Discours de M. Jacques CHIRAC à Strasbourg (campagne électorale pour l'élection présidentielle)

Discours de M. Jacques CHIRAC à Strasbourg (campagne électorale pour l'élection présidentielle)

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Strasbourg, Bas-Rhin, le mercredi 6 mars 2002

Madame le Maire, Monsieur le Président de la Communauté, Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

Merci pour ces paroles de bienvenue. Je suis heureux d'être aujourd'hui avec vous, à Strasbourg.

Strasbourg dont le Général de Gaulle disait qu'elle était la ville la plus proche de son coeur.

Strasbourg, métropole d'exception, qui rayonne par sa vie culturelle, par son dynamisme économique, par sa tradition d'hospitalité.

Strasbourg, si souvent écartelée dans les siècles passés. Strasbourg où a pris corps l'idée de la réconciliation et de la paix. Strasbourg aujourd'hui siège du Parlement européen, du Conseil de l'Europe et de la Cour européenne des droits de l'homme. Strasbourg occupe une place unique au sein de notre continent.

Cette vocation européenne que Strasbourg doit autant à la géographie qu'à l'histoire, je l'ai toujours défendue. Elle doit être confortée, vous l'avez dit, par l'amélioration de la desserte aérienne de la ville, par la réalisation de la ligne TGV jusqu'ici, et au-delà de nos frontières. Vous pouvez compter sur ma détermination à faire aboutir ces projets. Car je veux que la capitale alsacienne, capitale européenne, puisse assumer, dans les meilleures conditions, cette responsabilité qui est la sienne dans la vie et le développement de l'Union européenne.

Mes chers amis,

En sept ans, que de chemin parcouru dans la construction européenne. Que de grands projets réalisés. L'euro, la défense, l'Europe des citoyens. Nous pouvons en être fiers. Les Français ont voulu ces progrès, nous les avons accomplis.

Le grand débat qui s'est déroulé l'année dernière l'a montré : il y a, chez nos compatriotes, une attente forte d'Europe, mais il y a aussi des interrogations. Elles sont légitimes car l'Union européenne va connaître des mutations profondes au cours des prochaines années.

L'élargissement à dix nouveaux pays, puis à d'autres, constitue en effet un moment décisif après un demi-siècle d'existence. Cet élargissement, nous ne le subissons pas.Nous l'appelons de nos voeux. Parce que nous devions accueillir des peuples que l'Histoire a si longtemps interdits de liberté. Parce que notre continent ne pouvait demeurer divisé sans que renaissent à nos portes de nouvelles menaces. Parce que cette unité retrouvée est une véritable chance pour l'Europe.

Mais l'élargissement est aussi un défi. Chacun sait qu'il pourrait, si nous n'y prenons garde, donner un coup d'arrêt au projet inspiré de Jean Monnet et Robert Schuman. Un coup d'arrêt au rêve des fondateurs de susciter la renaissance d'une Europe que les deux conflits mondiaux avaient effacée. Ce projet a magistralement joué son rôle, et la prospérité est venue de surcroît. L'enjeu est donc immense.

Aujourd'hui, cette histoire européenne nous oblige. Nous avons la responsabilité de ne pas laisser se défaire l'oeuvre accomplie, une oeuvre dont la France a tant bénéficié. C'est fort de cette conviction qu'il y a bientôt deux ans, devant le Bundestag à Berlin, j'avais jugé le moment venu de refonder le projet européen. Le premier, parmi les membres du Conseil européen, j'avais souhaité l'adoption d'une Constitution et j'avais évoqué, pour la préparer, la réunion d'une Convention de représentants des gouvernements, des Parlements et de la Commission.

Cette Convention, vous le savez, a ouvert ses travaux la semaine dernière, sous la présidence de Monsieur Valéry Giscard d'Estaing. L'engagement et la vision du Président Giscard d'Estaing sont des atouts inestimables sur la voie du succès.

C'est l'avenir de l'Europe qui se joue dans la période qui s'ouvre. Il s'agit aussi de l'avenir de notre pays. Je souhaite donc vous en parler aujourd'hui en vous présentant mon projet pour l'Europe :

- Je veux une Europe forte qui pèse dans les affaires du monde.

- Je veux une Europe humaine et dynamique pour la prospérité et la sécurité des Français.

- Je veux enfin que notre Europe soit démocratique et efficace.





1) D'abord je veux une Europe forte qui pèse dans les affaires du monde.

Le message de l'Europe trouve sa source dans son histoire. Mais c'est un message moderne. Un message que le monde veut entendre. Car le monde a besoin d'Europe. De cette voix profondément humaniste, qui s'est faite en inventant la liberté et les droits de l'homme ; une voix qui exprime les vertus de la paix parce qu'elle a trop connu la guerre ; la voix d'une Europe qui a appris que le droit sans la force c'est l'impuissance, mais qui sait aussi que la force sans le droit, c'est l'injustice. Cette voix est devenue indispensable à l'harmonie du monde.

Nous Français, nous nous retrouvons dans ces valeurs éthiques, dans ce message que nous avons souvent inspiré. C'est notre fierté. Je suis convaincu que le projet européen peut ainsi redevenir un idéal pour les jeunes, comme il l'était, dans un monde différent, pour la jeunesse française de l'après-guerre.

Mais ce message, il faut le préciser davantage, l'affirmer avec encore plus de force, le traduire désormais en principe d'action pour l'Europe. Je souhaite donc que la France propose à ses partenaires d'élaborer une Déclaration solennelle fixant les objectifs européens pour le monde du XXIème siècle.

Cette Déclaration définira les grands axes de la politique étrangère de l'Union européenne pour les prochaines années, en matière de sécurité, d'environnement, d'aide au développement ou de dialogue des cultures. Nos ambitions seront alors plus lisibles pour les autres pays et plus tangibles pour les peuples d'Europe. Ils percevront mieux tout ce qu'apporte, tout ce que leur apporte, la politique extérieure de l'Union.

Et alors que le monde s'ouvre, que l'économie devient globale, que les frontières s'effacent, que les mouvements du monde influencent de plus en plus notre vie quotidienne, nous avons besoin d'une Europe capable de défendre les intérêts et les valeurs auxquels nous sommes attachés. Je suis pour une Europe forte, parce que je suis pour une France forte. Notre ambition européenne participe d'une grande ambition nationale.

Ne l'oublions pas. C'est grâce à l'Union que le Protocole de Kyoto sera enfin mis en oeuvre. C'est grâce à l'Union que nos idées sur la maîtrise de la mondialisation s'imposent progressivement. C'est grâce à l'Union qu'un bon équilibre sera trouvé dans le commerce international entre l'ouverture des marchés, la protection du consommateur, la défense de l'environnement et l'affirmation des droits sociaux. Enfin, c'est grâce à l'Union que la diversité culturelle est aujourd'hui reconnue et sera défendue.

Mais l'Europe, nous la voulons aussi généreuse : d'ores et déjà, l'Union et ses Etats-membres financent plus de la moitié de l'aide internationale au développement. Nous devons maintenant réfléchir à la mise en cohérence de nos moyens nationaux avec ceux de l'aide européenne au développement qui doit améliorer son efficacité et être davantage en phase avec nos objectifs politiques.

Et dans un monde où s'affirme la puissance considérable des Etats-Unis d'Amérique, n'est-il pas souhaitable que s'établisse un dialogue véritable, plus équilibré, plus exigeant, entre Américains et Européens ? Un dialogue qui renforce les chances de réussite de nos objectifs communs fondamentaux ? Nous serons toujours des alliés fiables et responsables, mais nous ne devons pas être des alliés aveugles. N'est-il pas nécessaire également que l'Europe s'affirme et développe sa relation avec les grands pays émergents qui seront demain de grandes puissances ? Voilà pourquoi je souhaite que l'Europe devienne l'un des grands acteurs d'un monde qui doit être multipolaire et plus harmonieux.

Plus visionnaire, plus volontaire et mieux comprise, la politique extérieure européenne doit aussi disposer d'outils efficaces pour s'affirmer avec force.

C'est l'un des objectifs majeurs de mon action. Nous avons déjà fait de grands progrès, depuis le Sommet franco-britannique de Saint-Malo. Un Haut Représentant a été désigné pour incarner la politique étrangère de l'Union européenne. Je suis intervenu à plusieurs reprises, notamment avec le Chancelier Schroëder, pour affirmer son statut et élargir son audience. Mais nous devons aller plus loin, assurer une meilleure coordination dans la conduite de la politique étrangère de l'Union pour qu'elle parle d'une seule voix. C'est au Haut Représentant de l'exprimer.

Sans attendre, permettons aux Etats qui, face à une crise, sont prêts à s'engager dans des opérations militaires, d'établir une concertation particulière entre eux, au sein du Comité politique et de sécurité. Ceux qui veulent faire plus et plus vite doivent être en mesure d'agir. L'Europe ne progressera pas en s'alignant sur le plus petit dénominateur commun.

Nous avons également décidé, sous l'impulsion de la France, de construire l'Europe de la défense. Dès l'année prochaine, 60.000 soldats européens pourront être déployés sur des théâtres de crise. Mais les mécanismes en place doivent être rodés. Là aussi agissons sans tarder en décidant que l'Union européenne assumera par elle-même certaines des opérations en cours dans les Balkans. C'est ce que j'ai proposé pour la Bosnie et la Macédoine. Nous pouvons le faire. Nous avons besoin de la même impulsion que celle qui a permis au Corps européen, à mon initiative, d'assurer l'année dernière le Commandement de la force internationale au Kosovo.

Et au-delà, l'Europe doit être capable de s'engager avec ses propres moyens sans être systématiquement tributaire de l'OTAN. Il est indispensable qu'elle se dote d'un état-major de planification et de conduite des opérations qui lui donne cette liberté de décision et d'action.

Comme toujours, la construction européenne progressera par l'effort de tous et par l'initiative de quelques-uns. Ce fut vrai dans les domaines économique, commercial et monétaire. Cela le sera encore davantage dans le domaine de la politique étrangère et de la sécurité. L'ambition d'une Europe-puissance est d'abord une ambition française. Cette ambition, nous devrons la faire partager et je souhaite que la France, avec ses principaux partenaires, en soit le moteur. Ce sera l'un des axes forts de l'action extérieure que je propose pour les prochaines années.

Que l'on ne s'y trompe pas, l'Europe ne comptera dans le monde, ne pèsera dans la prévention et le règlement des crises, que si elle dispose de réelles capacités militaires. Il est vain de se lamenter sur le décrochage technologique entre les forces américaines et européennes. Le temps est à l'effort. Le temps est au développement d'une industrie de défense puissante et organisée, mobilisée autour de grands projets communs. L'industrie européenne doit avoir l'ambition et les mécanismes qui lui permettront de traiter à égalité avec ses partenaires américains.

Je proposerai donc une rencontre au sommet des pays européens qui entendent faire cet effort particulier en matière de défense. Une telle rencontre permettrait d'avoir un échange franc. De nous accorder sur quelques axes d'actions prioritaires qui devront trouver leur traduction en termes de budget et de programmes.

La France doit être prête à cet effort. Elle dispose toujours d'atouts essentiels mais les restrictions imposées par le gouvernement au budget de la défense depuis cinq ans menacent le succès de la réforme des Armées. La modernisation de nos équipements est devenue urgente. Nous devons la réaliser. S'y soustraire ou prétendre que cet effort est excessif reviendrait à renoncer à notre rôle en Europe et dans le monde ou à tromper les Français.





Mes chers amis,

2) Je veux une Europe forte, mais je veux aussi une Europe humaine et dynamique pour la prospérité et la sécurité des Français.

Le succès de l'euro a dépassé toutes les espérances. Ce choix de la monnaie unique, je l'ai personnellement voulu et soutenu depuis le départ, et ceci malgré les risques, malgré les difficultés, parce que c'était l'intérêt de la France. C'est dire ma satisfaction aujourd'hui.

L'euro est le socle sur lequel reposent nos économies, à l'abri des agitations et de la spéculation monétaire internationales. Mais ce n'est pas une fin. Notre objectif doit être maintenant de faire vivre l'Europe de l'euro au bénéfice des citoyens européens et des citoyens français.

Comment ne pas être frappé par le décalage entre les réalisations impressionnantes de l'intégration économique et les progrès encore insuffisants de l'Europe sociale ? Depuis des années, je plaide pour que s'affirme un modèle économique et social proprement européen. Un modèle fondé sur l'équilibre entre, d'un côté les initiatives individuelles qui doivent s'épanouir, le travail et le mérite qui doivent être récompensés et de l'autre, la protection contre les aléas de la vie, la solidarité et la lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

Pour assurer cette protection, pour éviter le dumping social, il faut accélérer l'harmonisation de nos législations en matière d'emploi et de relations du travail. Nous y parviendrons en encourageant le développement du dialogue social, d'abord dans chacun de nos pays, ensuite sur le plan européen.

Notre objectif doit être aussi de mettre en place une véritable politique économique européenne : je propose à cette fin d'agir dans plusieurs directions.

- D'abord, affirmer la gouvernance économique de l'Europe. Aujourd'hui l'Europe ne dispose ni des moyens ni des instruments nécessaires pour faciliter le redémarrage de nos économies. Il faut donc renforcer les instances de coordination, mieux intégrer la Banque Centrale à la définition de la politique économique, dépasser le strict cadre de la politique budgétaire au profit d'une politique de développement à long terme de l'Union.

- Il convient ensuite de favoriser l'intégration de nos marchés européens, des marchés financiers comme des marchés des biens et des services, je pense en particulier à l'énergie. Encourageons la concurrence, mais défendons aussi nos services d'intérêt général, c'est-à-dire nos services publics, et mettons en place une régulation européenne efficace.

- Créons les bases d'une véritable harmonisation fiscale européenne en fixant des objectifs réalistes, notamment pour la fiscalité de l'épargne et celle des entreprises. Ce chantier est nécessaire pour l'Europe, mais aussi pour nous, Français. C'est la meilleure façon de favoriser le mouvement de baisse des impôts dont notre pays a tant besoin.

Le 27 février, j'ai avancé des propositions dans ce sens parce que la baisse des prélèvements est indispensable. Dans une Europe ouverte, en concurrence, unie par la même monnaie, les Français ne peuvent sans dommage être toujours plus imposés et taxés que les autres. Ils ne peuvent sans danger pour leur avenir additionner les records des prélèvements obligatoires parmi les grands pays européens comme cela a été le cas en 1999, en 2000 et probablement encore en 2001.

C'est pourquoi j'ai proposé que l'impôt sur le revenu et la taxe d'habitation soient réformés et allégés. Comme j'ai proposé que nos entreprises puissent se battre à armes égales dans la compétition européenne et internationale avec une fiscalité qui ne les désavantage plus. Ce n'est que le bon sens. C'est aussi le meilleur moyen de relancer notre économie.

Nous devons baisser nos impôts tout en respectant, bien entendu, nos engagements européens en matière de finances publiques. Depuis 1995, je n'ai cessé d'agir pour la réduction de nos déficits publics dans une conjoncture difficile afin que notre pays soit prêt pour l'euro. Je connais l'importance de finances saines et solides. Je regrette d'autant plus que les fruits de la croissance de ces dernières années n'aient pas été utilisés pour mieux préparer l'avenir des Français. J'ajoute qu'il va de soi que notre pays respectera le pacte de stabilité et de croissance qu'il a signé.

- Enfin, dernier volet d'une politique économique européenne ambitieuse : engageons à nouveau de grands projets industriels et technologiques. C'est en mettant en commun nos moyens que nous créerons une masse critique au service de notre modernisation. Nous avons besoin aujourd'hui de projets aussi mobilisateurs que le furent en leur temps Airbus ou Ariane. Il faut relancer les programmes de recherche, connecter davantage les réseaux, qu'il s'agisse d'Internet ou des TGV, faire toute sa place à l'innovation.

Les Européens doivent investir dans la connaissance et les échanges : il n'est pas de tâche plus importante que de renforcer la communauté des esprits en Europe, de rapprocher les hommes, de développer les correspondances entre nos cultures nationales, nos penseurs, nos artistes. Une tradition qui remonte au Moyen-Age et qui nous a donné l'humanisme.

Il n'est pas de tâche plus urgente que de tisser des liens entre les jeunes de nos pays. D'abord par l'apprentissage des langues, en réalisant au plus vite et partout l'objectif, pour chaque jeune européen, de parler deux langues étrangères à l'issue des années de scolarité obligatoire.

Je l'ai souvent dit, les échanges scolaires et universitaires doivent être développés à une autre échelle. Fixons-nous des objectifs concrets à l'école, dans le secondaire et à l'université.

L'Europe rayonnera dans le monde si elle sait attirer les meilleurs étudiants et chercheurs, comme le font les Etats-Unis. Pour y parvenir, définissons une stratégie dans le domaine de la formation de haut niveau. Nous disposons de pôles d'excellence. Il faut les mettre en réseau, soutenir les établissements de différents pays européens désireux de s'allier.

Il va sans dire enfin que les programmes scolaires doivent davantage s'ouvrir à l'histoire et à la géographie des autres pays de l'Union, ainsi qu'à une véritable éducation civique européenne. C'est en construisant l'Europe des cultures qu'émergera une identité européenne complémentaire, pour chacun d'entre nous, de son identité nationale.

Je sais que l'une des composantes les plus fortes de cette identité est l'attachement de tous les citoyens européens à la protection de l'environnement. Ils nous disent tous les jours l'urgence de répondre aux défis écologiques de notre temps : réchauffement climatique, déforestation, pollution de l'air et de la mer, appauvrissement de la biodiversité, dissémination incontrôlée d'OGM.

Lors de la crise de la vache folle, ou à la suite du naufrage de l'Erika, l'Europe a montré sa volonté de se mobiliser pour en tirer les leçons. Elle veut construire un mode de développement durable où la satisfaction des besoins du présent n'affecte pas les droits des générations futures ; un mode de développement qui respecte les principes essentiels de précaution et de prévention, mais aussi de responsabilité, d'intégration et de participation.

Pour les années qui viennent, j'ai deux priorités. D'abord, la lutte contre le réchauffement climatique : l'Europe doit mettre en oeuvre de manière exemplaire le Protocole de Kyoto, mais aussi se mobiliser davantage pour le faire appliquer dans le monde entier. Ensuite, la réhabilitation des espaces de l'Europe orientale et centrale, dont l'environnement a effroyablement souffert du communisme. Nous avons besoin d'un renforcement de la stratégie européenne pour réparer les dommages causés.

Car avec l'élargissement, notre espace commun va changer de dimension. Ce nouvel espace est aussi un espace de sécurité. Nous devons apprendre à le gérer ensemble, à répondre aux mêmes défis, aux mêmes menaces, aux mêmes fléaux.

Après le 11 septembre, l'Union a réagi avec audace et rapidité en créant un mandat d'arrêt européen, afin que les terroristes ne disposent, en Europe, d'aucun sanctuaire.

Aujourd'hui, je propose d'ouvrir la voie à une police commune chargée de poursuivre les crimes au niveau européen. Elle agirait, sous l'autorité d'un parquet européen, en coopération avec nos polices nationales. Je propose également d'unifier progressivement l'action de nos polices des frontières pour enrayer l'immigration illégale.

Notre espace commun doit enfin demeurer un espace de solidarité entre régions. Je pense en particulier à nos collectivités d'outre-mer, ces frontières actives de l'Europe. Après le progrès considérable accompli avec le Traité d'Amsterdam, qui a reconnu la particularité des Régions Ultrapériphériques, et à l'heure de l'élargissement, nous devons relancer la solidarité européenne à l'égard de nos départements d'Outre-mer.





3) Ainsi, l'Europe sera demain de plus en plus présente sur toutes les questions qui déterminent l'avenir de chacun d'entre nous. Il est donc normal d'avoir à son égard la même exigence que vis-à-vis de nos institutions nationales. Je veux que notre Europe soit démocratique et efficace.

C'est tout l'enjeu de la Convention sur l'avenir de l'Union qui vient d'ouvrir ses travaux. Je souhaite que la France aborde ce débat avec quatre grandes ambitions.

- D'abord, mieux asseoir la légitimité démocratique de l'Europe. Souvent nos concitoyens ont le sentiment que les décisions européennes sont prises loin d'eux. Ils ont raison. Comment corriger cette faiblesse ? Il faut associer plus étroitement les Parlements nationaux à l'oeuvre communautaire. Dans chacun de nos pays, des mécanismes ont été mis en place. Renforçons-les. Je souhaite aussi que les parlementaires nationaux se voient confier de nouvelles responsabilités au niveau de l'Union. Dans le cadre d'une instance les représentant, ils pourraient avoir le mandat de déclencher le contrôle du principe de subsidiarité.

Le Parlement européen affirme son autorité. Son pouvoir de codécision doit être étendu. C'est ici, à Strasbourg, que se forge et s'exprime l'opinion publique européenne. Or nous constatons souvent que les Français connaissent mal leurs élus. Il faut créer, entre les uns et les autres, un lien plus direct, rétablir cette chaîne de responsabilité qui est au coeur de la démocratie. Je propose depuis longtemps que les élections européennes en France s'effectuent sur la base de grandes circonscriptions régionales. Faisons en sorte que cette réforme voie le jour pour le prochain scrutin, en 2004.

Au-delà, ce sont nos collectivités territoriales qui doivent multiplier les initiatives européennes et les partenariats avec leurs homologues des autres Etats membres. Ainsi l'ensemble de notre société se mobilisera.

- Mais, pour que les Français se reconnaissent dans le projet européen, il faut que celui-ci soit plus transparent et plus compréhensible. Et c'est ma deuxième ambition. C'est le sens de la démarche constitutionnelle que j'ai proposée dans mon discours au Bundestag et qui a été adoptée au Conseil européen de Laeken. Quel sera l'apport de cette Constitution européenne ? Elle affirmera clairement nos valeurs communes, telles qu'elles figurent dans la Charte proclamée au Conseil européen de Nice. Elle simplifiera le texte des traités. Elle précisera qui fait quoi entre l'Union et les Etats membres. En un mot, elle exprimera l'identité européenne.

S'agissant de la Convention qui vient de s'ouvrir, clarifier la répartition des compétences et des responsabilités sera l'une de ses tâches essentielles. C'est l'occasion de corriger une dérive souvent dénoncée, cette tentation qu'a parfois l'Union de vouloir traiter de tout par des réglementations excessives et éloignées des réalités, ce qui la rend impopulaire.

L'Europe n'a certainement pas vocation à s'occuper de tout dans toutes les circonstances. Elle a son rôle, sa propre valeur ajoutée. Elle doit pouvoir agir lorsque les Etats ne peuvent le faire aussi efficacement. Elle est le "levier d'Archimède" dont parlait le Général de Gaulle. C'est du moins l'idée que je me fais du principe de subsidiarité.

C'est dans cet esprit que je m'opposerai à toute tentative de remise en cause de ces deux piliers de la construction européenne que sont la politique régionale et la politique agricole commune. La première devra être adaptée à la nouvelle donne de l'élargissement. Et la seconde doit continuer à évoluer pour mieux prendre en compte les impératifs du développement rural et de la qualité des produits. Mais vous pouvez compter sur moi pour veiller à ce que ni l'une ni l'autre ne soient dénaturées ou démantelées.

Nous devrons, en parallèle, toujours mieux expliquer à nos concitoyens tout ce que l'Union leur apporte déjà, tout ce qu'elle leur garantit, comment elle leur permet de mieux vivre. Cet effort d'explication, nous l'avons mené, et avec quel succès, pour l'euro. Il nous faut maintenant multiplier les campagnes d'information pour mieux faire comprendre le projet européen dans son ensemble. Avec l'élargissement puis l'adoption de la Constitution européenne, nous aurons, dans les prochaines années, deux occasions incomparables de développer cette nécessaire pédagogie.

- L'Europe doit être mieux dirigée. C'est mon troisième objectif. La Commission doit être forte. C'est elle qui a la responsabilité principale du fonctionnement du marché unique et du développement des politiques communes. C'est elle qui, depuis l'origine, donne l'impulsion au projet communautaire grâce à son monopole d'initiative et à ce que l'on appelle la méthode communautaire. Tout ceci doit être préservé et rénové.

Pour rester efficace demain, la Commission devra cependant être plus resserrée. Et pour continuer à défendre l'intérêt général européen, elle devra rester vraiment indépendante des Etats et des partis politiques.

Ma priorité est de donner plus de leadership politique à l'Europe. C'est le rôle du Conseil européen qui réunit, au sommet de l'Union, les Chefs d'Etat et de Gouvernement et le Président de la Commission. C'est à lui que doit revenir la responsabilité globale de la marche de l'Union, la définition des orientations et du programme de travail, la mise en cohérence des acteurs communautaires et gouvernementaux.

Pourtant, le système actuel des Présidences tournantes, qui reviennent tous les six mois à un pays différent, ne sera pas viable dans une Europe élargie. Il faut donner un Président à l'Union européenne. Je l'avais proposé dans le passé, je le propose à nouveau : plaçons à la tête du Conseil européen une personnalité élue par ses membres pour une durée suffisante. Ce Président incarnerait l'Europe aux yeux du reste du monde et conférerait au système institutionnel la stabilité dont l'Union a besoin pour être forte.

Il devrait s'appuyer sur un Conseil des ministres dont les travaux seraient plus transparents, mieux coordonnés et régis par le vote à la majorité qualifiée. S'agissant de la présidence du Conseil des ministres, plusieurs formules seront à étudier. Elle pourrait, sous l'autorité du Président de l'Union, être assurée par le Secrétaire Général. Elle pourrait aussi être confiée à des collèges d'Etats membres, représentatifs de la diversité de l'Union, et qui tourneraient avec chaque Président de l'Union.

- Enfin, et c'est ma quatrième ambition, l'Union doit pouvoir continuer à avancer lorsqu'elle comptera 25 ou 30 membres. Je reste convaincu que seul un groupe pionnier, ouvert à tous et respectueux de l'acquis communautaire, permettra de préserver la capacité d'impulsion dont nous avons impérativement besoin.

Nous devons rechercher une plus grande flexibilité dans l'Union. Plaçons la barre à un haut niveau lors de la réforme de 2004. Ceux qui pourront, à ce moment, rallier les éléments les plus ambitieux du projet formeront naturellement les premiers membres du groupe pionnier. Les autres, qu'il n'est évidemment pas question d'exclure, les rejoindront lorsqu'ils se sentiront prêts. C'est selon cette méthode que nous avons réussi l'euro et la libre circulation des personnes. C'est ainsi que se bâtit la défense européenne.

Et comme toujours, l'impulsion devra venir du moteur franco-allemand. Au long des années, la relation entre nos deux pays est passée par des phases de plus ou moins grande proximité. Mais jamais son caractère vital pour l'Europe n'a été perdu de vue par les dirigeants de chaque côté du Rhin.

La France et l'Allemagne fêteront, en 2003, le 40ème anniversaire du Traité de l'Elysée. Elles devraient saisir cette occasion pour conclure un nouveau pacte fondateur, qui prévoirait un saut qualitatif dans la coopération entre nos administrations, nos diplomaties et nos armées et favoriserait, par des mesures volontaristes, le partenariat entre nos entreprises et le dialogue de nos sociétés. Je le proposerai au Chancelier allemand.



Mes chers amis,

Ma conviction profonde est que nous n'avons pas de conflit de loyauté entre la France et l'Europe. Je n'accepterai pas que l'Europe se transforme en un super-Etat ou qu'elle modèle ses institutions sur celles des Etats-Unis d'Amérique.

Je sais en revanche que l'Europe donne à notre Nation la dimension et la force nécessaires dans le monde qui se construit. Et que tous nos partenaires, au sein des Quinze comme parmi les pays candidats, souhaitent qu'elle demeure respectueuse du fait national. La Nation, réalité incontournable, plus que jamais vivante, restera, pour les temps qui viennent, le premier moteur de l'histoire. C'est la double réalité, nationale et européenne, que reflète le concept de Fédération d'Etats Nations.

C'est la raison pour laquelle il est parfaitement légitime de défendre, en Europe, nos spécificités nationales, notre langue, notre conception de la diversité culturelle ou du service public, notre agriculture, nos Départements d'Outre-Mer. Nos partenaires font de même, sans que cette démarche entrave le développement du projet européen.

Mais le poids de la France en Europe dépendra d'abord de la force de son économie, de sa compétitivité, des moyens qu'elle consacrera à sa défense ou à l'aide au développement. C'est pourquoi ma vision de l'Europe est si intimement liée aux choix que je vous propose par ailleurs.

La France doit aborder avec confiance ces temps nouveaux. Ses atouts sont considérables. Son influence peut être décisive pour autant qu'elle ait une vision claire de son destin ; pour autant que les politiques menées par ses gouvernements ne l'affaiblissent pas ; pour autant que des réformes nécessaires et trop longtemps renvoyées, soient enfin mises en oeuvre.

La France dans l'Europe doit être une puissance de l'initiative, non une puissance du veto. L'Europe nous offre un nouvel espace. Un espace de protection mais aussi de liberté. ; où peuvent s'épanouir l'énergie et les talents de nos entrepreneurs, de nos chercheurs, de tous nos citoyens.

C'est pourquoi je veux que l'Europe, après l'élargissement, puisse continuer d'avancer, d'agir avec force et détermination.

Mais nous devons être exigeants : plus de responsabilités imposent plus de démocratie et plus de clarté dans la répartition des rôles. C'est ainsi que seront contenues les tentations toujours présentes d'une réglementation uniforme et tatillonne.

En politique européenne, le Général de Gaulle nous a montré la voie : tout est affaire de volonté. Cette volonté m'anime et je nourris de grands espoirs. L'espoir que la Constitution européenne, qui devra être adoptée par référendum, rassemble les Européens. L'espoir que ce rêve de paix et de liberté, qui était celui des pères fondateurs, anime tous nos concitoyens. L'espoir qu'il les remplisse de fierté et du désir de s'engager plus encore qu'aujourd'hui pour l'Europe.

A nos compatriotes, je veux dire haut et fort ma conviction : soyons ambitieux. Construire et parfaire l'Europe au XXIème siècle, c'est poursuivre la grande aventure de la France. Car l'Europe, si nous savons lui donner plus de légitimité et de puissance, aidera à faire entendre la grande voix de la France ; elle portera loin cette exigence, ces valeurs républicaines auxquelles nos compatriotes sont si profondément attachés et qui s'expriment si bien en français.

Vive la République, Vive la France, Vive l'Europe.





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