver parmi vous, en famille car l'AIMF est une famille, et combien aussi ont compté dans ma vie toutes ces années où nous avons travaillé ensemble.

À toutes et à tous, merci de votre amitié, merci de votre fidélité. Je vous souhaite de longues et belles années de succès. Et, en terminant, vous comprendrez tous que je veuille exprimer notre estime et notre reconnaissance à Beyrouth et au Liban. Notre estime pour la grande ambition dont celle ville, au carrefour des civilisations, est porteuse pour son avenir. Et notre reconnaissance pour l'accueil qui nous a été réservé, à la Francophonie en général, à l'AIMF en particulier. Un accueil chaleureux comme les Libanais, forts de leur longue histoire, savent le donner quand leur coeur parle. Et leur coeur sait parler.

Alors, merci au Liban.





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