Discours du Président de la République lors de la visite au service de santé des armées.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de la visite au service de santé des armées.1

Paris, le mardi 12 novembre 2002

Madame la Ministre de la Défense, Mon Général, Monsieur le Directeur Central, Mon Général, Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux de me trouver aujourd'hui parmi vous, et ceci dans ce cadre prestigieux de l'école du Val-de-Grâce. Et je voudrais, à cette occasion, vous témoigner l'estime, l'admiration, très sincères, très profondes, que je vous porte, que je porte à l'ensemble des femmes et des hommes qui représentent, en France et dans le monde, le Service de Santé des Armées. Un service prestigieux s'il en est.

Cette visite, dans ce lieu qui est un symbole à la fois de tradition et de modernité, comme nous avons pu le voir, m'a permis de prendre la mesure des évolutions du Service et la mesure aussi de vos préoccupations. Et je veux que vous le sachiez.

Je connais bien le Service de Santé des Armées. Je sais ce que lui doivent non seulement nos armées, mais aussi notre pays. Je sais le soutien que vous apportez à nos forces, où qu'elles soient, et qui est une condition indispensable de leur moral et de leur efficacité. Et notre pays n'ignore pas combien votre contribution au renom de la médecine française a été et reste considérable.

Sans doute parce que l'humanisme est une vertu que vous avez toujours cultivée avec passion. Percy, chirurgien en chef de la Grande Armée, répétait à ses médecins cette belle phrase que vous connaissez certainement mais que j'évoque, ne serait-ce que pour la presse : "Allez là où l'humanité et la patrie vous appellent". Et cette phrase, aujourd'hui encore, guide sans aucun doute votre action.

Le Service de Santé, tel qu'il est aujourd'hui, est le dépositaire de cette tradition prestigieuse dont vous devez être fiers et dont je sais que vous êtes fiers.

Depuis sa création, il y a trois siècles, la science médicale lui doit d'immenses avancées et nombre de vos anciens ont gagné, par leurs travaux, par leurs découvertes, une renommée qui les impose parmi les plus grands. Bien sûr Laveran, professeur de cette école, qui fut le premier Français à recevoir le prix Nobel de médecine pour sa découverte de l'agent du paludisme. Mais bien d'autres noms pourraient être cités, on les a vus tout à l'heure sur les panneaux de l'école, Villemin, maître de la diphtérie, Lévy, le grand hygiéniste et tant d'autres encore.

Je voudrais saluer tout particulièrement l'action magnifique de ces médecins qui sont allés soigner avec intelligence, compétence, dévouement, les populations en Afrique, en Asie, en Océanie. Ils en ont retiré une expérience incomparable en matière de grandes endémies, comme Jamot s'attaquant à la maladie du sommeil, Yersin à la peste, ou plus récemment Lapeyssonnie à la méningite cérébrospinale. Là encore, on pourrait en citer beaucoup d'autres. Et je rends aussi hommage à leur rôle dans la mise en oeuvre de grandes politiques de santé publique et de prévention. Ils ont donné de la France une image humaniste, compétente, généreuse, qui reste toujours vive, là où ils se sont dévoués.

Vous êtes, Mesdames et Messieurs, les héritiers de ces grands médecins, de ces admirables équipes françaises. C'est vous désormais qui détenez ce patrimoine d'exception. Il fait de notre Service de Santé des Armées l'un des plus respectés et des plus enviés du monde.

L'excellence de votre Service se manifeste d'abord dans le domaine de la formation, avec ses écoles, lieux d'acquisition du savoir universitaire et creuset de l'indispensable cohésion de votre corps. Cette formation garantit aux armées des personnels de grande qualité, avec des médecins, des infirmiers, des pharmaciens, des vétérinaires, des dentistes et un personnel soignant capables de servir en tous temps et en tous lieux avec compétence et dévouement.

Votre participation de plus en plus grande au service public accroît votre champ d'action pour le plus grand bien de notre pays.

L'excellence, c'est encore celle dont témoignent vos neuf hôpitaux d'instruction, viviers où se perfectionnent des équipes qualifiées et recherchées.

Ces établissements, dont la grande majorité est en phase d'accréditation nationale, représentent aujourd'hui la juste suffisance permettant de répondre, en matière de soutien médical, aux impératifs du modèle d'Armées 2015. Il est donc maintenant exclu d'en réduire le nombre.

L'excellence, c'est aussi celle que représentent les Centres de recherche, comme celui du Pharo, spécialisé dans la médecine tropicale et à la compétence universellement reconnue, ou encore les instituts de médecine aéronautique de Brétigny et de médecine navale de Toulon. J'ai eu tort d'en citer, parce que je dois en oublier et j'ai beaucoup de respect pour tous. C'est aussi le Centre de Recherche du Service de Santé des Armées, le fameux CRESSA de Grenoble, spécialisé dans la recherche biologique, participant d'ailleurs aux plans Piratox et Biotox, dont chacun perçoit mieux aujourd'hui, hélas, l'importance.

L'excellence, c'est enfin l'efficacité opérationnelle qu'illustre une chaîne médico-logistique particulièrement performante. Son expression la plus éclatante en est le déploiement sur le terrain de vos postes de secours et de vos antennes chirurgicales de l'avant, comme c'est en ce moment même le cas à Kaboul, à N'Djamena, à Mitrovica, à Pristina.

Le dévouement exemplaire de ces équipes permet de sauver bien des vies, bien des vies de nos soldats, de nos alliés ou des populations civiles.

Le corps technique et administratif du service de santé déploie, là aussi, toute sa compétence.

Cette excellence doit être préservée, et ceci en dépit des lourdes contraintes actuelles. Ces contraintes sont liées, bien sûr, aux profondes mutations de nos Armées et de notre société. Cette indispensable adaptation est commandée par les exigences du moment. C'est pour vous, c'est pour la France, un défi supplémentaire. J'en ai pleinement conscience, votre ministre aussi. Et je sais que ces changements ne sont pas sans conséquence pour le Service tout entier. Je sais que chacun d'entre vous s'en trouve touché tout simplement dans sa vie quotidienne.

Vous avez su faire face avec détermination au défi de la professionnalisation et à la fin du Service national. Vous avez mené à son terme une restructuration considérable du parc, de votre parc hospitalier militaire. Elle est arrivée maintenant à son terme. Mais vous devez faire face aujourd'hui aux conséquences d'autres évolutions.

L'allongement des études est un investissement indispensable, mais il diminue d'autant la durée de service passée au sein des Armées.

Le Service doit aussi s'adapter, avec souplesse et imagination, à sa féminisation croissante.

Et puisque j'évoque ici sa féminisation, vous me permettrez de saluer et de rendre hommage à la Générale Valérie André, issue de vos rangs et première femme à avoir été nommée officier général de l'armée française et grand-croix de la Légion d'honneur.

S'y ajoutent la multiplication des opérations extérieures, qui provoque un déploiement de personnel sans précédent ; l'aménagement du temps de travail, difficile à absorber sans l'apport d'effectifs nouveaux ; l'attrait du secteur privé, aussi, en particulier pour les spécialistes.

Ces évolutions sont à l'origine d'une surcharge de travail qu'il faut absolument maîtriser pour continuer à remplir vos missions aujourd'hui et demain avec autant d'efficacité et autant de grandeur qu'hier.

Il faut par contre répondre à ces défis par des mesures appropriées. Certaines sont déjà appliquées. Elles sont la preuve de l'intérêt que vous porte la nation.

C'est d'abord la correction nécessaire du sous-effectif actuel. La nouvelle loi de programmation militaire a prévu, sur cinq ans, la création de 220 nouveaux postes d'élèves médecins. C'était une priorité donnée par la ministre de la Défense et qui a été respectée. Parallèlement 350 postes de militaires, infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA) seront créés. Cela représente, dans le contexte actuel, un effort important mais qui marque bien une volonté.

Il faut ensuite réduire les départs, et c'est le sens des décisions prises en faveur des personnels.

Ainsi les MITHA viennent de se voir attribuer les mesures de valorisation des infirmiers de l'assistance publique. Le statut des infirmiers des forces, dont le rôle doit être souligné, est en cours d'examen. Et il faut que soient prises en compte leurs légitimes espérances. L'expérience et la compétence des médecins doivent également être justement reconnues.

Il faut enfin continuer à améliorer votre cadre de travail en privilégiant la mise en oeuvre de projets d'infrastructure majeurs. C'est pourquoi la reconstruction de l'hôpital Sainte-Anne de Toulon a été retenue dans la nouvelle loi de programmation militaire.

Ces mesures fortes doivent vous aider à franchir le cap difficile d'aujourd'hui. Naturellement elles ne suffisent pas, et il faudra en trouver d'autres, en explorant des voies nouvelles.

Il faut être imaginatif car le personnel médical militaire est plus précieux que jamais pour la nation. Il faut préserver sa motivation, il faut le fidéliser en le considérant à la juste hauteur de ses qualifications.

Toutes ces réponses devront naturellement conforter votre ancrage nécessaire dans nos forces armées, raison d'être de votre Service. Il importe, en effet, de maintenir une identité militaire forte et une appartenance affirmée aux Armées. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'un des vôtres préside à vos destinées.

Je vous demande donc de persévérer dans la voie où vous vous êtes engagés, chacun à votre place, pour garantir le succès de votre mission, qui est une mission dont la noblesse est éclatante.

Mesdames et Messieurs,

Le Service de Santé des Armées a toujours eu dans notre histoire un comportement exemplaire, fondé sur la compétence, sur l'humanisme et sur les vertus militaires d'abnégation, de discipline, de dévouement et de disponibilité. Je tenais aujourd'hui à en porter témoignage.

Vous avez tout lieu d'être fiers de ce que vous êtes et de ce que vous faites.

Je sais pouvoir compter sur vous, dans cette période cruciale, pour faire vivre ces vertus que la nation unanime vous reconnaît.

Je vous renouvelle mon estime, ma reconnaissance et mon amitié.

Je vous remercie.





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